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L’autodétermination des personnes autistes : définition, enjeux et perspectives


Le Centre Ressources Autisme Ile de France (CRAIF) a proposé un webinaire public le 30 janvier 2023 pour présenter ce que doit être l'autodétermination d'une personne autiste. Cette matinée était co-animée par une personne directement concernée et professionnelle de l'autisme, Stéf Bonnot-Briey ainsi que par un directeur d'Établissements d'Accueil Médicalisé (EAM) d'Île-de-France, Matthieu Lardjane.


Etre autonome, c’est garder le pouvoir sur son parcours de vie dans toutes ses dimensions (accès aux études, à l’emploi, au logement, aux transports, à la parentalité…) mais aussi rester maître de toutes les décisions concernant sa santé, la maîtrise de son argent, etc. Pour tout individu, et encore plus pour les personnes autistes, l’autonomie à l’âge adulte ne se décrète donc pas. Elle se travaille et s’acquiert progressivement. La personne autodéterminée est actrice de sa vie.


Définition et fondamentaux de l'autodétermination

En 1996, Michael Wehmeyer définit l’autodétermination comme « la possibilité de faire des choix et prendre des décisions en accord avec ses préférences, valeurs et objectifs, sans interférences externes non justifiées, pour augmenter le contrôle sur sa propre vie et garder ou augmenter sa qualité de vie ». En 2005, Wehmeyer précise que « les comportements autodéterminés sont des actions volontaires permettant à une personne d’agir comme principal agent causal de sa vie afin de maintenir et d’améliorer sa qualité de vie ». L’auto-détermination de la personne, c'est donc faire des choix et prendre des décisions :

  • en accord avec ses préférences, valeurs et objectifs

  • sans interférence externe non justifiée

  • pour déterminer le degrés de contrôle qu'une personne souhaite avoir sur sa propre vie

  • garder ou en augmenter sa qualité de vie


Les récentes études scientifiques qualifient un individu autodéterminé comme étant un agent causal, capable d'avoir du pouvoir sur sa vie, d'y choisir et d'y poser des actes de manière volontaire en vue de parvenir à l'objectif fixé et/ou d'y produire un effet. L'auto-détermination se situe sur un continuum et chaque individu présente des comportements plus ou moins autodéterminés en fonction des différents domaines de vie. Il existe donc différents moyens de soutenir le développement de l'autodétermination, y compris pour les personnes présentant des déficiences plus significatives.


La loi handicap 2005 apporte comme définition du handicap : constitue un handicap, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement (...). Cette définition introduit un changement important de représentation du handicap, opérant un déplacement de la conception de la personne dite « handicapée » à celle de « situation de handicap ». Pour tout être humain, la participation sociale consiste à réaliser pleinement des habitudes de vie, soit des activités courantes ou des rôles sociaux. Une habitude de vie est une activité courante ou un rôle social valorisé par la personne ou son contexte socioculturel selon ses caractéristiques (âge, sexe, identité socioculturelle, etc.). Elle assure la survie et l'épanouissement d'une personne dans sa société tout au long de son existence : activités courantes : Nutrition/Condition corporelle/Soins personnels/Communication/Habitation/Déplacements ; rôles sociaux : Responsabilités/Relations interpersonnelles/Vie communautaire/Éducation/Travail/Loisirs.

Quant à la participation citoyenne s'exprime notamment par l'action communautaire, la participation électorale, la prise de parole. L'exercice des droits doit permettre de développer son identité, s'intégrer à la communauté, contribuer à la développer. Quatre caractéristiques sont essentielles pour que la personne s'autodétermine : autonomie, auto-régulation, auto-réalisation et empowerment.


Néanmoins, les personnes autistes ont des difficultés à exprimer leurs émotions, leurs ressentis et à s’affirmer dans leurs choix. Les habiletés sollicitées en résolution de problème, prise de décision, choix (autonomie), le manque de prise de risque, de résolution de problème, se fixer des objectifs, la réorientation en fonction des feedbacks (autorégulation) sont autant difficiles à mettre en œuvre. L'auto-compréhension de soi et de son propre comportement, l'auto-conscience, l'utilisation de ces connaissances pour mieux atteindre des objectifs (autoréalisation) doivent être accompagnées pour que la personne autiste soit en mesure de multiplier les expériences pour connaître ses envies et pour apprendre à évaluer les conséquences de ses décisions et à les assumer. Enfin, l'appropriation psychologique (auto efficacité, attente de résultats positifs, attribution du contrôle) lui permettront d'oser prendre des risques pour apprendre de ses erreurs.


