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Autisme : établissement spécialisé ou logement indépendant ?


Pendant longtemps, la société a restreint les choix des personnes autistes, les croyants incapables de faire des choix dans les situations qui affectent leur vie. Les domaines dans lesquels cette discrimination s’avère plus importante sont le travail, le logement et les interactions sociales. Si bien que beaucoup de personnes autistes sont sans emploi, ont du mal à trouver un logement adapté et abordable économiquement. Elles sont souvent socialement isolées du reste de la population.


Quitter le domicile parental

Pour de nombreux jeunes adultes avec autisme sans déficience intellectuelle (TSA-SDI), le domicile parental est le lieu le plus familier et le plus sécurisant : ses règles claires, les relations et la dynamique sont bien connues. Souvent, ces jeunes adultes ne sont pas même astreints à effectuer des tâches ménagères : certains parents continuent de leur faire la cuisine, de leur donner de l'argent et de s'occuper de tous leurs besoins sans même qu'ils aient à le demander. Il semble que la diminution des systèmes de soutien pour les adultes autistes qui vivent à la maison crée une situation qui pousse les familles à chercher une solution à l'extérieur de la maison. Dans certains cas, un professionnel tel qu'un mentor ou un thérapeute initie la recherche d'un cadre résidentiel adapté, mais dans presque tous les cas, cela se fait à l'initiative des parents. Quitter la maison des parents, comme prévu, crée beaucoup d'appréhension et d'incertitude. Cette transition devient une période délicate : personne pour faire la cuisine, pour faire le ménage, … des tâches de base qui n'ont jamais été imposées auparavant. La motivation de ces jeunes est pourtant une importante condition préalable à l'admission dans un cadre résidentiel et à la réussite du processus d'intégration en établissement spécialisé.

Sans réels soutiens, de nombreuses familles rencontrent les comités d'admission des établissements médico-sociaux avec beaucoup d'espoir et le désir que le jeune adulte autiste soit accepté et puisse être intégré dans un cadre spécifique. Mais, pour autant, il ne faut pas oublier que le but de tout cela est de trouver le lieu le plus approprié pour la personne et qu'il vaut donc la peine pour les candidats et leurs familles de répondre de manière honnête et ouverte à toutes les questions importantes pour le personnel et le comité d'admission en habitat spécialisé.


Le choix de ma famille a été tout autre et j'ai été « élevée à la dure ». Les périodes de mon enfance et adolescence se sont déroulées dans un environnement familial de violences psychologiques et physiques. Depuis toute petite, j'ai dû apprendre à survivre. Après le lycée, nous étions plus que trois à vivre à la maison à la mort de mon père, alcoolique. Ma mère et mon frère se plaignaient non seulement de mon comportement « bizarre », mais aussi de mon instabilité professionnelle. Cependant, enfant comme adulte, j'ai souvent mis un point d'honneur à faire plaisir aux autres et à ne pas faire de vagues, mais d'une certaine façon, j'ai toujours fini par « causer des problèmes ». Même après la mort de mon père, ma famille est restée négligente lorsque j'étais dans le besoin d'une aide médicale. Jamais elle n'a cherché à me soutenir lors d'accès de colère, lors d'effondrements autistiques, puis lors de dépression. Dans les années 80-90, le syndrome d'Asperger n'était alors pas encore connu en France. A l'âge de 23 ans et demi, encouragée par ma mère, j'ai quitté le domicile parental qui me renvoyait sans cesse à mes maladresses sociales et à mes difficultés psychologiques. Je me suis retrouvée seule, perdue à vivre comme une SDF pendant plusieurs mois. C'est grâce à quelques amitiés que j'ai pu trouver un logement HLM et un soutien moral. A l'abri, j'ai aussitôt pu mobiliser mes ressources intérieures. En effet, j'ai toujours eu foi en moi avec, dans l'ensemble, une bonne estime. Il est souvent décrit que les personnes autistes ont une faible estime d'elles. C'est encore une généralisation dite sur l'autisme. Il ne faudrait pas oublier que l'autisme est un spectre et que chaque personne construit sa propre personnalité !


Donc, depuis mes 24 ans, je suis une Aspie célibataire, sans enfant et heureuse de vivre seule (enfin presque, puisqu'en compagnie de chats) dans mon propre logement. Heureuse de ne plus vivre dans la violence d'un foyer, quel qu'il soit. Cependant, j'en conviens que le fait de vivre seule quasiment toute sa vie ne permet pas de sortir de l'isolement social. D'autres Aspies sont mariés ou vivent en couple, sont parents et sont très heureux.ses. Cela éviterait de se perdre dans ses habitudes et ses routines solitaires, mais pour moi cela me rassure et ne signifie en rien un défi à relever. Car ils en existent suffisamment au quotidien ! Le plus grand défi a été celui de fuir des environnements maltraitants et de devenir indépendante financièrement. Avec le recul, en écrivant ces mots, je me rends compte que j'ai fait de même avec mes environnements professionnels lorsque ceux-ci sont devenus malveillants voire maltraitants. Le problème : « je suis lente à la détente ». En effet, il m'a toujours fallu un temps (trop long) pour m'apercevoir que ces situations n'étaient pas satisfaisantes mais aussi du temps pour prendre une décision afin que cela change. A chaque fois que quelqu'un sortait de ma vie (ami, amoureux, patron, …), ils me disaient : « tu es forte, ça va aller. » ou bien « ce n'est pas contre toi, çà n'a rien de personnel ». Mais je ne me sentais pas forte, au contraire, je me trouvais vulnérable. Et je ne parvenais pas à comprendre pourquoi j'en étais arrivée là et pourquoi j'étais systématiquement exclue.


