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Les droits et la défense des droits des personnes autistes

Dernière mise à jour : 9 janv. 2023


Comme tout citoyen, l’adulte autiste bénéficie d’un ensemble de droits fondamentaux garantis notamment par le bloc de constitutionnalité français, la Convention européenne des Droits de l'Homme, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Alors, pourquoi la France est-elle à ce point incapable d’assurer la liberté, la dignité, la jouissance équitable des droits fondamentaux à ses citoyens les plus vulnérables ?


Les droits fondamentaux

L'adulte autiste bénéficie également des droits consacrés plus spécifiquement au bénéfice des personnes en situation de handicap par, entre autres, la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la France en 2010 par décret, ou les lois de 2002 et de 2005 pour l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Parmi l’ensemble de ces droits, on peut notamment citer :

  • Le droit à la non-discrimination en raison du handicap

  • Le droit à la dignité et à l’intimité

  • Le droit à une vie personnelle, privée et familiale

  • La liberté d’aller et venir

  • La liberté de faire ses propres choix et le droit de participation aux décisions le concernant directement ou avec l’aide de son représentant légal

  • Le droit d’accès aux soins

  • Le droit des usagers du système de santé et notamment, le droit à un diagnostic, le droit à une information claire compréhensible et adaptée, le droit de consentir ou de refuser les soins, le droit de ne pas faire l’objet de soins inappropriés

  • Le droit à l’exercice de ses droits civiques, notamment le droit de vote

  • Le droit à un logement

  • Le droit de bénéficier d’une compensation des conséquences de son handicap, notamment d’une aide personnelle nécessaire pour vivre et s’insérer dans la société.

Les personnes autistes sont bafouées en permanence dans leurs droits, y compris les plus élémentaires. Le Conseil de l’Europe se montre particulièrement sévère avec le gouvernement français, accusé d’avoir fait trop peu d’efforts en dépit de plusieurs sentences. Notre pays en est à sa 5ème condamnation et à son 4ème Plan autisme, pourtant la situation et les chiffres demeurent effarants. Car pour que ces droits puissent apporter de réels bénéfices, ils doivent se traduire en actions concrètes.


Les personnes qui accompagnent ou prennent en charge les adultes autistes doivent, de leur côté, veiller à prendre les mesures nécessaires pour permettre le respect et la mise en œuvre de ces droits.


La discrimination en raison du handicap

La première discrimination se situe dans l'accès à l'emploi. Plus de 80 % des adultes autistes sont sans travail. Ils font déjà face à de nombreuses barrières dans la scolarisation, puis dans le recrutement, ne sont pas employés à hauteur de leurs compétences, et enfin, sont confrontés à de nombreux obstacles pour se maintenir dans l'emploi. L'accès à l'emploi ordinaire leur est particulièrement inaccessible, compte tenu notamment, de la méconnaissance par les employeurs de leurs spécificités et de leurs potentialités.

Les demandes d'aménagements de poste de travail sont rarement « prises au sérieux » en entreprise, voire totalement niées. Si bien que beaucoup d'autistes préfèrent ne pas se déclarer handicapés. Le rôle de la médecine du travail devrait être central dans la mise en place d'aménagement. On note aussi une absence de légifération et de prise de position politique relative aux différentes affaires de rejet professionnel pour cause de divulgation d'un diagnostic d'autisme à son supérieur hiérarchique. Les personnes autistes sont des cibles faciles, car elles mettent souvent un certain temps avant de comprendre qu'elles sont victimes de harcèlement moral. Pour rappel : les discriminations liées au handicap dans l'emploi constituent le premier motif de saisine du Défenseur des droits.

Outils :

- Trouble du spectre de l'autisme et Emploi, compte-rendu d'un webinaire complété par mes remarques sous la forme d'un regard croisé, sur les difficultés face à l'emploi que peuvent rencontrer les personnes autistes.

- Autisme et discrimination, depuis plus de 10 ans le Conseil des droits de l'homme constate la persistance de violations des droits humains fondamentaux des personnes autistes dans de nombreux pays, dont la France.


