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Autisme et vieillissement

Dernière mise à jour : 14 déc. 2023


Il existe très peu d'études sur le vieillissement des personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme, lesquelles auront une vulnérabilité face aux effets du vieillissement physiologique, d’où une vigilance particulière de leur état de santé tant sur le plan somatique que cognitif.


Compte tenu du fait que beaucoup de femmes ne sont pas diagnostiquées avant la cinquantaine, le diagnostic peut apporter un véritable confort ainsi que le sentiment d'être vraiment à l'aise pour la toute première fois. Nos réactions restent les mêmes mais nous avons désormais la réponse à la question cruciale du pourquoi. Ajoutez à cela la connaissance de soi et le savoir liés à l'âge et vous comprendrez à quel point beaucoup d'entre nous sont plus heureuses à quarante ou cinquante ans qu'auparavant.


Les inconvénients du vieillissement

A mesure que nous vieillissons, il devient fatigant de dissimuler nos bizarreries et nos appréhensions. Beaucoup d'Aspergirls m'ont confié que les gens autour d'elles, qu'il s'agisse de médecins, d'employeurs, de membres de leur famille, ou de toute autre personne, étaient certains qu'elles finiraient par devenir « normales » en prenant de l'âge, davantage capables de faire face à certains aspects du quotidien. Mais en fait, il y a de fortes chances que nous devenions plus bizarres encore, plus excentriques et qu'il nous soit impossible de nous fondre dans la masse. C'est pour cette raison que tant de personnes d'un certain âge recherchent un diagnostic. Nous en avons plus qu'assez de faire semblant parce que nous ne pouvons plus continuer comme ça. Ce que la plupart des praticiens ignorent c'est que notre capacité à nous camoufler est tout doucement en train de s'étioler. Environ 30 % des personnes âgées en dépression ont des traits autistiques qui nécessitent identification et accompagnement !


Le handicap étant très stigmatisant et les Aspergirls se situant dans l'extrémité haute du continuum autistique, les gens nous regardent et se disent « tu n'as aucun problème, fais des efforts ». Comme je l'ai, suffisamment je l'espère, mentionné dans divers articles de ce blog, la quantité de problèmes en jeu est telle que parfois nous est simplement impossible d'être au contact des autres. L'idéal serait que nous ayons un coach de vie avec une connaissance spécifique de l'autisme sans déficience intellectuelle (TSA-SDI). Nous sommes nombreuses à devoir adopter l'habit d'un caméléon, et nous sommes comme des poissons hors de l'eau la majeure partie de notre vie. Quel que soit notre âge, nous devons dès à présent nous atteler à trouver des soutiens les plus adéquats possibles compte tenu de nos problèmes sociaux, sensoriels et cognitifs. C'est d'autant plus important pour celles et ceux d'entre nous qui ne sont pas en couple et qui n'ont personne pour les aider alors que l'on prend de l'âge.


L'une des grandes difficultés que peuvent rencontrer les personnes autistes qui prennent de l'âge est la pauvreté. C'est un souci majeur pour nous en raison du chômage, du sous-emploi et des faibles ressources dont nous disposons. Il n'existe pas tant de services que ça en faveur des adultes se situant dans la partie supérieure du continuum de l'autisme. Les aides sociales et les compensations au handicap sont majoritairement à destination des enfants pour aider les familles. L'autisme est pourtant une condition à vie. Il s'aggrave même avec l'avancée en âge, à l'issue d'une période de dégradation de l'état de santé. Il reste très compliqué en France d'obtenir un diagnostic d'autisme à l'âge adulte afin de pouvoir percevoir des aides financières, humaines et quand tel est le cas, ces aides restent insuffisantes. Le Défenseur des droits considère que la France n’a pas pris pleinement en considération le changement de modèle induit par la CIDPH, fondé sur une approche sociale du handicap par les droits, dans l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques. Notamment concernant l'autisme, la France accuse un retard important dans ce domaine par rapport aux autres pays occidentaux. La France est régulièrement accusée d'être à la traîne malgré 4 plans Autisme. Car les mesures concernent surtout les autistes sévères ou avec déficience intellectuelle et les enfants plutôt que les adultes. Les personnes autistes séniors sont quant à elles tout simplement oubliées de ces différents plans Autisme.


