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Trouble du spectre de l'autisme et Emploi


Plus de 80 % des personnes avec TSA sont sans travail. Elles font déjà face à de nombreuses barrières dans la scolarisation, puis dans le recrutement, ne sont pas employées à hauteur de leurs compétences, et enfin, sont confrontées à de nombreux obstacles pour se maintenir dans l'emploi. Pourquoi ? Je vous présente un compte-rendu d'une conférence en ligne, le 24/02/2022, ainsi que mes remarques sous la forme d'un regard croisé, sur les difficultés face à l'emploi que peuvent rencontrer ces personnes.


Le décors est planté

Ce webinaire a été mis en œuvre par le Centre de Ressources Autisme (CRA) du Nord-Pas-de-Calais et par le Fonds pour l'Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP) des Hauts de France. Il est exclusivement consacré à l'employabilité des personnes autistes sans déficience intellectuelle. Les organisateurs sont :

  • Isabelle Chavot, Directrice du FIPHFP des Hauts-de-France

  • Karine Van Lierde, Directrice du CRA Nord-Pas-de-Calais

  • Mathieu Gaignier, Chargé de mission Politique du handicap à l'ARS des Hauts-de-France

  • Laure Albertini, Conseillère experte Pleine citoyenneté des adultes (dont l'emploi) à la Délégation interministérielle à l'autisme et aux troubles du neurodéveloppement (DIA)

  • intervention de Josef Schovanec, philosophe et militant pour les droits des personnes autistes


L'autisme et le travail : comment préserver l'emploi ?

Une Chargée de mission insertion professionnelle au CRA Nord-Pas-de-Calais intervient sur cette thématique. Elle indique que l'intégration et le maintien dans l'emploi des personnes autistes sans déficience intellectuelle sont rendues encore plus difficiles qu'auparavant sans en donner les raisons exactes hormis les cas de personnes nouvellement diagnostiquées autistes.


Après avoir présenté les missions de son service au CRA, Ana Pellereau enchaîne sur une sensibilisation à l'autisme (c'est quoi l'autisme, particularités -vues ici comme des déficits-, qualités/points faibles (Cf. photo), 3 piliers pour accueillir une per. TSA, exemple d'aménagements, méthodologie pour un maintien dans l'emploi). Puis, ce CRA présente une vidéo-témoignage de Michel, Doctorant contractuel à l'Université de Lille, sur son accompagnement par ce CRA. Les non-dits sur sa différence ont rendu son parcours universitaire, puis contractuel, difficile et l'ont isolé de ses collègues. Le manque de confiance, de la part de ses collègues, sur ces compétences ne lui permet pas d'évoluer dans son métier. Michel n'a pas de problème d'estime sur lui-même et il sait ce qu'il veut. Faire évoluer les représentations négatives sur l'autisme, permettrait de mieux vivre ensemble, dont d'inclure. Par exemple, Michel explique qu'il faudrait arrêter de penser de façon négative les aménagements au poste de travail. Il conseille de partir des qualités et compétences de la personne autiste (l'écouter en fait, pour s'apercevoir qu'elle n'est pas aussi vulnérable ou bizarre que cela), ainsi éviter tout préjugé, avant toute démarche d'aménagement quitte à créer un poste sur-mesure.

Mes commentaires : Le validisme isole encore plus la personne qui a déjà des difficultés dans les interactions sociales. Pour moi, le problème d'intégration ou de maintien dans l'emploi ne vient pas directement des personnes autistes mais de la stigmatisation voire de la discrimination dont elles sont victimes. D'ailleurs, le mot "discrimination" n'a jamais été cité ou même jamais fait allusion lors de cette conférence en ligne. Ce qui en dit long sur le regard porté sur l'autisme et sur tous les handicaps invisibles. Il est impératif de nous mobiliser contre l'exclusion et d'agir contre toute forme de discrimination liée au handicap d'une manière générale. L'inclusion est l'affaire de tous et les institutions étatiques comme les employeurs ou managers ont un rôle à jouer !