Le non-droit à la dignité et à une vie personnelle

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Enfin, presque tous. Choisir où habiter, avec qui, ou encore que manger et quand, représentent des réalités de la vie autonome que la plupart d’entre nous considèrent comme des évidences. Mais pour les personnes handicapées, la théorie et la pratique peuvent être des mondes à part. L'être humain autiste est perçu comme un problème, constitue un « cas social » et est tenu pour incapable de poursuivre des activités normales : c'est une personne chez qui tout ne fonctionne pas bien. Le handicap dérange car il concrétise les peurs, en particuliers, celle de devenir « comme ça ». Il fait également « tâche » dans le contour bien policé de notre société. Les représentations négatives et la peur associées aux personnes en situation de handicap en France constituent des obstacles majeurs à leur liberté.


La privation de liberté est dite spécifique au handicap lorsque des lois, des règlements ou des pratiques l’autorisent sur la base d’une incapacité réelle ou supposée, ou lorsqu’il existe des lieux d’enfermement spécifiques destinés aux personnes handicapées. En France, il reste encore difficile de sortir l’autisme du champ de la psychanalyse, dont le lobby est très puissant. Aussi, l’institutionnalisation en établissement médico-social est davantage perçue comme un non-choix résultant d’un manque de solutions alternatives visant l’autonomie plutôt que comme une privation de liberté. En France, malgré des lois défendant l’autonomie et l’accès à l’autonomie de vie, les placements dans des structures résidentielles et institutionnelles sont encore trop souvent privilégiés à des mesures favorisant la citoyenneté, l’inclusion sociale et la participation communautaire des personnes en situation de handicap. Certains mettent en avant un modèle médical du handicap pour justifier ces atteintes aux libertés de ces personnes.


Une rupture dans le parcours des personnes, un manque de soutien des familles, une réponse inadaptée en situation de crise, une mesure de précaution ou la stigmatisation du handicap sont les principaux déclencheurs des privations de liberté.

Outils :

- Qu'est-ce que le validisme par le CLHEE, une vidéo qui explique ce qu’est le validisme.

- Modèle social du handicap VS modèle médical du handicap… QUESACO ? Explication en vidéo, simple et brève pour toutes et tous.


Le manque d'accès au diagnostic et aux prises en charges

La situation des adultes autistes est souvent dramatique : l’immense majorité d’entre eux, alors que, statistiquement, ils représentent 2/3 des personnes autistes, ne sont pas diagnostiqués. Les conséquences de l’absence de diagnostic sont elles aussi dramatiques. Beaucoup d’adultes sont dans des services psychiatriques sécurisés, sous neuroleptiques lourds, ou dans des établissements inadaptés à leur handicap, ou à la charge de familles épuisées. L'institualisation, outre son coût très élevé pour les finances nationales, est un échec. Elle relève souvent de la maltraitance par défaut de soins adaptés, et les familles ne peuvent que regretter l’inexistence des maisons des usagers dans les services de psychiatrie, où leur parole pourrait être entendue et reconnue. Les services pour adultes sont dramatiquement insuffisants : l’exil en Belgique est encore fréquent.

Les personnes autistes ont aussi beaucoup de difficultés pour accéder aux soins. Cela débute avec un parcours de soins qui revêt des difficultés d'accès physiques à certains lieux, qui se cumulent avec leurs problèmes de communication sociale (dyade autistique). S'ajoute ensuite le manque d'articulation et de coordination des professionnels entre le secteur du sanitaire, du médico-social et du social par manque de formation sur l'autisme et de connaissance mutuelle entre ces acteurs. Pour les soins de santé généraux, les autistes ont les mêmes besoins que les autres, mais elles ont une probabilité : 2 fois plus grande de trouver des prestataires sans les compétences requises ou des installations insuffisantes ; 3 fois plus grande de se voir refuser des soins ; 4 fois plus grande d'être mal soignées dans le système de soins. Au-delà des troubles autistiques, ces personnes souffrent de pathologies associées. Ce qui fait que leur espérance de vie est en moyenne de 55 ans contre 90 ans dans la population générale et n'atteint pas 40 ans chez les personnes avec une forme sévère d'autisme.

