top of page

Bientraitance VS maltraitance envers les personnes handies


On considère que la bientraitance vise évidemment à éviter et à prévenir toute maltraitance. Or, un comportement de bientraitance n'est pas l'angélisme. Etre bien-traitant implique de la part de l'intervenant, quel qu'il soit, d'être bien au fait des frontières à ne pas franchir, tout en considérant avec réalisme que d'autres que lui ont pu la franchir... Par conséquent, avant d'approfondir ce qu'il en est de la bientraitance, définissons ce qu'elle n'est pas, à travers une connaissance de la maltraitance.


La maltraitance

En 1987, le Conseil de l'Europe définit la maltraitance comme une violence. Cette violence se caractérise par « tout acte ou omission commis par une personne, s'il porte atteinte à la vie, à l'intégrité corporelle ou psychique, à la liberté d'une autre personne ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière ». En 1992, le Conseil de l'Europe complète sa définition par une typologie des actes de maltraitance, à savoir :

  • Les violences physiques : caractérisées par les coups, brûlures, ligotages, les soins brusques sans information ou sans préparation, la non-satisfaction de demandes et besoins physiologiques de base, les violences sexuelles, les crimes sexuels, les meurtres (dont l'euthanasie).

  • Les violences psychiques ou morales : correspondent à l'usage d'un langage irrespectueux ou dévalorisant, l'absence de considération, le chantage, l'abus d'autorité, l'infantilisation, le non-respect de l'intimité et à des injonctions paradoxales.

  • Les négligences actives : toutes formes de sévices, abus, abandons, manquements pratiqués avec conscience de nuire, corruption.

  • Les négligences passives : relèvent de l'ignorance et de l'inattention issues de l'entourage.

  • La privation ou la violation de droits : se rapportent à la limitation de liberté de la personne, à la privation de l'exercice des droits civiques et à la privation d'une pratique religieuse.

Les actes de maltraitance se sont considérablement développés ces dernières années. La société a le devoir de protéger ceux et celles qui en sont victimes, et tout particulièrement les mineurs ou les personnes qui ne sont pas en mesure de se protéger en raison de leur âge ou de leur incapacité physique ou psychique. La loi du 5 mars 2007 a renforcé les dispositifs, dont les principales mesures sont :

  • Le renforcement de la répression des infractions sexuelles ou de nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine.

  • Le renforcement du rôle de l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED) qui a pour mission de prévenir la maltraitance. Une cellule de recueil d'informations est créée dans chaque département (cellule opérationnelle).

  • Des mesures spécifiques, comme l'audition de l'enfant par les brigades de mineurs spécialement formées à l'audition de l'enfant victime de sévices, l'organisation d'une banque de données sur les affaires en matière de pédophilie, la coopération policière internationale, des actions préventives menées auprès des agences de voyages pour lutter contre le tourisme sexuel.

  • Les bilans de santé obligatoires à 3, 6, 9, 12 et 15 ans.

  • La formation et la sensibilisation des personnels (tous les personnels sont concernés, dont les professionnels de l'aide à domicile).

  • Les liaisons avec les collectivités territoriales, les autres services de l'État et les associations.

On parle beaucoup de la maltraitance des personnes âgées depuis quelques années, car elle-est mieux identifiée et les comportements des acteurs (victimes, auteurs et témoins) sont mieux étudiés. Mais pour les personnes en situation de handicap c'est encore l'omerta. Les personnes en situation de handicap sont davantage victimes de violence et particulièrement les femmes. Cf. violences sur les personnes handies.


Les causes de la maltraitance peuvent être variées, mais il est important de garder en mémoire que chacun d'entre nous peut être ou devenir maltraitant. De ce fait, la prévention de la maltraitance consiste, en premier lieu, à prendre soin de soi. Ceci commence par être attentif à son hygiène de vie (sommeil suffisant, se soigner face à la maladie, éviter la surconsommation d'alcool...). Ensuite, l'aidant ou le professionnel a besoin de trouver des lieux de parole (réunion, conversation avec les collègues, rencontre de ses supérieurs...) et en dehors du travail (parler avec son/sa conjoint(e)/partenaire, avec ses amis...) pour pouvoir exprimer les vécus difficiles et prendre du recul pour intervenir différemment. Il est donc extrêmement important d'avoir au moins des lieux et des moments pour poser des mots sur ce qu'il a vécu de difficile, sur ce qu'il a éprouvé et sur le ressentiment qui lui reste de cette situation. Enfin, pour prévenir la maltraitance, l'aidant ou le professionnel a besoin de connaître ses limites. S'il ne lui est pas possible de passer le relai à un parent ou à un collègue lors d'une situation difficile ou violente, il peut néanmoins demander à ne plus accompagner une personne pendant un certain temps.