Un deuxième grand problème est la solitude. Il est des Aspergirls recluses pour lesquelles être seules n'est pas un souci mais pour beaucoup, le problème est réel et il est bien plus difficile de faire de nouvelles rencontres lorsqu'en plus de prendre de l'âge, nous n'avons pas les moyens de sortir. Certaines d'entre nous ont eu des maris qu'elles ont épousés pour de mauvaises raisons ou avant le diagnostic et ces maris les ont quittées du fait de leur comportement bizarre. Contrairement aux hommes, les femmes ne peuvent aller, n'iront jamais seules dans les endroits où leurs homologues masculins ont pour habitude de se rendre pour faire de nouvelles rencontres, tels que les clubs, les bars, etc. Ce n'est déjà pas une activité à laquelle nous nous livrons étant jeunes de peur de sembler à l'affût d'une proie, mais passé 40 ans, il y a fort à parier que nous passions pour des femmes désespérées. Si l'on ne nous a jamais enseigné les compétences sociales et si nous avons toujours eu de mauvaises relations avec les autres (des amitiés qui se dégradent par exemple), il est possible que nous soyons de moins en moins aptes à faire des rencontres et que nous devenions plus solitaires que jamais.


Le plus souvent sans enfant, les personnes autistes sont plus nombreuses à déclarer vivre seules. Pour les personnes autistes hors des institutions, aucun lieu de vie en communauté n’est pensé pour les accueillir sans les infantiliser, ce qui conduit à d’innombrables personnes isolées chez elles. L'aide individuelle à domicile et à la vie autonome doivent être pensées et suffisamment financées. En particulier, il est extrêmement compliqué voire impossible de trouver de l'aide humaine formée et compétente.

Enfin, les soucis de santé s'aggravent avec l'âge. Les contraintes et les tensions liées au syndrome d'Asperger, en plus de l'état de stress post traumatique (ESPT), sont les suivantes : une mauvaise couverture santé et un manque de moyens ne permettant pas d'accéder aux besoins de première nécessité tels que les soins dentaires, gynécologiques, etc., une alimentation de qualité, des vêtements chauds et décents, un environnement sûr et calme. Tout ceci, au même titre que la dépression, est plus acceptable quand on est jeune mais a un effet cumulatif et démoralisant. Avec l'âge, ça vire forcément à la crise. Ce qui fait que l'espérance de vie des personnes serait d'environ 55 ans pour les personnes avec TSA-SDI. Pour les autistes qui survivent, si l'on combine pauvreté et mauvaise santé, la colocation semble être la seule issue possible. Mais cette colocation quelle qu'elle soit peut s'avérer très difficile : le fait de finir ses jours avec les bruits, les odeurs ainsi que les diverses personnalités qui n'ont aucune idée de quels peuvent être nos déclencheurs et qui s'en fichent éperdument d'ailleurs, peut être un véritable cauchemar. Les personnes autistes devraient avoir leur propre chambre dans une telle situation et les employés de la maison de retraite devraient être formés à l'autisme.

Les avantages du vieillissement

Etant donné qu'un grand nombre d'Aspergirls n'aiment pas faire l'amour et ne veulent pas de bébés, la ménopause peut être perçue comme la fin tant attendue de cycles hormonaux pour le moins incommodes. La vieillesse apporte une part d'androgynie à tout le monde. Puisque la féminité n'est pas l'un de nos objectifs, beaucoup ne verront aucun inconvénient à paraître moins féminines et séduisantes. Nous avons une approche pragmatique en matière d'apparence.


Avec l'âge, nous nous montrons moins indulgentes envers le stress mais il y a là aussi un aspect positif. Compte tenu du fait que notre degré d'anxiété a toujours été très élevé et que nos nerfs semblent être noués depuis le commencement, il nous parait soudain indispensable d'y remédier, faute de quoi tout risque de craquer. Cela revient clairement à dire qu'il est important pour nous de définir nos besoins et nos limites ; non seulement pour les autres mais également pour nous-mêmes. Par exemple, il a sans doute été assez facile pour certaines personnes de profiter de nous étant donné que toute personne capable de prendre pour proie les personnes vulnérables (d'un point de vue social) n'aura de cesse de le faire. L'un des énormes avantages qui, selon moi, viennent avec l'âge est que l'on peut désormais détecter ce type de conduire sans problème. Maintenant, même si j'en ai plus ou moins toujours été capable, je n'ai plus peur de dire « non » et de mettre un terme à toute tentative d'intimidation ou d'influence. Disons que, même si j'ai mis du temps à atteindre le niveau que la plupart des femmes atteignent pendant l'adolescence ou à 20 ans, j'y suis malgré tout parvenue.

