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Le refus de soins auprès de personnes TSA : comment faire valoir ses droits ?

Dernière mise à jour : 15 juil. 2021




Webinaire du 19/04/2021, sur le thème du refus de soins, avec les interventions de Djéa Saravane, Chef de service du centre dédié en santé mentale et autisme à Etampes (91), Lise Larrivière et Anthony de Magalhaes, parents d'enfants autistes et Tristan Yvon de l'association Add'Autiste.


La discrimination à l'accès aux soins

Le refus de soin est illégal. Une personne vivant avec un handicap ne peut se voir refuser des actes ou consultations par un professionnel de santé pour des raisons discriminatoires.


Pourtant, les personnes avec TSA ont de nombreux obstacles à franchir pour se faire soigner comme tout un chacun. Le premier obstacle est à l'accès aux soins et l'accompagnement adapté à leur handicap. Cela débute avec un parcours de soins qui revêt des difficultés d'accès physiques à certains lieux, qui se cumulent avec leurs problèmes de communication sociale (dyade autistique). Il y a aussi la place insuffisante accordée aux familles car les soignants ne prennent pas en compte la parole de ces aidants et de leurs expertise du parcours de santé de leur enfant. S'ajoute ensuite le manque d'articulation et de coordination des professionnels entre le secteur du sanitaire, du médico-social et du social par manque de formation sur l'autisme et de connaissance mutuelle entre ces acteurs. Les pratiques entre ces services sont trop hétérogènes comme le dénoncent les associations et autres organismes (HAS, rapports de Pascal Jacob et Denis Piveteau, étude de l'IRDES, …).

L'OMS rappelle que les personnes handicapées devraient avoir accès aux soins médicaux généraux, mais aussi à des services de réadaptation adaptés. Aux termes de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), les pays doivent veiller à ce que les personnes handicapées bénéficient de services de santé appropriés, y compris de soins de santé généraux et de services d’adaptation et de réadaptation, et ne subissent pas de discrimination dans la fourniture des soins de santé (articles 25 et 26). Pour les soins de santé généraux, les autistes ont les mêmes besoins que les autres, mais elles ont une probabilité :

  • 2 fois plus grande de trouver des prestataires sans les compétences requises ou des installations insuffisantes

  • 3 fois plus grande de se voir refuser des soins

  • 4 fois plus grande d'être mal soignées dans le système de soins.

La surmortalité des personnes autistes

Au-delà des troubles TSA, les personnes autistes souffrent de pathologies associées (épilepsie, troubles gastro-intestinaux, infections ORL, santé buccale, maladies cardio-vasculaires, infectieuses, génétiques, troubles psychiatriques, …). Ce qui fait que leur espérance de vie est en moyenne de 54 ans contre 90 ans dans la population générale et n'atteint pas 40 ans chez les personnes avec une forme sévère d'autisme.

En général, la prise en charge est mal faite car les fonctionnements autistiques sont atypiques avec une expression de la douleur différente (pathologies organiques), des difficultés de prise en charge somatique sous-jacente avec des troubles du comportement et un cortège de soins inadaptés (médication et mesures éducatives), des ruptures de prise en charge de maladies somatiques, si bien que la plupart de ces maladies deviennent chroniques.


S'il y a des refus de soins exprimés par la personne autiste/tuteur, la majorité de ces refus viennent du personnel soignant pour lequel les handicaps psychiques, TDI, TSA sont stigmatisés dès la prise de contact. Ces motifs de refus sont nombreux (refus dû au handicap, délais attente au-delà de 6 mois, CMU-CSS non acceptée, accessibilité des lieux, …). Se sont les médecins généralistes et spécialistes de ville (à l'hôpital et au domicile), avec lesquels les obstacles sont les plus difficiles à franchir : coût dû au conventionnement en secteur 2, pas formés à l'autisme. Si bien que les personnes et leurs aidants abandonnent les soins avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur l'état de santé générale.



Des centres et des dispositifs dédiés

Par la circulaire d'octobre 2015, relative à la mise en place de dispositifs de consultations dédiés pour personnes en situation de handicap, des dispositifs nationaux tentent de contribuer à lever les obstacles d'accès aux soins. Un des enjeux de ces dispositifs réside dans leur articulation avec le secteur médico-social, de sorte à ce que les établissements et services médico-sociaux soient partie prenante de l’accompagnement à la santé et de l’accès aux soins des personnes qu’ils suivent ou qu’ils accueillent. Parmi ces dispositifs, on peut noter :

  • des dispositifs tels que Handiaccès, Handiconsult, Handiconnect, Handisoins … qui sont des plateformes téléphoniques : évaluation de la demande, orientation, programmation des RDV, accompagnement dans le parcours de soins. Mais devant un appel pour un trouble du comportement d'une personne autiste, il y a orientation directe vers les services des urgences avec les conséquences de la prise en charge (sédation ou transfert vers un service de psychiatrie).

  • des centres dédiés aux soins de premiers recours avec une prise en charge globale de la personne autiste, avec une équipe formée (pas juste sensibilisée) selon les spécificités de cette personne avec des moyens dédiés ainsi que du temps et suivi adapté à chaque personne porteuse de handicap. Mais ces structures sont rares : 1 à Etampes (91), 6 centres en Nouvelle Aquitaine + 2 centres en projet, 1 à Montpellier, 1 Nice et 1 Annecy. Lise Larrivière milite pour qu'une telle structure s'ouvre en Loire-Atlantique (44) via le Collectif neuropédiatrie.

