L'insertion professionnelle des personnes avec TSA en Loire-Atlantique
Club handicap du MEDEF44, le 30/06/2021 et mes remarques.
Le MEDEF 44 et le GIRPEH Pays de la Loire ont organisé un Club handicap sur l'insertion professionnelle des personnes avec TSA. Julie Dachez, docteure en psychologie sociale, est intervenue pour présenter l'autisme aux recruteurs. Messieurs Dufresne, président de Vivre et Travailler Autrement et Develey, délégué RH d'EDF Bretagne-Pays de la Loire ainsi que Madame Gros d'Airbus ont parlé d'accompagnements sur le lieu de travail. Lyliane Jean a recommandé les dispositifs d'Emploi accompagné dans le 44 et en particulier la « Passerelle pour l'emploi ». Enfin, les organisateurs ont mis l'accent sur deux innovations qui favoriseraient le bien-être des personnes autistes.
Présentation de l'autisme aux recruteurs
Le MEDEF 44 a demandé à Julie Dachez, personne autiste, de présenter l'autisme et de répondre aux questions que les employeurs peuvent se poser. Julie Dachez commence par expliquer ce que c'est l'autisme (la triade autistique) et les hypo/hypersensibilités à l'environnement, dont le bruit. Elle en profite pour indiquer que le diagnostic d'autisme (lorsqu'il est posé, car on estime que seul 10 à 20 % de la population française a été diagnostiquée) est connoté de manière négative car il met l'accent sur les déficits et non sur les forces ou compétences des personnes. Et cela commence dès le plus jeune âge où seul 20 % des enfants autistes sont scolarisés sur des dispositifs « fourre-tout » et des aménagements plus ou moins efficaces concernant l'inclusion. Elle cite l'exemple italien où les enfants sont scolarisés en milieu ordinaire, sans discrimination depuis la fin des années 70, avec les moyens nécessaires (classe restreinte, plus d'enseignants spécialisés par classe). Au niveau de l'enseignement supérieur, l'accompagnement des personnes autistes n'est pas meilleur car les enseignants ne sont pas assez sensibilisés et formés au TSA.
Au niveau de l'insertion professionnelle, lorsque les personnes ont franchi les barrières de l'éducation non adaptée, c'est dès l'entretien de recrutement que les difficultés commencent : cet entretien n'est fait que de codes sociaux, ceux-là mêmes qui échappent aux personnes autistes (le regard fuyant, l'implicite, le langage non-verbal dont les stéréotypies, etc.). Du fait de leur handicap, la communication et la socialisation sont un réel défi pour ces personnes. Julie Dachez propose tout simplement de remplacer ces entretiens d'embauche par des mises en situation professionnelles pour tester les compétences et voir comment la personne autiste s'implique dans ce qu'elle fait. L’autisme est un handicap invisible. Cela signifie que les demandes d'aménagements de poste de travail sont rarement « prises au sérieux » en entreprise, voire totalement niées. Si bien que beaucoup d'autistes préfèrent ne pas se déclarer handicapés. Autre sujet, le télétravail n'est pas toujours LA solution. L'entreprise doit avant tout écouter la personne pour partir de ses besoins d'aménagement. Il est aussi important que les autres employés soient sensibilisés régulièrement à l'autisme et informés des besoins et des difficultés rencontrées par la personne autiste. Le rôle de la médecine du travail est central dans la mise en place d'aménagement.
Les troubles de la communication et le besoin d'isolement des personnes autistes sont craints par les entreprises, car ils pourraient impacter le collectif de travail ou la performance d'équipe. Julie Dachez explique que ce sont les conditions de travail qui sont primordiales pour la compétitivité et non les exigences sociales. Elle relate ses expériences en entreprise et les non adaptations des aménagements pourtant demandés avec une RQTH. Les entreprises commencent à reconnaître les qualités et les talents que les personnes autistes peuvent leur apporter. Julie Dachez donne des conseils aux entreprises pour franchir le pas pour les accueillir, dont les dispositifs d'Emploi accompagné qui existent aux USA depuis les années 70 et en France depuis 2017. Elle indique quelques qualités et forces des personnes autistes : perfectionniste, honnête, loyal, rigoureux, attention aux détails.