Il est des gens qui croient que le syndrome d'Asperger n'existe que dans la relation à l'autre, que si tout le monde était autiste alors personne ne se jugerait handicapé. Certes, je me sentirais moins bizarre mais mes nombreux problèmes sensoriels ne disparaîtraient pas pour autant. Il m'est également très pénible d'écouter d'autres Aspies parler tous seuls sans ressortir avec un mal de crâne. Il m'est aussi arrivé plus d'une fois de faire de la peine à d'autres personnes autistes et que, tout comme moi, elles sont très sensibles.


Etre diagnostiquée autiste au cours de son adolescence, c'est déjà quelque chose mais apprendre cette nouvelle à 50 ans signifie qu'il nous faut passer en revue notre vie toute entière et regarder chaque évènement à la lumière de cette nouvelle donnée. Chaque incident, chaque moment sera scruté au travers de cette nouvelle lentille. C'est un peu comme si l'on venait de chausser une paire de lunettes après avoir passé sa vie dans le flou. Outils

- Colloque « Les autistes vieillissent aussi… » de mai 2016 avec des actes/résumés à télécharger

- Charge de morbidité accrue chez les adultes autistes d’âge moyen et plus âgés : https://ma-clinique.fr/une-etude-revele-une-charge-de-morbidite-accrue-chez-les-adultes-autistes-dage-moyen-et-plus-ages

- Blog de J-Philippe Piat, Aspie-Conseil : https://aspieconseil.com/2018/07/22/autisme-et-vieillissement/

- Rapport de la Cour des Comptes « L'accompagnement des personnes en situations de handicap vieillissantes » (septembre 2023) : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/laccompagnement-des-personnes-en-situation-de-handicap-vieillissantes


Conclusion

Il est possible de vieillir avec grâce et dignité. Prenez bien soin de votre santé avec un bon suivi médical dès maintenant parce que plus vous vieillirez, plus vous serez vulnérable. Mangez sainement et pratiquez une activité physique adaptée. Exploitez des méthodes de relaxation et de diminution du stress. Evitez vraiment cette tendance à vivre totalement reclus.e. Imaginez le type de personne que vous aimeriez être et n'ayez pas peur de partager vos idées et vos talents avec les autres.

Pesez le pour et le contre d'une relation si vous n'avez pas encore de petit.e ami.e. Ne serait-il pas agréable d'avoir quelqu'un auprès de qui vieillir et sur qui compter ? Quant aux problèmes de répartition des rôles et des tâches domestiques en fonction du sexe qui vous irritaient tellement étant jeune, ils n'ont plus la même importance passé 40 ans. Commencez à réfléchir à la manière d'augmenter considérablement vos revenus, si ce n'est pas déjà fait, et d'épargner car cela aura un coût financier important. Avec l'âge, vous aurez besoin d'un environnement bien particulier sur lequel vous pourrez avoir le contrôle.


Malheureusement, pour de nombreux adultes autistes, l’âge de la vieillesse est terni par une mauvaise santé, la pauvreté et, dans certains cas, l’absence de domicile fixe. Leur sort révèle d’énormes lacunes dans les soins. Il devient urgent que l'Etat français établisse un plan autisme pour les plus âgés et de favoriser le diagnostic de TSA même après 60 ans. Il est nécessaire que la prise en compte de la vieillesse dans l'autisme offre un meilleur suivi à la fois des soins somatiques, neuropsychiatriques et un meilleur accompagnement.

Et vous ?

Comment vivez-vous votre avancée en âge ?

D'après vous, existe-il un vieillissement précoce/accéléré lorsque l'on est autiste ?

Rencontrez-vous des difficultés à trouver des médecins compétents pour répondre à vos soucis de santé ?

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