Mais avec un peu de chance, vous bénéficiez du soutien de votre famille. Si tel n'est pas le cas, je sais à quel point c'est difficile et combien l'on peut se sentir seule lorsque l'on évolue dans un environnement où l'on vous fait bien sentir que vous êtes « la brebis galeuse ». C'est marrant mais dans un environnement à problèmes, si ceux qui le composent n'ont pas conscience qu'ils font partie de cette catégorie, peuvent parfaitement vous faire passer pour l'élément dysfonctionnel du fait que vous n'y trouvez pas votre place. Vous devenez le bouc-émissaire parfait ! Je suis convaincue que la plupart des problèmes psychologiques qui semblent être inhérents à l'autisme sont davantage dus au rejet, au harcèlement et aux reproches qu'autre chose. Un jour ou l'autre, vous pourrez quitter la maison et fonder votre propre famille et vous pourrez alors poser les règles dans votre propre maison, un foyer empli de joie, d'amour, de créativité, d'humour et tout autre chose qui vous fera envie.

Outils :

- Par l'association Autisme sans frontières, un dossier complet sur l'habitat inclusif


Tenir son logement

Si à une extrémité du spectre, on trouve des personnes qui n'ont besoin que d'une assistance minimale et ponctuelle pour les aider à trouver un emploi régulier, à louer un appartement ou à apprendre à gérer leur vie de manière autonome et à faire face aux défis que cela peut poser. A l'autre extrémité du spectre, se trouvent des personnes qui auront besoin d'un soutien intensif et permanent tout au long de leur vie. Cela interpelle les systèmes qui fournissent actuellement des services et requiert d'eux qu'ils puissent désormais proposer une large gamme d'options diversifiées, flexibles et modulaires, et des solutions personnalisées. Les jeunes adultes autistes et leurs familles doivent également apprendre à définir eux-mêmes leurs besoins, à bien connaître les services d'aide, à évaluer la pertinence de chaque option proposée et à choisir la méthode qui leur permettra de développer le mieux possible leur qualité de vie.

Si je reste célibataire, c'est aussi parce qu'en général les hommes ont tendance à se reposer sur leur compagne pour s'exonérer de faire les tâches liées au quotidien (courses, cuisine, ménage, actes administratifs, etc.). A force de persévérence, je suis devenue une experte en la matière. De plus, je déteste être dans une situation de conflit et de dispute à essayer de mieux répartir les tâches domestiques. Car, pour une Aspie, le foyer est quelque chose de sacré. Si les hommes autistes ont leur caverne, celle des femmes autistes est généralement plus propre et plus confortable. Notre maison est l'endroit où nous exerçons un contrôle total sur ce que nous voyons, entendons et sentons, ainsi que sur la température et les textures. Nous pouvons y être véritablement nous-mêmes. Si nous avons suffisamment d'argent pour vivre dans l'environnement de notre choix, notre chez-nous peut devenir un paradis sur terre à la condition de ne pas déménager régulièrement ! En effet, un déménagement peut anéantir tout le travail précédemment entrepris avec une totale perte de repères. Les routines domestiques sont alors à reconstruire dans un nouvel environnement. J'ai mis plus d'un an pour retrouver une organisation après beaucoup d'essais et d'erreurs.


Pour passer la journée sans être débordé par le stress, je vous recommande de faire une liste de tâches. Notez tout ce dont vous pensez que vous aurez besoin de faire pour que votre foyer continue de fonctionner. Faites-y figurer toutes sortes de travaux, tels que : nettoyage, jardinage, entretien et réparation de la voiture, bénévolat, achats, et toute autre activité que vous devrez accomplir régulièrement. Puis, attribuez à chaque activité un jour de la semaine. Gardez une trace écrite de vos activités en notant tout sur un grand calendrier mural mensuel ou annuel, ou dans un agenda que vous aurez consacré aux tâches domestiques. Notez d'abord les activités hebdomadaires, par exemple, vous pouvez décider d'aller chez l'épicier les lundis, dépoussiérer, passer l'aspirateur et nettoyer les mardis, laver le linge les mercredis, faire vos achats les jeudis et vous occuper du jardin les vendredis. Puis, recommencez en fixant un temps pour vos routines mensuelles, telles que par exemple, un rendez-vous chez le coiffeur ou chez le médecin le premier lundi de chaque mois.