Après plus de 30 ans d'expériences professionnelles, je ne partage pas l'avis de Julie Dachez qui nie les exigences sociales demandées par les employeurs. On recrute d'abord des personnes avant de recruter des compétences. D'où posséder des savoir-êtres (soft-skills) est important en entreprise. S'ils ne sont pas innés (encore plus difficile à acquérir pour les personnes avec TSA), néanmoins ils peuvent être appris et développés soit entre pairs ayant de l'expérience, soit via des ateliers d'habiletés sociales et de thérapies « Relationnelles émotives ». Les compétences font partie des savoir-faire, là aussi si l'on sait les entretenir et les développer, ce qui n'est pas toujours le cas chez les non-autistes une fois recrutés, mais le sera toujours chez une personne autiste si cela est en lien avec un intérêt spécifique. Toutefois, depuis près de 20 ans, j'ai remarqué que les employeurs apportent plus d'attention aux soft-skills lors du recrutement sous prétexte que les compétences peuvent toujours être acquises sur le terrain. J'estime que c'est une erreur de penser cela, car la société en générale est devenue individualiste et fonctionne plus par intérêt individuel que collectif. Nous en avons un bel exemple avec la vaccination obligatoire du Covid et les gestes barrières qui sont contestées.
Julie Dachez apprécie l'initiative de Jean-François Dufresne, président de Vivre et Travailler Autrement, sur l'emploi des personnes autistes déficientes intellectuelles et/ou non-verbales. Elle soutient cette expérimentation dans ses conférences et ses cours à l'INSHEA. Elle espère que cette initiative va continuer à être créée partout en France. Ce qui est le cas.
Accompagnement sur le lieu de travail
Jean-François Dufresne, président de Vivre et Travailler Autrement, père d’un adulte autiste et directeur général d’Andros, explique pourquoi il a expérimenté depuis 2014 l’insertion par le travail en milieu ordinaire des autistes tout en assurant leur hébergement et un suivi socio-éducatif. Actuellement 12 adultes autistes sont en CDI et travaillent chaque matin dans les usines Andros à Auneau en Normandie. Leurs postes sont adaptés pour effectuer les mêmes tâches que les autres salariés. Le reste du temps, ils sont accueillis dans un foyer pour des activités socio-éducatives, de loisirs ou la vie quotidienne. Ces activités encadrées et adaptées, ont pour but de les aider à progresser en autonomie et en habileté sociale. Certains d’entre eux y sont logés, grâce à leur salaire. Ce modèle est transposable dans d'autres entreprises. Déjà 12 dispositifs d'insertion existent et une vingtaine d'entreprises ont commencé à inclure des autistes en milieu ordinaire.
Lorsque Monsieur Dufresne prend la parole, je ressens un profond malaise. Je ne sais pas comment vous expliquer mais cet homme ne m'inspire aucune confiance. Le fait qu'il fasse le parallèle entre les personnes autistes non-verbales avec les « idiots du village » du 19-20e siècle qui étaient déjà stigmatisés (Stigmate, Les usages sociaux des handicaps, d'Erving Goffman) pour être mieux exploiter à faire des travaux physiques que d'autres ne voulaient pas faire par exemple. Ces personnes vivaient dans la précarité voire la misère. Est-ce ce modèle social d'intégration que certains employeurs cherchent à reproduire ?
Jean-François Develey, délégué des Ressources Humaines d'EDF Bretagne-Pays de la Loire, explique que l'entreprise a une « culture handicap » depuis 35 ans. Les handicaps invisibles, dont l'autisme, sont pris en compte depuis seulement 2 ans. En ces 2 années, EDF estime avoir assez de recul et d'analyse sur son action en Bretagne concernant le TSA. Aussi, sur les Pays de la Loire, EDF a choisi d'orienter le handicap invisible sur le sujet de l'intégration et du maintien dans l'emploi des personnes autistes avec une réelle bienveillance managériale. Leur plan d'actions se divise en 3 axes :
Faire comprendre l'autisme aux non-autistes par un ensemble de supports d'exposition, de brochures et des vidéos de sensibilisation (qui peuvent être prêtés aux entreprises, associations et Education nationale), construction de formations TSA pour leurs managers,
Faire comprendre les codes sociaux en entreprise aux personnes autistes à l'aide de 3 capsules vidéo disponibles sur Youtube (voir lien en fin d'article) et d'autres à venir sur le recrutement,
Témoignages d'expériences réussies d'intégration de personnes TSA qui onpermis la création d'un réseau pour parler de l'autisme en entreprise ; et ainsi faire de ce handicap invisible un sujet visible en entreprise.