Ce modèle dynamique est fondé sur ces ressources qui s'interagissent et s'actualisent au fil du temps. Pour favoriser l’expression de cette autodétermination de la personne, l'accompagnateur doit veiller à ce qu’elle ait la possibilité d’avoir accès à ces ressources :


Enjeux de l'autodétermination

Cette approche dynamique du handicap, considérant la personne autiste autrement capable, doit néanmoins être relativisée dans la mesure où il persiste une représentation restrictive du handicap (un accès dans ce domaine pourrait conduire à pondérer, voire nier, les effets du handicap chez les personnes concernées). La résistance au changement de paradigme se traduit par un manque d'agilité et de flexibilité des professionnels de l'accompagnement médico-social. Comme l'autisme a longtemps été confondu avec la déficience intellectuelle, les interventions destinées aux autistes ont été pensées à la manière de celles qu'on emploie avec les personnes atteintes de déficience intellectuelle.


On parle énormément de développer l'autonomie d'une personne en lui fixant l'objectif de faire seule des tâches : faire son lit, se préparer un repas, faire ses courses au supermarché. Cependant, lorsqu'on parle d'autisme, ce n'est pas cette autonomie-là qu'il faut essayer d'installer en tout premier lieu. C'est la relation de confiance avec la personne accompagnée qui doit être au centre du processus. Naturellement, la compétence et la confiance s'acquièrent avec la pratique. A chaque étape, il faut évaluer les progrès pour déterminer la capacité d'évolution de la personne, et voir dans quelle mesure l'assistance dont elle a besoin pourrait être modifiée ou réduite. Il faut comprendre que l'autonomie, pour une personne autiste, ne consiste pas à développer les habiletés sociales mais à bien équilibrer le traitement de l'information, à déclencher l'accès à l'abstraction et à l'initiative. Il faut viser l'autogestion d'abord, et ensuite l'autonomie.


Comment favoriser l'autodétermination quel que soit le profil et le lieu de vie de la personne autiste ? L'observation et l'identification des choix naturels de la personne, de ses préférences permettent de s'intégrer, de façon plus appropriée, dans la réalité quotidienne de la personne. Cela nécessite seulement de la créativité et un peu d'ouverture d'esprit. Avoir à l'esprit la notion de présomption de compétence est essentiel pour encourager la personne à s'engager dans des activités qu'elle apprécie, dans lesquelles elle se sent compétente et valorisée, et de s'appuyer sur son estime de soi. Stimuler personne en favorisant les activités qui l'intéressent devrait donc se faire sans rechercher un autre but que le bien-être ou la fierté que cela procure, ce qui est très positif pour sa santé mentale. Pour tous les profils autistiques : la récolte des données disponibles, les évaluations préalables individualisées -notamment afin d'établir un profil sensoriel pour les personnes qui présentent une déficience intellectuelle importante- facilitent l'identification des outils et supports de communication alternatifs si besoin. Cela permettra à l'accompagnant d'adapter ses interventions, fixer la taille du cadre et se projeter sur la manière de le faire évoluer.


L'accompagnement est différent de la « prise en charge », il convient donc d'agir sur les quatre leviers (autorégulation, capacité d'agir, autonomie, auto-réalisation) pour ajuster sa posture et se poser les bonnes questions. Le fait de limiter au maximum l'influence externe indue (faciliter la capacité d'autorégulation de la personne) implique certains prérequis en amont de la réalisation d'une décision. Faciliter l'identification des envies, essayer de souligner le lien de cause à effet, prendre en compte les éléments liés à l'environnement, les étapes qui composent l'action (par exemple : les choix vestimentaire liés au climat ; passer le permis de conduire en zone rurale). A la suite d'une décision et /ou d'une action, il est nécessaire de donner du « feedback évaluatif » en évitant absolument la posture de toute puissance, être le plus descriptif possible.


