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Le handicap : une construction sociale


La définition du handicap a évolué au cours du temps en fonction des contextes sociaux et politiques. Le handicap est avant tout une construction sociale. Les personnes handicapées sont un groupe social qui a été imaginé, construit, et qui se distingue du groupe social des personnes valides. L’originalité de la lutte contre les exclusions tient dans l’approche intersectorielle de ce sujet. Dans les années 2000, ce sont les droits des personnes âgées et handicapées qui focalisent l’attention des parlementaires et des pouvoirs publics.

Le handicap est au coeur des préoccupations sociales

Pendant longtemps, le sujet du handicap a été uniquement un sujet individuel, personnel, qui était pris en charge par les églises, par la charité, mais qui ne faisait pas l’objet d’une politique quelconque. Puis, à l’issue des 2 guerres mondiales, les choses ont changé, notamment à l’issue de la Seconde Guerre mondiale car la patrie avait une dette envers les mutilés de guerre. Il était difficile de continuer à dire qu’il s’agissait uniquement d’un problème individuel. A l’issue de la Seconde Guerre mondiale et de différentes idéologies meurtrières, il était important de réaffirmer les notions de droits humains fondamentaux, avec l’adoption, le 10 décembre 1948, par 53 pays de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH). Or, si tous les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en droits, et si on considère qu’une personne handicapée est un être humain, alors va se poser la question de la prise en charge pour que ces personnes accèdent à l’ensemble de ces droits.

Une première définition internationale a été donnée dans les années 1980, avec la classification internationale du handicap. Cette première définition reprend la vision qu’on avait du handicap, qui était encore très individuelle et personnelle, avec la personne handicapée qui est avant tout un objet de soins. On parle du modèle médical et individuel du handicap. Les personnes handicapées sont perçues comme inadaptées au monde conçu pour les personnes valides. Il faut donc les réparer, via la médecine, et on voit qu’il n’y a aucune responsabilité collective. Tout acte visant à aider ces personnes dans leurs problèmes individuels et personnels font donc preuve de charité et de solidarité.

De nombreuses personnes handicapées se sont mobilisées pour faire changer cette vision médicale et individuelle du handicap. Le changement de vision sur le handicap a abouti en 2001 à une nouvelle définition qui prend en compte l’environnement. Cette définition a été donnée dans le cadre de la classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé. Elle a été proposée par l’Organisation mondiale de la santé et adoptée par plus de 200 pays. Aussi, les mouvements sociaux autour des droits des personnes handicapées se sont développés à travers la planète.

En France, la Loi Handicap, qui est la loi 2005-102 du 11 février 2005, donne une définition du handicap, à l’ article 2, qui prend en compte cette nouvelle conception du handicap. Elle définit notamment le handicap comme prenant en compte l’environnement. Une personne handicapée ne l’est pas par son problème de santé, elle est handicapée par un environnement inadapté. Tout dépend de cet environnement social et politique. L’accès aux lunettes a été prévu comme étant largement possible pour les personnes qui en ont besoin. Dans un contexte différent, où il n’y a pas de politique qui permet l’accès facilité à des lunettes de vue, vous seriez en limitation d’activité, et pour la même pathologie, une myopie, par exemple, vous pourriez être handicapé. On voit bien que l’environnement a un rôle prépondérant.

Un enjeu collectif pour une société inclusive

Il ne s’agit plus d’une responsabilité individuelle, mais d’une responsabilité de la société de rendre accessible son environnement pour que les personnes handicapées puissent, à égalité, accéder à l’ensemble des droits, des biens, des services qui sont proposés aux personnes valides. Il s’agit donc d’un choix de société que la France a commencé à opérer au début des années 2000 :

- La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ouvre également de nouvelles perspectives à la prise en compte des personnes handicapées dans la société française, et amorce une démarche dite d’inclusion de ces personnes.

- Enfin, la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale place au centre des préoccupations les droits et les besoins des personnes, notamment dans le cadre de leur accueil dans des établissements sociaux et médico-sociaux. Elle s’inscrit dans une conception de l’action sociale et médico-sociale ainsi décrite dans la loi : « L'action sociale et médico-sociale tend à promouvoir, dans un cadre interministériel, l'autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l'exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets. Elle repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux, en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées, des personnes et des familles vulnérables, en situation de précarité ou de pauvreté, et sur la mise à leur disposition de prestations en espèces ou en nature. »

C’est dans cette décennie qu’est créée la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) et qu’est repensée la protection juridique des majeurs (loi n° 2007-308 du 5 mars 2007). Cette loi recentre le régime des tutelles et curatelles sur les personnes réellement atteintes d'une altération médicale de leurs facultés personnelles. Les personnes en difficultés socio-économiques n'ayant aucune altération de leurs facultés mentales ne peuvent plus être mises sous tutelle ou sous curatelle. Elles doivent désormais être prises en charge dans le cadre de mesures contractuelles mises en oeuvre par les services sociaux du département.

La loi crée aussi les conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées (CDCPH) puis les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA), chargés de faire des propositions pour mettre en oeuvre au niveau local la politique en direction des personnes âgées et des personnes handicapées.