  • des centres spécifiques pour la prise en charge bucco-dentaire des personnes autistes existent sur tout le territoire.

Que faire en cas de refus de soins ?

Il est interdit au médecin de refuser de soigner un malade pour un motif discriminatoire ou pour des raisons financières. En cas de refus de soins par un personnel soignant, il existe des textes pour faire valoir ses droits et se défendre. Plusieurs informations sur ces textes sont disponibles sur le site de la CPAM, du Ministère des Solidarités et de la Santé (parcours de santé, vos droits ; Fiche 2 sur le refus de soins) et sur celui du Ministère du handicap.

Mais le code de déontologie médicale santé publique (CSP) est, sur le terrain, à géométrie variable. Il existe un fossé entre ce que dit ce code et comment les médecins l'appliquent grâce à l'alinéa sur la garantie de liberté d'exercice (alinéa 2 de l'article R. 4127-47). Un flou légal persiste si bien que le refus de soins est plus fréquent qu'il n'y paraît.


La très forte contrainte économique appliquée aux établissements sanitaires depuis 2010 (Loi HPST) ne se relâche pas avec des années consécutives de baisse tarifaire. Soigner une personne atypique demande du temps, plus de moyens ; bref elle n'est pas un malade « rentable » pour les cliniques privées. Elles peuvent donc en tout légalité renvoyer un patient vers un CHU en se déclarant inapte à la prise en charge. L'hôpital public se retrouve en première ligne à gérer tous les cas complexes car ils ont une obligation de moyens et une mission de service public.


Cependant, même l'hôpital public peut refuser de soigner en cas d'agressivité de la personne, surtout s'il juge que cette dernière met en péril sa sécurité ou celle du service. La plupart du temps, le médecin redirige vers le service psychiatrique. L'autre cas de refus est lorsqu'il y a pas d'urgence. Le médecin doit alors guider le patient pour reprendre un RDV ultérieurement. Face à une personne qui a des douleurs intolérables, le médecin se doit de pratiquer un soin qui n'est pas d'ordre curatif mais d'ordre de l'allégement de la souffrance.

Si vous êtes (ou un de vos proches) victime d'un refus de soins, vous pouvez :

  • saisir le Service Qualité de l'établissement sanitaire (l'impact sera variable selon l'interlocuteur)

  • saisir l'ARS et les politiques de votre département : informez-vous factuellement, soyez justes et précis

  • saisir la DIA (Délégation Interministérielle à l'Autisme) et sa secrétaire générale Mylène Girard

  • si préjudice physique, moral ou financier : consultez un avocat (frais de protection juridique à vérifier selon vos contrats habitation, CB, travail, etc.)

  • si enfermement abusif en psychiatrie, saisir le médiateur judiciaire (pour faire valoir la Loi du 02/01/2002 - article 5, qui affirme et promouvoit les droits des usagers et la Loi de mars 2007 de protection juridique).

C'est vraiment du cas par cas, les situations sont examinées en fonction du contexte.


Par ailleurs, Handifaction propose un questionnaire en ligne (simple et à remplir aussi par les aidants) conçu pour permettre de savoir si les personnes vivant avec un handicap ont bien été soignées au cours des trois derniers mois, que la prise en charge de leur douleur a bien été respectée (Cf. Echelle de la douleur ESDDA). Concernant cette prise en charge de la douleur, 80 % des répondants estiment que les soignants n'ont pas tenu compte de leur douleur. Toutes les personnes vivant avec un handicap qui le souhaitent peuvent faire part de leur opinion en remplissant ce questionnaire. Cela permettra de savoir si la Charte Romain Jacob a aidé à améliorer l’accès aux soins des personnes vivant avec un handicap.


Une sensibilisation grand public sur les difficultés d'accès aux soins et la formation initiale ou continue de tout le personnel soignant et non soignant aux spécificités de la personne autiste sont indispensables. Certes des progrès ont été faits, mais il reste encore du chemin à parcourir pour faire reconnaître l'expertise d'usage avec la prise en compte des témoignages des personnes autistes et de leur famille sur leur souffrance et leur errance médicale, pour se conformer aux recommandations de la HAS et de l'ANESM visant une prise en charge améliorée. La HAS a récemment mis en place une certification dont l'objectif est de porter une appréciation indépendante sur la qualité des prestations (Cf.Manuel de certification des hopitaux et des établissements médico-sociaux).


En guise de conclusion

Je m'attendais à plus d'information, non pas à l'accès aux soins, mais sur les moyens pour faire valoir ses droits (comme annoncé dans le titre de ce webinaire). C'est un problème majeur de santé publique que de se voir (au quotidien) refuser d'être correctement pris en charge sous prétexte que nous sommes différents. Nous, personnes autistes, réclamons une égale et libre accès aux soins, pour tous ! Mais aussi, la possibilité d'effectuer un bilan somatique et de bénéficier d'un suivi de manière régulière (inscrit dans la Stratégie autisme).

Voir le replay de ce webinaire : https://youtu.be/AsHnn0Y3VJw

Tous les webinaires de l'association Add'Autiste : http://www.add-autiste.fr/Webinaires.htm

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