Prenez l'habitude d'avoir sur vous des petits bouts de papier où que vous alliez. Faites-vous des pense-bêtes avec ce papier que vous pouvez scotcher à des endroits où vous êtes certain de ne pas les manquer. Vous pouvez placer sur le miroir de votre salle de bain des aides-mémoire avec les modifications de l'emploi du temps de la journée, des aides-mémoire pour faire de l'exercice, bien manger etc., collés près de votre réfrigérateur, ainsi que des pense-bêtes de choses que vous vouliez dire à votre famille ou à vos amis, placés sur votre ordinateur ou sur le téléphone. Pour gérer vos documents, je vous conseille d'acheter des classeurs de différentes couleurs pour chaque catégorie principale que vous avez besoin de classer. Efforcez-vous de choisir pour chaque catégorie des couleurs qui soient pour vous évocatrices.

De nos jours, la plupart des achats, y compris tout ce qui va des produits alimentaires, accessoires de bricolage et produits d'entretien, peuvent se faire en ligne sur Internet. Beaucoup de magasins livrent leurs produits à domicile, ou du moins peuvent vous les envoyer si vous leur dites tout simplement que vous avez un handicap qui vous rend difficile de conduire, de faire face aux foules ou de sortir de chez vous. S'il vous est difficile de demander cette aide au personnel du magasin, écrivez une lettre à la place, leur demandant s'ils peuvent vous rendre ce service. Vous pouvez aussi mettre en place un partenariat avec un ami pour faire tour à tour les courses de l'autre. Ou si vous vous trouvez plus apte à fonctionner dans un magasin plutôt que dans un autre, demandez à cet ami si vous pouviez prendre en charge les différentes courses à l'endroit où vous vous sentez le plus à l'aise, tandis que votre ami fait face à la foule des magasins que vous cherchez à éviter. A défaut d'autre chose, vous pouvez toujours tenter de vous arranger avec quelqu'un pour qu'il fasse les courses à votre place. Si vous trouvez que vous ne pouvez pas remplir votre armoire de vêtements plaisants à l'oeil et confortables sans que ce ne soit un cauchemar, faites appel à votre catalogue vestimentaire préféré. Découpez des photos de mannequins portant les habits que vous pensez apprécier, et ensuite soit commandez ces vêtements depuis votre catalogue en ligne, soit prenez les photos dans un magasin où vous vous sentez à l'aise, et demandez à un employé de vous aider à trouver un vêtement similaire.

Lors de la recherche d'un habitat, je vous conseille de tenir compte de l'environnement extérieur et intérieur, notamment concernant l'acoustique. Il est préférable de structurer votre logement en zone d'activité : préférez un zonage sensoriel à zonage fonctionnel, organisez l'espace de façon séquentielle, créez des espaces de transition, ménagez des espaces de repos et de retrait, sécurisez les lieux. Si vous ne vous sentez pas en sécurité sans vos rituels et vos routines, il serait peut-être bon que vous mettiez vos craintes par écrit, que vous en parliez avec quelqu'un en qui vous avez confiance et même que vous développiez votre spiritualité. Dans un monde où il nous est difficile de naviguer à cause de nos troubles, du traitement de l'information sensorielle, de nos désorganisations praxiques, de nos problèmes de coordination et de notre anxiété, nous devons apprendre à nous fier à notre sens prédominant, à nos capacités et en la capacité qu'a l'univers de nous apporter ce dont nous avons besoin.


Outils :

- Fiche pratique : L'entretien du cadre de vie (entretenir son logement et son linge)

- Fiche conseils sur la réalisation des tâches domestiques


Pour conclure

Le logement constitue un droit civil élémentaire de tout individu. Il est indispensable dans la construction de l’identité sociale d’une personne comme membre d’une société à part entière. La peur face aux différences et à l’inconnu, ajoutée au manque de connaissance du spectre autistique jouent un rôle important dans la stigmatisation des personnes autistes, menant à une discrimination, notamment face au logement individuel. L’absence, la perte ou l’instabilité du logement contribuent à l’aggravation des symptômes liés à l'autisme, avec comme conséquence la marginalisation, l’exclusion sociale et l’institutionnalisation. La plupart des personnes autistes SDI préfèrent un logement indépendant à un hébergement collectif, car elles peuvent se créer un espace qui leur est propre.


L’apparition des groupes d’entraide et les mouvements des usagers des services de santé ont souligné l’importance de défendre l'autodétermination des personnes autistes, dont le choix de son lieu de vie et comment l'aménager.


Et vous ?

Quel serait votre lieu de vie idéal ?

Que pensez-vous des logements dits inclusifs ?

Connaissez-vous le concept de l'autodétermination ?


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