Outil :

Le refus de soins auprès de personnes TSA : comment faire valoir ses droits, compte-rendu d'un webinaire organisé par l'association Add'Autiste.


Le droit à l’exercice de ses droits civiques

Il est limité en France à partir du moment où la personne est reconnue incapable de discernement du fait de son handicap. La tutelle ou la curatelle sont des régimes substitutifs qui suppriment des droits juridiques (droit de vote, compte bancaire, don du sang, autorisation médicale…) pour les assurer par une personne tiers. Les personnes autistes ou celles avec handicap intellectuel et psychosocial, sont placées sous tutelle ou curatelle de façon systématique afin, notamment, de faciliter les procédures d’accès aux prestations sociales ou le placement en institution.

Le cadre juridique français pour la protection des majeurs, réformé par la Loi n° 2007- 308 du 5 mars 2007, envisage d’autres mesures moins restrictives telles que la sauvegarde de justice, le mandat de protection future, la mesure d’accompagnement social personnalisé, et la mesure d’accompagnement judiciaire. Bien que ces mesures de protection constituent une alternative à la mise sous tutelle ou curatelle, et soutiennent les personnes handicapées dans l’exercice de leur capacité juridique, on m’informe qu’elles sont peu utilisées en raison du manque de formation et de sensibilisation chez les juges, les avocats, les familles et la population en général.

Outil :

Défendre notre capacité juridique, webinaire de Nicolas avec des rappels sur le droit à posséder sa capacité juridique et quelles sont les alternatives à mettre en place pour l'aide à la décision. C'est un enjeu pour les personnes autistes non-oralisantes ou avec un handicap intellectuel qui sont souvent privées de leur capacité juridique sous influence des médecins et professionnels.


Les logements dits "inclusifs

La CNSA définit le logement inclusif comme un habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie locale. Il est destiné aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap qui font le choix, à titre de résidence principale, d'un mode d'habitation regroupé, entre elles ou avec d'autres personnes. Les habitants décident de partager des espaces communs et gardent aussi des espaces privés. Ils mutualisent l'aide humaine dont ils ont besoin et peuvent solliciter un accompagnement quotidien par des professionnels.

A l’heure actuelle, peu d’habitats inclusifs sont en fonctionnement. Aussi, ces types habitats ne sont pas ouverts à tous. En effet, d'une part, ils n’ont pas pour but de transférer les personnes handicapées des institutions vers la vie autonome, mais d’augmenter l’offre pour les personnes handicapées plus autonomes et qui vivent actuellement chez leurs parents. Et d'autre part, pour accéder à ce type de logement, souvent proposé dans le parc locatif privé, il vaut mieux avoir des moyens financiers car les aides sociales (PCH, AVP) restent insuffisantes.

Outils :

- Projet d’habitat inclusif par l'association ASF 44, le projet « Les Colibris » à Nantes, dans le parc locatif privé, serait basé sur les choix de la personne autiste. Ce projet prend avant tout en compte les difficultés sensorielles. - Webinaire « L'arnaque de l’habitat inclusif », le CLHEE joue un jeu de rôle en reprenant les questions des contradicteurs ou des personnes qui méconnaissent le sujet et en y répondant.


Les absences d'aides pour vivre et s’insérer dans la société

A ma connaissance, en France, alors que le handicap social et communicationnel imposé aux autistes par l’abstraction, l’artificialisation et la complexification croissantes de l’organisation sociale l’impose, il n’existe aucun service public d’assistance sociale, administrative ou autre spécifique pour les autistes, qui serait accessible à tous les autistes ou leurs aidants (sans besoin de formalités ou d’inscriptions préalables), naturellement à distance, et 24h/24 pour les urgences. Les divers services d’assistance et d’urgence existants ne sont pas spécialisés en autisme et peuvent très difficilement l’être : de ce fait, le recours à ces services est soit inutile, soit contre-productif en aggravant les problèmes et en provoquant des crises supplémentaires parfois graves, ce qui amène à s’en auto-exclure.