Il est important de détecter le plus rapidement possible les signes permettant d'identifier les mauvais traitements, tout en évitant les erreurs d'appréciation. Cela demande de la rigueur de la part des professionnels et mais aussi de l'entourage.


Outils :

- Mise à disposition de documents en facile à lire et à comprendre (FALC) avec Santé-Bd : https://handicap.gouv.fr/mieux-prevenir-et-empecher-les-maltraitances-sur-personnes-vulnerables

- Publication par la HAS de deux nouveaux guides pour faciliter le repérage de la maltraitance : https://solidarites.gouv.fr/paul-christophe-salue-la-publication-par-la-has-de-deux-nouveaux-guides-pour-faciliter-le-reperage-de-la-maltraitance

- Sites et ressources utiles contre la maltraitance : https://solidarites.gouv.fr/sites-et-ressources-utiles-contre-la-maltraitance

- Les citoyens seront également appelés à participer ou, du moins, à faire part de leurs plaintes ou réclamations, via une plateforme en ligne dédiée : https://www.adultes-vulnerables.fr/fiche-questionnement-tutelle/identifier-la-vulnerabilite/le-signalement-dune-situation-de



La bientraitance

La bienveillance, dont l'étymologie latine rappelle qu'elle veut le bien -bene volens-, pose question : vouloir le bien pour quelqu'un de la place où je suis, ce n'est pas forcément le bien réel que la personne veut pour elle-même. Sans oublier que ce bien que je veux pour l'autre ne m'engage pas à grand-chose, il en reste au stade de l'intention. Cependant, puisque je suis bienveillant et que donc je veux le bien, je n'ai aucun problème de conscience et je n'ai rien à me reprocher... En ce sens, je lui préfère la bienfaisance qui, quant à elle, m'engage vis-à-vis d'autrui par l'action. La bienveillance peut en outre se faire perverse, quand, précisément, convaincus que nous pouvons apporter du bien à autrui, nous ne lui demandons pas son avis ni son consentement. En ce sens, sous prétexte de faire du bien, on peut faire beaucoup de mal ; à commencer par nier l'existence de l'autre comme sujet, à nier son libre arbitre. Dans un tel contexte, le sujet n'existe plus. On l'affuble d'une responsabilité illusoire qui le désubjective, qui le rend objet du discours de l'autre, qui le réifie ; et non d'une responsabilité juste issue de son libre arbitre, qui serait l'expression de son autonomie.


La bientraitance, en tant que valeur positive dans la recherche de conditions d'une « vie bonne », non seulement s'oppose à la maltraitante, mais se définit, se structure et se renforce en rapport avec d'autres valeurs, véhiculées par différentes notions et différents concepts, à savoir : la bienveillance, le fait d'être bon pour autrui, une communication respectueuse, la sollicitude, le care et la reconnaissance. Des concepts qui participent à définir la bientraitance en pensées et en actes. Au demeurant ces références conceptuelles sont recommandées par l'Agence nationale pour l'évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux (ANESM).


La communication respectueuse trouve, quant à elle, bénéfice à se référer à la communication rogérienne. Dans ses travaux, Carl Rogers invite à prendre en considération quatre dimensions de la communication : observer les faits, en évitant les jugements de valeur ; reconnaître et nommer ses propres sentiments ; avoir conscience et exprimer ses propres besoins ; savoir formuler sa demande et aider l'autre à y répondre. Ces dispositions permettent ainsi de se rendre disponible à autrui, par le fait de pouvoir être également attentif à soi-même. On se comporte avec autrui comme avec soi-même, avec respect.