Les freins et les leviers de l'insertion et du maintien

Silvia Slezakova, interne en médecine du travail au CHU de Lille, prend la suite du webinaire et tente d'expliquer, après avoir présenter les déficits de l'autisme comme décrits dans le DSM5 (qui est un manuel de référence sur les maladies psychiatriques), pourquoi les autistes ont des difficultés d'employabilité. Comme il n'existe aucune étude sur l'emploi des personnes autistes en France, ni aucun dispositif spécifique national et peu d'études sur ce thème, dans ce contexte, le CHU de Lille a décidé de mener sa propre étude. Les objectifs de cette enquête sont d'identifier les freins et les leviers de l'insertion professionnelle et du maintien en emploi des personnes présentant un TSA sans déficience intellectuelle, et, de déterminer le rôle du médecin du travail dans la procédure de l'insertion professionnelle et le maintien en emploi de ces personnes.


Volontairement, je ne vous parlerai pas de cette étude car elle revêt de nombreux biais (à commencer par l'échantillon non représentatif) qui empêchent de prendre ces résultats comme une photographie révélatrice de la situation des autistes face à l'emploi en France.


Mes commentaires : L'autisme n'est pas une maladie encore moins une maladie psychiatrique. C'est un fonctionnement du cerveau différent de la majorité des humains ainsi qu'une sensibilité différente. La situation de l’emploi des autistes, quel que soit leur quotient intellectuel, peut et doit changer. Mais peut-on développer des projets inclusifs dans une société conçue pour des valides ? Déjà, distinguer les personnes en fonction de leur niveau d'autisme, c'est stigmatisant et toujours fait par rapport à la norme valide. C'est parler de supports et d'aménagements raisonnables en conformité avec le modèle médical et non en rapport avec les besoins intrinsèques à la personne autiste. Les adaptations doivent être propres au salarié autiste et non être construites en fonction de généralités sur l'autisme. Ce handicap est complexe car c'est un spectre. Chaque personne est différente dans ses troubles et se construit en fonction de son environnement.

Les missions du CAP Emploi pour accompagner les personnes avec TSA

Sandra Adgnot, responsable du Pôle maintien dans l’emploi et Annabelle Thierry, Chargée de maintien dans l’emploi, toutes les deux chez Emploi et handicap Grand-Lille présentent leurs missions. Le CAP Emploi développe une expertise dans l’accompagnement et la construction de parcours pour des publics qui nécessitent un accompagnement spécialisé et renforcé compte tenu de leur handicap et dans l’accompagnement des employeurs dans leurs problématiques de recrutement et de maintien dans l'emploi. L’expertise du CAP Emploi se fonde sur un principe de compensation en lien avec le handicap et en complémentarité avec le droit commun. Les missions des deux intervenantes : assurer la préparation, l’accompagnement, le suivi durable et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées. Cette offre de services vise à sécuriser les parcours des personnes et des employeurs.


Concernant l'autisme, le CAP Emploi vérifie que les aménagements dans l’emploi soient mis en place : visite de locaux, emploi du temps clair et visuel, aide aux tâches, consignes explicites et visuelles, aménagement de l’environnement de travail (bruit, lumière, passage, horaires, etc.), adaptation de la communication (parler plus lentement, une consigne à la fois, etc.), sensibilisation à l’autisme du collectif de travail (professionnels, collègues de travail) et enfin proposition d'un tuteur/parrain/personne ressource. Ce CAP Emploi sollicite souvent le CRA de leur région pour les accompagner sur cette thématique spécifique. Ce service peut aussi accompagner les personnes en contrat d'apprentissage car il s'agit bien d'un contrat de travail. Il est aussi abordé l'emploi accompagné, mais cela est récent donc en déploiement dans la localité de Lille.

Mes commentaires : Malheureusement, le CAP Emploi ne peut pas intervenir dans les ESAT où travaillent de nombreux autistes. Ce sont pourtant des lieux où les personnes handicapées, qui n'ont pas le statut de salariés mais d'usagers, donc exclus du Code du Travail, y sont souvent maltraitées. Pour en savoir plus, je vous recommande de lire "Handicap à vendre" écrit par un journaliste indépendant. Six ans d'enquête sur les 120 000 handicapés qui travaillent dans ces usines qu'on appelle ESAT. Dans ce livre, ce sont d'abord ces travailleurs de l'ombre qui parlent. Ecoutez-les. Les tentatives présentées ne sont pas des projets d'inclusion mais juste des projets d'intégration. Ce qui n'est pas la même chose (cf. schéma).