Je note aussi une absence d’aide pour les associations ou les tentatives d’organisation ou de défense des autistes. Il est déjà extrêmement difficile de s’organiser collectivement entre autistes pour défendre nos droits. Mais en plus de cela, nous n’avons même pas d’aide. Le système, au mieux, nous ignore. Comment se défendre, qui peut vraiment défendre les citoyens, surtout les plus vulnérables, contre les sévices perpétrés par ceux qui utilisent l’appareil de l’Etat, ses leviers, ses subtilités et ses failles pour exploiter ou prospérer plus efficacement et impunément, au mépris le plus flagrant de la justice et des droits et libertés les plus élémentaires ?


L'absence de propositions et d'ambition politique en faveur de la vie autonome et de la désinstitutionnalisation (c’est-à-dire de la vie autonome à la maison, dans l’entourage naturel familial, dans la cité) est flagrante. Pourtant, ces changements ne peuvent pas se faire sans une action politique en faveur de toutes les personnes en situation de handicap. La tendance serait au développement de l’accueil de jour et de solutions intermédiaires entre domicile ordinaire et institution, mais les évolutions sont lentes et le nombre de personnes handicapées vivant en institution reste élevé en France. Les changements législatifs doivent être accompagnés d’un changement radical des mentalités s’appuyant sur une vision citoyenne des personnes en situation de handicap. Evoluer vers une suppression des institutions fermées ou une interdiction des soins sans consentement ne saurait suffire à favoriser l’inclusion des personnes handies ni l’accompagnement nécessaire à leurs proches si des alternatives ne sont pas développées au sein de la société et le regard sur le handicap modifié.

Outil :

Notre contribution aux Assisses des nouvelles Solidarités de la ville de Nantes, avec l'association Union-handie, nous dénonçons l'absence d’approche globale et coordonnée des politiques du handicap. Sachant aussi que l'espérance de vie d'une personne handicapée est dramatiquement plus courte que celle d'une personne valide, notre contribution à ces assises nous a semblé indispensable et incontournable pour faire entendre nos conditions de vie moins bonnes que le reste de la population.


Quelle serait la ligne de conduite ?

Le frein majeur demeure le regard que la société porte sur le handicap. Il y a un consensus entre les professionnels

de santé ou du secteur médico-social, les décideurs politiques et directeurs d’établissement, les associations et les familles, et désormais avec les personnes concernées pour appeler à un changement profond des mentalités.


De nombreux défis sont ainsi à relever en termes d’information, de sensibilisation, d’accompagnement, de formation, de coordination, d’organisation et aussi de moyens humains, financiers et législatifs.

En savoir plus

- CLE-AUTISTES défend les droits et l’émancipation de toutes les personnes autistes. Elle organise la solidarité entre elles, lutte contre tous les traitements forcés visant à rendre neurotypiques et lutte contre le capacitisme et la psychophobie.

- PAARI interpelle le Gouvernement et des autorités responsables des politiques publiques dédiées à l’autisme : https://www.paari.fr/interpellation-des-instances-publiques-et-du-gouvernement/

- FDFA lutte activement contre les discriminations et contre les violences faites aux femmes handicapées.

- AFFA a mis en ligne des outils de prévention pour faire de la prévention et lutter contre ces violences.

- Droit Pluriel a lancé "Agir Handicap", une permanence juridique gratuite et accessible.

- Syndicat UNTHI accompagne les entreprises et les travailleurs en situation de handicap ou d'invalidité dans les nouvelles réglementations du milieu professionnel.

- Pairadvocary est un réseau citoyen, agissant avec différentes associations de lutte contre toutes formes de discriminations, pour défendre des droits des personnes concernées par une maladie ou un handicap psychique (étant donné que l'autisme reste associé à une maladie psy par le DSM-5).

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