Lors d'un forum organisé par l'ADAPEI 44 en 2019, j'ai rencontré Monsieur J.F. Develey. J'en garde un bon souvenir tant son empathie et la non-stigmatisation de l'autisme étaient ressorties de nos échanges. Avec l'un de nos projets associatifs sur l'entraide à la recherche d'emploi, je vais recontacter Monsieur Develey. Je ne peux malheureusement pas en dire autant de Madame Sophie Biette de l'ADAPEI 44 qui restait dans des schémas sociétaux d'un autre temps sur le handicap et des schémas pseudo-scientifiques sur l'autisme.
Nathalie Gros, médecin du travail chez Airbus, intervient pour parler d'accompagnement handicap sur le lieu de travail. Son manque d'expérience dans le TSA ne lui permet de parler que de manière générale sur le maintien dans l'emploi des personnes handicapées ou ayant des problèmes de santé. Elle y présente le rôle et l'organisation des services de santé au travail et du médecin du travail chez Airbus. Sur les outils du maintien dans l'emploi en service de santé au travail, elle nomme les visites à la demande de l’employeur ou à la demande du salarié, la surveillance médicale rapprochée (si besoin orientation vers les dispositifs de soins adaptés), le lien entre médecin du travail et médecin traitant/spécialiste, l'accompagnement pluridisciplinaire avec le psychologue du travail, les assistantes sociales, les infirmiers, etc., l'accompagnement pluri-professionnel en lien avec le manager et/ou les ressources humaines dans le respect du secret médical, les proposition d’aménagement des conditions de travail via des visites sur le lieu de travail. Les services de santé au travail d'Airbus font aussi le lien avec des opérateurs internes ou externes spécialisés dans certains types de handicap (mission handicap, CAP emploi…) et aident à mobiliser des aides et dispositifs permettant d’intervenir dans la compensation du handicap (PPS, Emploi accompagné…).
Emploi accompagné en Loire-Atlantique
Lyliane Jean recommande les dispositifs d'Emploi accompagné pour les personnes avec TSA et les entreprises. Tout d'abord, ce dispositif concerne uniquement les personnes reconnues travailleurs handicapés via une RQTH. Il comporte un accompagnement médico-social et un soutien à l'insertion professionnelle pour accéder au marché du travail en milieu ordinaire et s'y maintenir. Plusieurs dispositifs existent sur le territoire national depuis la Loi Travail de 2016. En Loire-Atlantique, il existe la « Passerelle pour l'emploi ». L'objectif vise l'insertion professionnelle en partant des souhaits, des appétences et compétences des personnes accompagnées, sans préjugé de la part de l'équipe. Cet accompagnement se fait aussi sur les champs du médico-social, de la relation-entreprise et de la dynamique partenariale. Les spécificités du dispositif ligérien sont :
Un suivi, sans limite de temps pour les personnes et pour les employeurs,
Une mise en emploi rapide : Place & Train (être accompagné dans sa prise de poste et soutenu tout au long de son parcours en entreprise pour anticiper les difficultés et ainsi éviter les ruptures de contrat),
Un suivi modulé selon les besoins de la personne et de l’entreprise.
J'ai remarqué quelques limites de ce dispositif : avoir obtenu une RQTH et une Orientation professionnelle par la CDAPH ; l'accompagnement sans limite de temps et le manque de moyens font que les places se libèrent difficilement. Tous les handicaps sont concernés donc l'autisme n'est pas une spécificité de ce dispositif. A noter, suite à une question, il existerait en Loire-Atlantique quatre associations qui peuvent accompagner vers l'emploi les personnes handicapées sans que la RQTH et l'attestation d'orientation soient requises. Les noms de ces structures n'ont pas été transmis, les animateurs du webinaire ont renvoyé vers le site du Conseil départemental 44. Mais ceux indiqués demandent bien les attestations MDPH/CDAPH. Je vais donc prendre un RDV avec la conseillère départementale chargée du handicap afin d'obtenir des infos fiables.
