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L'autisme au féminin, un phénotype féminin

Dernière mise à jour : 15 juil. 2021

Compte-rendu du webinaire du 02/04/2021

organisé par le CRA de Bretagne


Depuis l’article de Kanner en 1943, l’autisme a été identifié comme un trouble très majoritairement masculin, avec un ratio de 4 hommes pour 1 femme communément admis pendant plusieurs décennies.


Le travail de recherches du docteure Grounia Sukhareva (1926-27) est tout aussi intéressant. Néanmoins, au sortir du XXe siècle, on a vu émerger d’un « phénotype féminin » et la perspective d’une présentation différente de l’autisme chez les femmes. Notamment à travers les récits de vie de femmes TSA, puis avec une recherche scientifique qui s'est accélérée au cours de ces cinq dernières années.


Je passerai sur les résultats des études cliniques qui sont plus ou moins bien ciblées et analysées, des évitements pathologiques axés uniquement sur les enfants autistes (à destination des parents) et sur le diagnostic qui demande encore à être adapté aux particularités de genre (à destination des cliniciens). Je préfère insister sur les pistes d'accompagnement qui concernent directement les femmes autistes.



Les pistes d'accompagnement

Tout d'abord, il s'agit de respecter de façon hiérarchique les besoins physiologiques tels que la santé somatique qui est souvent négligée, mais pourtant un enjeu de premier plan. L'accès aux soins physiques est réduit et la qualité des soins physiques que reçoivent les femmes autistes est moins bonne et moins bien prise en charge dans le cadre d'une condition autistique moins bien diagnostiquée. Si bien que l'accompagnement psychopharmacologique (via la psychoéducation) est souvent paradoxal car celui-ci est mal adapté et laisse en souffrance des symptômes plus externalisés avec des ruptures de prise en charge. Si bien que la plupart des maladies deviennent chroniques.


Concernant l'accompagnement psychothérapeutique (via l'ABA), il est important de rappeler que le TSA est un trouble de la motivation sociale. L'ABA est donc un paradigme uniquement scientifique. Le TSA est avant tout un trouble organique, car le cerveau est un organe. Il faudrait donc privilégier d'ouvrir le verrou du cerveau par du plaisir pour pouvoir pleinement utiliser le potentiel cérébral, surtout si un TDA est associé à l'autisme. Les femmes autistes souffrent souvent d'une faible estime d'elles-mêmes ce qui accroît des difficultés à maintenir la motivation pour renforcer leurs projets sur le long terme. Il est important de travailler avec des apprentissages d'auto-renforcements (notamment avec les intérêts spécifiques) afin de permettre l'accomplissement personnel tout en compensant ses fragilités. Toutefois, il est nécessaire de moduler la préservation de soi avec des stratégies de thérapies cognitivo-comportementales (TCC).

Ces thérapies sont plébiscitées par Tony Attwood (Psychoéducation, 2015). Il explique comment l'alliance thérapeutique de la psychoéducation permet l'identification et l'assouplissement des biais cognitifs, l'apprentissage de techniques de compensation des fonctions exécutives et de remédiation cognitive (Attwood et Garnett, 2016). Cependant, le docteur Mirault indique des limites à ces pratiques qui peuvent ignorer les causes sous-jacentes des troubles, telle que l'anxiété, et entretenir la croyance que cette dernière va complétement disparaître : difficultés de gradation des expositions, difficultés exécutives dans l'observance des tâches, ...

Il recommande le dernier livre d'Attwood sur la gestion de la dépression chez les personnes TSA en manque d'accompagnement (cf. note en fin de page).

Les thérapies dites de 3ème vague, qui font aussi partie des TCC, mettent l'accent sur les émotions. Parmi lesquelles l'ACT (Thérapie d’Acceptation et d’Engagement) en ciblant la dépression résistante, les addictions, le SSPT (Robin Walser, 2011). Si les deux premières vagues s’attachaient davantage à combattre les pensées automatiques ou à déprogrammer les comportements nocifs pour les remplacer par de nouveaux comportements mieux adaptés, les thérapies de 3ème vague, mettent davantage l’accent sur l'acceptation sans jugement des pensées et des émotions négatives plutôt que sur leur modification. Il existe aussi quelques limites à ces thérapies dont celle appelée Mindfullness (observation des pensées et acceptation) où le scanning corporel et l'aphantasie peuvent mettre en difficulté certains profils de TSA et dont peu d'études randomisées sont contrôlées dans le TSA.

L'intervenant présente aussi la TCD (Thérapie Comportementale Dialectique) conçue pour traiter les femmes avec une instabilité émotionnelle majeure et suicidaire. Les études ont montré que la TCD peut également réduire l'alexithymie, l’impulsivité, la dépression, l’automutilation, les troubles du comportement alimentaire ainsi que la régulation des émotions, la tolérance face aux difficultés et l’efficacité interpersonnelle. Les limites de ces thérapies seraient le besoin d'une mise en place d'une logistique importante (un suivi en groupe, en individuel et téléphonique), la maîtrise des compétences du praticien pour bien mobiliser des stratégies efficaces.


Le tableau ci-après présente un extrait d'idées pour mieux graduer son état émotionnel et mobiliser des stratégies de répits.


Pour conclure

L'intervenant reprend les travaux de Dori Zener (Helping autistic women thrive, 2019) pour résumer la façon d'accompagner les profils autistiques des femmes :

  • Identifier les besoins : difficultés pour se faire diagnostiquer, appropriation du diagnostic, développement des stratégies efficaces, canaux de communication préférés, co-construction de la thérapie

  • Valider l'importance de l'anxiété : reconnaître le stress même si celui-ci est camouflé ou non exprimé, encourager les manifestations autistiques qu'elles soient sensorielles ou de l'ordre des intérêts spécifiques nécessaires à la récupération

  • Eduquer aux particularités du phénotype : réévaluer ses expériences passées afin d'accroître son estime personnel et soulager sa culpabilité, expliciter l'alexithymie, savoir se préserver des pensées suicidaires, gérer les meltdows et shutdows, éduquer leur entourage aux TSA en général et à leurs particularités personnelles

  • Se renforcer grâce aux stratégies TCD : tolérance à la détresse/automutilation, compulsion à gratter/excorier/couper, … rediriger son attention, autostim, favoriser l'auto-encouragement, tenue d'un journal, quantification de l'énergie, sélectionner et renforcer les relations notamment entre pairs pour partager des stratégies éprouvées

  • S'épanouir : en poursuivant ses passions, en trouvant son appartenance et en acceptant sa différence ; développer la compréhension de soi et des stratégies de coping ; développer ses propres règles aux bien-être : passer de "qu'attend-on de moi ?" à "qu'est ce que je veux, de quoi ai-je besoin ?"

Vous trouverez, en fin du diaporama ci-joint, une bibliographie et une sitographie ainsi qu'une sélection de livres.



Voir le replay de ce webinaire et de l'échange qui suit :


Livres recommandés par Sébastien Mirault :

- L'Asperger au féminin, comment favoriser l'autonomie de Rudy Simone (réédition de juin 2020). Rudy Simone est autiste et vit à San Francisco. En plus d'être écrivaine, elle s'est spécialisée en tant que consultante dans la transmission de son savoir sur le Syndrome d'Asperger, issu de l'expérience.

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