La sollicitude est une notion, pratique, développée par le philosophe Paul Ricceur. Il s'agit d'une attitude de décentration de soi en faveur d'autrui, potentiellement en besoin d'aide, de soutien ou en demande de progrès. Il s'agit d'une posture relationnelle éthique, soucieuse de l'unicité de l'autre et consciente de sa vulnérabilité. Le professionnel (mais pas seulement), placé au sein d'une relation où il ne peut pas toujours parvenir à réparer la différence de situations et l'écart de possibilités, adopte envers autrui une attitude qui rétablit un équilibre, plutôt que d'accentuer un déséquilibre, une horizontalité plutôt qu'une ascendance, un lien plutôt que de l'indifférence. Le geste de sollicitude instaure une relation équilibrée et de compensation respectueuse de l'autre, malgré une fragilité momentanée ou durable. Le care est une notion qui s'est développée dans les écrits anglo-saxons (to care). Elle différencie l'attitude du « prendre soin » de celle d'un « guérir » plus technicien. Cette notion se réfère à un accompagnement de proximité où une place importante est donnée à l'expérience des professionnels qui travaillent auprès des personnes dépendantes. L'enseignement du care décrit des attitudes et comportements non pas déterminés par la règle ou le droit, mais par l'adaptation des réponses à une situation donnée, toujours singulière. Ces réponses seront toujours contextualisées et personnalisées. La pratique du care implique de sortir de son propre cadre de référence pour entrer dans celui de l'autre. C'est une attitude par laquelle la personne attentionnée se décentre d'elle-même et rejoint l'autre, à ses côtés, pour l'entendre, la comprendre afin de l'accompagner.


La reconnaissance, selon Axel Honneth, met l'accent sur l'importance que revêt pour toute personne d'être regardée favorablement par ceux qui l'entourent, afin de développer une image positive d'elle-même et de déployer au mieux ses capacités. Il existe trois vecteurs privilégiés de la reconnaissance qui sont l'attention affective, l'accès égal aux droits et l'estime sociale (regard social). L'enjeu de la reconnaissance est ainsi posé par Honneth : « La possibilité par le sujet de réaliser son autonomie individuelle dépend des conditions préalables dont il dispose pour développer un rapport à soi intact à travers l'expérience de la reconnaissance sociale ».


La notion de bientraitance se pose, de nos jours, comme une évidence dans l'intervention sociale, les professions de l'aide et de l'accompagnement, mais aussi dans celle de tout aidant. Elle est une valeur positive, orientée vers un « mieux » et s'adapte aux personnes pour favoriser leur autonomie et leur épanouissement. Si la pratique de la bientraitance est en passe de se normaliser, elle n'en reste pas moins une certaine manière d'être et de penser qui ne s'acquiert que si elle se pratique et se transmet. Le concept de dignité et de respect de la personne humaine rejoint quant à lui la pensée d'Emmanuel Kant (Fondements de la métaphysique des moeurs) que le précepte suivant résume admirablement : « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen».

Outils :

- Carl R. Rogers, Le développement de la personne : https://youtu.be/-pWcOU0PXbs

- Paul Ricceur, Soi-même comme un autre : https://youtu.be/uuLUL36qdsA

- Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance : https://youtu.be/ohqbcEfqjEA


Pour résumer

La maladie, la vieillesse, le handicap mettent chacun de nous en face de réalités difficiles à supporter et nous révèlent nos propres peurs et angoisses (peur de la mort, de la dépendance). Il peut y avoir des sentiments de dégoût (notamment dans certains gestes d'hygiène et de confort). Les conditions de travail, la charge de travail ou la fatigue conduisent parfois l'accompagnant aidant ou le professionnel à un épuisement (physique et/ou moral) ; il ne supporte plus sa fonction. La personne handicapée est vulnérable et ne peut pas se défendre ; elle devient alors la cible du professionnel ou du proche aidant, débordé par une situation qu'il ne peut plus gérer.


Pour développer la bienveillance, plutôt que de développer l'empathie via des formations ou autres, apprenons tous à reconnaître en l'autre un autre nous-même !

Comments


Posts à l'affiche
Posts Récents
Archives
Rechercher par Tags
Retrouvez-nous
  • Facebook Basic Square
  • Twitter Basic Square
  • Google+ Basic Square
bottom of page