Par ailleurs, la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies (CDPH), adoptée par consensus le 13 décembre 2006, réaffirme l’enjeu de société pour une société collective en créant une nouvelle définition de la discrimination. Le refus d’aménagement raisonnable pour les personnes handicapées devient une discrimination. Cette convention a été ratifiée par plus de 180 pays, dont la France le 18 février 2010. Il s’agit de permettre un égal accès aux personnes valides et handicapées, pour leur permettre de participer pleinement à la vie en société. Mais cela ne doit pas causer de charges disproportionnées.

La notion de handicap n’est pas une notion figée. Elle est porteuse de sens, d’un engagement politique, d’un choix de société. Ce choix de société a été acté, au niveau mondial, depuis plus de 15 ans, y compris dans la loi française. Or, plusieurs expressions courantes, dans la société française, laissent penser que la notion du handicap est encore empreinte de la vision médicale. On peut parler d’expressions comme « souffrir de handicap ». Or, on va davantage souffrir de l’exclusion qui est provoquée par l’inaccessibilité que d’un trouble de santé, bien que ce soit possible. L’inclusion, c’est donc avant tout une démarche, un acte social.

Vers l’obligation de l’intégration des personnes handicapées, jusqu'à la désinstitutionnalisation ?

Dans le champ de l’action sociale, de nombreux débats portent sur la désinstitutionnalisation : promotion de l’autonomie des personnes aidées pour les uns, elle est également critiquée par d’autres dans la mesure où elle serait, pour les gestionnaires des établissements médico-sociaux, un moyen déguisé de réaliser des économies. Si la réflexion est ancienne dans notre pays, c’est en 2010, que le conseil de l'Europe recommande aux États membres « de sortir les enfants handicapés des institutions afin de privilégier leur vie au sein de la communauté ».

Dès lors, la notion de désinstitutionalisation est perçue comme négative impliquant inéluctablement la fermeture des établissements spécialisés, comme ce fut le cas par exemple en Italie. En France, les textes de loi confortent la notion de parcours. La loi du 2 janvier 2002 a posé le principe que la personne handicapée doit être actrice de son parcours de vie, dans le cadre de l’établissement ou du service qui l’accompagne. Puis la loi de 11 février 2005 sur l’égalité des droits, des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées rappelle que l’accompagnement par un établissement et/ou un service participe à la mise en œuvre du droit à compensation des conséquences du handicap dans le cadre d’un plan personnalisé élaboré au regard du projet de vie de la personne. Elle affirme également la possibilité pour chacun de choisir son projet de vie en permettant l’accès au soin, à l’école, au monde du travail, des loisirs et plus généralement à la société.

Vient ensuite la Convention des nations unies des droits des personnes handicapées, ratifiée par la France en 2010, qui, dans son article 19, consacré à l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société, affirme le droit de toute personne de vivre dans la société avec la même liberté de choix que les autres. L’article précise que « Les personnes handicapées ont le droit d’avoir accès à une gamme de services à domicile ou en établissement et autres services sociaux d’accompagnement, y compris l’aide personnelle nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société́ et de s’y insérer et pour empêcher qu’elles ne soient isolées ou victimes de ségrégation ».

En 2014, une nouvelle étape est franchie avec la déclaration le 4 février du Groupe Européen d’Experts sur la transition des institutions vers les services à base communautaire. Comme le résume le Conseil Français des Personnes Handicapées pour les Questions Européennes (CFHE) : « L’Union Européenne s’apprête à mettre en œuvre les prochaines années des Fonds structurels et d’investissement. Le cadre mis en place pour cette nouvelle période de programmation représente une opportunité historique pour protéger les droits des personnes les plus exclues de l’Europe : celles vivant dans des institutions. Pour la première fois, les nouvelles régulations pour la politique de cohésion, adoptée en décembre 2013 par le Conseil Européen et le Parlement Européen, incluent des références spécifiques pour soutenir la "transition des institutions vers les services à base communautaire". Cela représente l’engagement que les Fonds Européens ne seront pas utilisés pour perpétuer l’institutionnalisation mais bien pour développer les alternatives à base communautaire. Cet engagement est crucial en cette période actuelle d’austérité, alors que les Etats membres peuvent utiliser les Fonds Européens pour couvrir les coûts de la transition vers des services à base communautaire. »

Un plaidoyer associatif

Fort de ce constat, notre collectif aura pour objectif de défendre les idées qui sont les nôtres et les droits des personnes autistes en matière d’émancipation et de vie autonome.

Parmi les conventions internationales qui peuvent être invoquées dans le cadre de notre plaidoyer associatif, autant sur la question de la privation de liberté basée sur le handicap que de la défense des droits et de la primauté de la personne, il y a la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). S'appuyer sur la CDPH dans toutes les procédures et communications, déréférencer la loi de 2005 car les deux loi ne peuvent pas s'additionner.

L'exception française sur l'internement arbitraire des personnes handicapées ne doit plus exister. Ainsi la France redeviendra le Pays des droits de l'Homme et elle exprimera un acte fort en faveur des personnes handicapées pour favoriser leur réelle inclusion sociale et citoyenne.

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