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Autisme : transition vers l'âge adulte


La transition vers une vie adulte est une étape laborieuse pour beaucoup de jeunes. Elle l'est encore plus pour les jeunes autistes. Le passage à l'âge adulte est souvent associé à un changement marquant du contexte et de l'environnement : il va leur falloir quitter le système éducatif et ses cadres sociaux stables et structurés au profit du monde des adultes. Ce changement de monde va être aussi un changement de culture. Cette transition va souvent être difficile à négocier et va s'avérer complexe et comporter son lot de difficultés supplémentaires.

Ces difficultés sont psychologiques : construction de l'identité, sentiment d'appartenance à une communauté ou à un groupe, et sociologiques : d'un environnement guidé par les parents, il faudra basculer dans un contexte où c'est la personne concernée qui décide. Durant cette période de fort déséquilibre, la plupart des jeunes adultes autistes nécessitent un accompagnement.


Aides à la transition

La connaissance des contraintes et des spécificités culturelles devrait permettre de mieux réfléchir à l'élaboration de dispositifs qui faciliteraient passage du jeune autiste vers sa vie adulte et son aspiration à l'autonomie. A ce jour, la plupart des systèmes d'enseignement dits « spécialisés » intègrent dans leur programme une préparation des élèves à leur transition à la vie adulte en termes d'activités centrées sur la gestion de la vie quotidienne (courses et achats, gestion, cuisine ...) et de préparation à la recherche d'emploi. Certains de ces dispositifs peuvent être intégrés dès le cycle secondaire général, mais d'autres vont nécessiter d'acquérir une formation plus approfondie dans un domaine particulier, ce qui est le cas pour les étudiants porteurs de handicaps.


En fait, de nombreuses études montrent que les résultats obtenus par les personnes avec TSA dans des domaines comme l'insertion professionnelle sont nettement inférieurs à ceux des personnes citées dans les sondages habituels. C'est pourquoi il paraît nécessaire de mieux comprendre les défis particuliers auxquels cette population est confrontée à cet âge. Compte tenu des difficultés spécifiques de ces jeunes, l'apprentissage des compétences sociales appropriées est un prérequis essentiel à leur intégration réussie dans une vie communautaire. Aussi, malgré les bonnes intentions et les efforts investis pour fournir les outils et les compétences nécessaires à leur entrée dans la vie adulte, les taux élevés de chômage et d'isolement social parmi les personnes autistes indiquent que ces programmes sont insuffisants pour répondre à leurs besoins et à la réussite de leur transition vers la vie adulte en fin de scolarité. De plus, ces jeunes sont tout à fait conscients que ce sont leurs difficultés spécifiques qui constituent des obstacles à leur intégration dans la vie adulte.


Ces dernières années, de nouveaux programmes de formation plus spécifiques à la vie adulte sont devenus courants. Même s'ils laissent persister des problèmes réels sur le plan de la socialisation, ces programmes se sont montrés assez efficaces dans le domaine de la recherche d'un emploi, surtout quand ils se placent dans la perspective d'une première intégration, notamment dans des emplois peu qualifiés (Cf. GIRPEH). Cependant, il demeure exceptionnel que la personne autiste elle-même ait joué un rôle actif dans l'élaboration du projet qui la concerne. Et pourtant, l'autodétermination et l'engagement de la personne dans le projet représentent des gages essentiels de sa réussite ultérieure, en termes d'emploi, d'indépendance, de qualité de vie. Aussi, dans ces dispositifs de transition, peut-être faudrait-il mettre I'accent sur la nécessité de développer chez ces jeunes, comme aspects importants de leur construction identitaire, le goût de l'exploration, de l'explicitation des objectifs à atteindre, de la prise de décision et de la conscience de soi. Développer ces compétences nécessite d'adapter leurs expériences et de solliciter chez ces jeunes leur métacognition et leurs connaissances sur eux-mêmes et sur le monde qui les entoure. Cela concerne les compétences de planification, de régulation du comportement et de gestion de soi nécessaires à la prise de décision, qui dépendent en effet des contextes et des expériences de vie dans lesquels ces compétences sont sollicitées.