Des innovations pour favoriser le bien-être
Tout en allant à l'essentiel, je vous résume les deux interventions suivantes pour montrer des innovations qui favoriseraient le bien-être des personnes TSA. Vu leur coût, ces innovations sont davantage destinées aux établissements médico-sociaux qu'à des particuliers. Les personnes handicapées vivent souvent sous le seuil de pauvreté faute de pouvoir s'insérer ou se maintenir dans le monde du travail. Il est important de le repréciser.
La première innovation se nomme « OTO », le fauteuil à étreindre. Ce fauteuil a été pensé pour ses utilisateurs : les personnes autistes sensibles au toucher. Il a été réalisé autour d'un besoin très particulier qui est celui de l'étreinte du corps. La personne avec TSA cherche souvent une variété de façons de se calmer et de faire face à la surcharge sensorielle. Dans cette variété de solutions, face à l'anxiété, l'étreinte du corps est l'une des possibilités à effets calmants. En appliquant une pression, la personne peut déplacer son attention sur un seul sentiment et prendre conscience des limites de son corps. L'étreinte produit alors une réduction de la tension. Pour plus de détail, je vous invite à vous rendre sur le site professionnel de son inventrice, Alexia Audrain : https://www.audrainalexia.com/
La seconde innovation est un dispositif d'accompagnement thérapeutique nommé « Rob'Autisme ». Sophie Sakka, enseignante chercheuse à Centrale Nantes, au laboratoire des sciences du numérique de Nantes, est la fondatrice et la référente innovation de l'association Robots, pour le dispositif Rob'Autisme. L'utilisation de robots Nao est basée sur la médiation culturelle et artistique. Chaque année, il permet à 6 adolescents avec TSA de renforcer leur habileté sociale et leur permet de gérer leurs crises d'angoisse. Le projet est d’étendre partout en France cette utilisation à d’autres populations dont des adultes présentant des TSA. Pour plus de renseignements, vous pouvez vous rendre sur le site de l'association : https://www.association-robots.com/robautisme/
Pour conclure, mon avis personnel
Il est dommage de continuer à considérer les personnes handicapées comme des objets et non à les définir comme des personnes humaines, des citoyens à part entière. Ce webinaire confirme bien que le regard porté sur le handicap a évolué mais il a toujours besoin d'être éclairé. Une personne handicapée ne l'est pas par son problème de santé, elle est handicapée par un environnement inadapté. La question du handicap n'est pas une notion figée. Elle est porteuse de sens, d'un engagement politique, d'un choix de société. Il ne s'agit plus d'une responsabilité individuelle, mais d'une responsabilité de la société de rendre accessible son environnement pour que les personnes handicapées puissent, à égalité, accéder à l'ensemble des droits, des biens, des services qui sont proposés aux personnes valides.
Même si les personnes avec TSA ont des compétences répondant aux besoins des entreprises, elles sont souvent désavantagées pour trouver et conserver un emploi en raison notamment de leurs difficultés dans les interactions sociales et du manque d'adaptation de l'environnement professionnel. L'inclusion, c’est donc avant tout une démarche, un acte social.
Replay : https://youtu.be/_lB-3QVedmo
Capsules vidéo sur les codes sociaux dans l'entreprise EDF pour les personnes avec TSA
Outils du maintien dans l'emploi en service de santé au travail chez Airbus
Témoignages d'expériences réussies d'intégration de personnes TSA qui ont permis la création d'un réseau pour parler de l'autisme en entreprise ; et ainsi faire de ce handicap invisible un sujet visible en entreprise.
Et en BONUS : Pourquoi l'Education nationale ne veut pas du modèle Italien ? Parce qu'elle préfère laissé prospérer des maîtres (maîtres de conférences et des enseignants maîtres-formateurs titulaires), myriades de Grands Inutiles, imbus de leurs privilèges et de leurs certitudes pédagogiques.
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