L'intervention de Josef Schovanec sur les conséquences et impacts des TSA

Pour mieux faire comprendre les conséquences et impacts des TSA en milieu professionnel, Josef Schovanec appuie son intervention sur la différence entre les problématiques d'entrée dans l'emploi avec celles du maintien dans l'emploi. Il note que, si l'accès à l'emploi a été mieux pris compte ces dernières années, le problème du maintien reste le maillon faible car fait de « bricolages ». Pour lui, le référent/tuteur unique du salarié autiste doit être le directeur de l'entreprise car c'est de lui que émanent les directives et autres consignes professionnelles. La fiche de poste est souvent inadaptée à la personne autiste. Il vaut mieux construire le poste de travail au profil de la personne et non l'inverse. Les motivations des personnes valides (argent, pouvoir, carrière, …) ne sont pas des leviers pour recruter ou conserver à un poste une personne autiste. Les points de vigilances sont, selon Monsieur Schovanec : la culture d'entreprise est abscons pour la personne autiste, l'éthique et la loyauté sont des valeurs fortes, les espaces de convivialités ne doivent pas être imposés, vouloir rendre non-autiste une personne autiste pour le socialiser, le job-coaching n'est pas une panacée car la personne autiste aura toujours des soucis dans les interactions sociales, de plus, le coach est externe à l'entreprise et il n'a pas une expertise technique du poste de travail. Les entreprises tendent à privilégier les personnes ayant des “soft skills”. Bien que les personnes autistes ont souvent de très grandes compétences techniques, ce qui est un atout indéniable pour les entreprises, elles peuvent avoir du mal à mettre en évidence leurs “soft skills”, particulièrement dans le contexte d'un entretien d'embauche, sur un CV... Elles peuvent ne pas savoir quelle est la meilleure chose à dire à l'employeur. Il conseille de ne pas parler de son autisme lors de son entretien d'embauche car cela est encore perçu comme négatif par une majorité d'employeurs.

Mes commentaires : L'intervention de Josef Schovanec est pertinente sur certains points. C'est sur le job-coaching et l'emploi accompagné que nous ne sommes pas d'accord. Il est vrai que tous les job-coachs ne se valent pas. Certains sont plus compétents que d'autres, comme dans tous métiers. Surtout que ce métier, s'il est spécifique au TSA, est tout récent en France et encore peu connu des autistes. Laissons le temps à ce dispositif de faire sa place dans les possibilités d'inclusion car il est le seul dispositif qui s'éloigne de l'aspect médical du handicap et permet à la personne de s'autodéterminer face à l'emploi. Laissons le temps aux job-coachs de s'auto-former grâce à l'expérience qu'ils vont acquérir et partager entre eux. Il est même prévu des observations de terrain sur la mise en place de ce dispositif. Si le sujet vous intéresse, je vous conseille de visionner (début du sujet à 1h après le début de la vidéo), puis de suivre les travaux de Julie Dachez (chez INSHEA), elle-même autiste. https://pod.inserm.fr/gis-autisme-et-tnd/video/0916-les-recherches-en-sciences-humaines-et-sociales-pour-les-personnes-concernees-par-les-tsa-tnd-quels-principes-quelles-methodes-quelles-implications-axe-4-interventions-et-accompagnements-des-personnes-et-de-leurs-aidants.


Mes réflexions pour conclure

L'autisme est reconnu par la HAS et les MDPH comme un handicap social car il se caractérise par des difficultés de communication et de compréhension des codes sociaux qui sont caractéristiques de ce trouble, et qui entravent les capacités d'insertion. Pourtant, les préjugés sur ce handicap, encore assimilé à une maladie mentale, restent tenaces aussi bien chez les soignants (dont la médecine du travail) que chez les employeurs. Avant tout, il faut déconstruire les fausses représentations sociales de ce handicap.

Par ailleurs, la personne autiste a tendance à s'auto-stigmatiser tant elle a été la victime des préjugés sociaux, et ce, dès les bancs de l'école. Là aussi, il faut souvent déconstruire l'image négative qu'elle a d'elle-même ; lui permettre de s'auto-déterminer afin qu'elle devienne actrice de ses choix dont ceux qu'elle peut avoir face à l'emploi. Car avoir un emploi ne permet pas toujours de s'épanouir ou de s'émanciper dans un environnement qui reste fait par et pour les personnes valides, voire dans un environnement paternaliste.

Pour voir ou revoir ce webinaire : https://youtu.be/H_Zckkg--h4

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