En Israël, le programme « Milestones » (voir le lien ci-dessous) prépare les jeunes adultes autistes au passage à la vie adulte. Avec Milestones, une distinction est opérée entre « indépendance » et « autonomie ». L'indépendance décrit la capacité de faire les choses seul, comme se préparer un repas ou conduire une voiture. Par contre, l'autonomie est la capacité de l'individu à prendre des décisions fondées sur les ressources dont il dispose (capacités personnelles, sociales, économiques, temporelles, connaissances ...). Les participants apprennent ainsi à gérer et à solliciter les sources d'assistance dont ils ont besoin, à assumer les conséquences de leurs choix que ces derniers soient réussis ou infructueux. Le programme vise donc à la fois l'indépendance et l'autonomie, mais la plupart des ressources sont investies de façon préférentielle dans le développement de l'autonomie.


Plus on offrira à ces jeunes des occasions d'apprentissage différentes, plus on leur proposera des expériences variées, et plus on augmentera leur degré de liberté pour faire des choix, et plus ils seront en mesure de mener à bien leur processus d'émancipation et d'entrée dans la vie adulte.

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Encourager l'autonomie pour s'autodéterminer

Le développement d'un comportement qui vise à l'autonomie est un processus particulièrement difficile pour les jeunes autistes sans déficience intellectuelle (TSA-SDI). A la fin de leurs études secondaires et à leur entrée dans le monde adulte, de nombreux défis peuvent entraver le développement de compétences de vie vers l'autonomie, de sorte que le jeune adulte a besoin d'incitation et de soutien continus. De nombreuses personnes qui sont dans la transition vers des situations de vie autonome déclarent avoir des difficultés avec les tâches de la vie quotidienne (cuisine, prise de médicaments, hygiène personnelle). L'incitation directe a d'abord été le principal moyen pour déclencher ces activités. Cependant, une incitation à chaque étape n'est pas nécessairement une bonne idée, car cela peut entraîner une dépendance excessive. Il est donc préférable de créer un réseau social de personnes pour soutenir l'autonomie des jeunes adultes avec TSA-SDI.


En règle générale, les parents souhaitent qu'en grandissant leurs enfants deviennent des adultes autonomes, et ils les impliquent donc naturellement dans des tâches adaptées à leur âge. Cependant, les enfants qui ont des besoins spéciaux ont tendance à déclencher chez leurs parents un penchant à la surprotection qui les conduit à reporter continuellement l'implication de leurs enfants dans les tâches de la vie courante. Parfois, ces parents ne croient pas que leur enfant soit capable de fonctionner convenablement dans de nombreux domaines de la vie quotidienne. Alors, ils trouvent des aménagements pour lui éviter certaines tâches, mais en faisant cela, ils l'empêchent d'apprendre à affronter le monde réel. Il faut accepter le fait que la personne présente un TSA, et l'accompagner à partir de son niveau de développement. L'approche basée sur la relation de différence développementale individuelle, suggère par exemple de commencer avec les tâches qui procurent du plaisir au jeune adulte. L'idée est d'améliorer l'interaction en établissant avec lui une relation basée sur ses intérêts particuliers et ses activités favorites. Cela nécessite de la créativité pour l'intéresser à réaliser une tâche de la vie courante, et un peu d'ouverture d'esprit de la part de l'aidant.

En ce sens, les traits autistiques déroutent beaucoup d'intervenants, qui vont alors s'efforcer de mettre en place des réponses, des routines obéissant à un certain nombre de principes rationnels. Il semble au contraire souvent plus efficace d'encourager la personne à s'engager dans des activités qu'elle apprécie, dans lesquelles elle se sent compétente et valorisée, et de s'appuyer sur son estime de soi. Stimuler la personne en favorisant les activités qui l'intéressent devrait donc se faire sans rechercher un autre but que le bien-être ou la fierté que cela lui procure. Ce qui est très positif pour sa santé mentale.

Quasiment toutes les études montrent que les autistes adultes rencontrent des difficultés dans leur vie quotidienne, qu'il leur est difficile d'accéder à l'autonomie, aux services de soin et de santé, qu'ils sont nombreux à être sans emploi et à présenter des problèmes de santé physique et mentale. Je le confirme. En dépit de ce constat, les professionnels, les intervenants et les parents restent réticents à ce que d'autres personnes autistes, plus autonomes, aident les autres adultes autistes à optimiser leurs potentiels. Et pour cause : il n'existe pas actuellement de consensus sur ce que devraient être les bons critères pour évaluer les effets d'une intervention. Par exemple : est-il important pour une personne autiste d'avoir beaucoup d'amis ? Est-il préférable pour elle de décrocher un travail, ou que son activité professionnelle soit en lien avec ses intérêts spécifiques ? Il est d'autant plus difficile de répondre à ces questions que l'hétérogénéité du spectre de l'autisme est importante.

La première démarche de notre groupe de pair-aidants autistes consiste à mieux identifier les aspects de la vie qui comptent pour ces personnes et qui affectent leur quotidien. Une fois parvenus à un consensus sur ce qui constitue cette « bonne qualité de vie », qui ne pourra être réalisée que par une implication active de la personne elle-même, on pourra alors développer plus sérieusement des outils spécifiques dédiés à sa mesure. Etre acteur de sa vie, c'est exercer le droit propre à chaque être humain de gouverner sa vie sans influence externe injustifiée et à la juste mesure de ses capacités. Il existe une distinction entre autonomie et autodétermination. L'autonomie est une composante importante de l'autodétermination. Par contre être autodéterminé, c'est être en mesure de pouvoir choisir comment et avec quels outils afin d'obtenir une réponse à son besoin. Il est question d'éviter de mettre en place des mesures qui parfois vont au-delà de ce qui est nécessaire pour la personne et la prive de demander de l'aide et de manifester un besoin.

Cette évaluation de la qualité de vie va s'imposer comme une nécessité, mais elle n'est pas suffisante pour apprécier et tenter de régler l'étendue du problème. Elle n'en est qu'un des éléments, et la plupart des autres réponses sont à chercher dans une véritable approche inclusive et participative des personnes autistes. Cela va nécessiter de la part de tous, en fonction de la place que chacun occupe dans la société, des modifications profondes, à la fois des représentations portées sur ce qu'on appelle le « handicap », les limitations fonctionnelles qui y sont associées et la façon dont les personnes autistes vont s'entraider dans leurs quotidiens, mais également des changements d'attitudes sur le couple, sur l'accès à la formation, à l'emploi et au logement.

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Conclusion

Les adultes autistes doivent donc être aussi préparés à aborder une trajectoire visant non seulement à un certain degré d'autonomie dans des domaines aussi divers que les finances, l'emploi et le logement, mais aussi dans celui d'un accès éclairé aux services de soins. De plus, l'aide à apporter pour faciliter l'anticipation de cet avenir devrait s'accompagner aussi d'un apprentissage à s'affronter à l'incertitude : c'est peut-être le plus difficile et le plus délicat.

Il est encourageant de constater qu'au cours des dernières années le nombre des recherches portant sur toutes ces questions s'est notoirement accru. Il reste encore toutefois beaucoup à apprendre pour comprendre les expériences que vivent ces adultes avec leur entourage, notamment les différents modes selon lesquels leurs relations se nouent, sur les moyens de répondre à leurs difficultés, et sur le rôle des très nombreux facteurs qui entrent en jeu dans la détermination de ce qui constitue globalement leur qualité de vie.

Mais n'oublions pas que cette transition vers l'âge adulte est aussi à replacer dans une perspective « vie entière », et que les personnes avec autisme avancent aussi en âge. De nouvelles périodes de « fragilité » sont à envisager, que ce soit durant la période de maturité, ou quand il va s'agir d'aborder les temps de la vieillesse. Le prochain article aborde ce sujet, très peu pris en compte par les Pouvoirs publics et par les ESSMS.

Et vous ?

Etes-vous prêt.e à vous autodéterminer ? Que vous manque-t-il pour le faire ? Pensez-vous que l'expérience entre pairs permet d'améliorer la qualité de vie ?

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