Enfin, favoriser toutes les occasions où le choix peut être solliciter avec pouvoir d'agir encadré et non « contrôlé », dans un premier temps dans les actes du quotidien (habillage, repas, choix d'activités,choix professionnel, lieu de vie, etc.), puis mettre en place un environnement capacitant dans lequel la personne à la possibilité réelle d'être acteur de ses choix (choix vestimentaire entre deux tenues plutôt qu'aucun choix), sont des occasions pour la personne accompagnée de s'autodéterminer. De manière générale et particulièrement en institution, la limite des ressources humaines se pose, le changement de posture qui nécessite aussi un changement de paradigme est plus profond. Ce changement fait intervenir davantage de moyens humains et matériels qui nécessitent des concertations multiples, ainsi que de se poser la question du risque (le risque n'implique pas nécessairement la mise en danger). Sur cette question de risque, l'intervenant, Matthieu Lardjane, renvoie à la définition de Martin Caouette de la Chaire Autodétermination et Handicap au Canada (Cf. Agir pour l’autodétermination des personnes en situation de handicap) avec la quatrième clé de son programme « AGIR pour l'autodétermination ».

Transformation de l’offre dans le secteur médico-social

Les appels sont nombreux pour actualiser la vision d’une société inclusive, telle qu’elle est promue par la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU. Pour y parvenir, des changements de paradigme doivent intervenir notamment dans la transformation de l’offre du secteur médico-social : accompagner, outiller et valoriser également les professionnels et les proches.

S’engager dans de nouvelles pratiques orientées autonomie et autodétermination implique un changement profond de la posture soignante. De nombreux freins existent, dont en premier lieu l'accompagnement des directeurs/managers comme propulseurs et garants du développement de l'autodétermination par leurs équipes. Au niveau des macro-changements et ses freins, on note : une logistique lourde, une lourdeur administrative, la complexité législative, le manque de moyens pour des projets de fond, le manque d'agilité du système et le manque de professionnels formés à ce jour. Parmi les micro-changements à portée de main, on peut citer : le changement des us et coutumes internes, la créativité, les nouveaux partenaires, le développement d'outils, la formation accompagnée par la formation-action, et enfin la mobilisation des acteurs.

Le degré d'autodétermination évolue dans le temps et dépend de facteurs déterminants qui peuvent soutenir ou entraver l'autodétermination des personnes. On peut résumer les freins et les facilitateurs à l'autodétermination comme ci-après :

​Au niveau de la person. TSA

avec déficience intellectuelle

Au niveau de l'environnement

• Le degré de sévérité de Dl

• L'estime et la connaissance de soi (croyances, valeurs, préférences), connaître ses forces et faiblesses pour ajuster les choix et décisions selon ses propres caractéristiques (autoréalisation)

• Les capacités à indiquer ses préférences, faire des choix, amorcer une action voulue (autonomie)

• Les capacités d'ajuster le comportement selon les situations et l'environnement (autorégulation)

• Le sentiment de contrôle sur les actions et de leurs conséquences dans l'environnement (empowerment psychologique)

• La motivation et la volonté de la personne

• La formation et la sensibilisation à l'autodétermination, aux droits, etc.

​• Les opportunités et occasions données pour faire des choix, dans les domaines que la personne juge importants pour sa vie

• La connaissance de la personne, la relation et l'attitude envers la personne, la croyance en son potentiel

• Le soutien et l'investissement des accompagnants familiaux et professionnels

• Le temps alloué, la formation et la sensibilisation à l'autodétermination des accompagnants

• La collaboration entre accompagnants et entre différents services

• Louverture vers l'extérieur (ouverture des milieux spécialisés) et l'ouverture de l'extérieur (représentations sociales)

• L'accessibilité qui permet la fréquentation de lieux multiples et variés (transports en commun, activités de loisirs, etc.)

• Le recours à des outils de dépistage et d'évaluation et à des programmes d'intervention divers

Source : Fiche-I-SAID_Autodétermination

Pour aller plus loin

  • Une liste de programmes d'intervention proposé par les intervenants :

    • C'est l'avenir de qui après tout (Lachapelle, Boisvert, Boulet, Rocque, 1999)

    • Carte routière de la vie adulte, en route vers mon avenir (Ruel, Sabourin, Moreau, Lehoux, Julien-Gautier, 2012)

    • Choisir et agir (Dubois, Chrétien, Thibodeau, Robert, 2006, 2009)

    • I'm determined (McNaught, 2011)

    • Self-determined learning model of instruction (Wehmeyer, Palmer, Agran, Mithaug, Martin, 2000)

    • It's my future (Bolding, Wehmeyer, Lawrence, 2010)

  • Un manuel de formation et une BD :

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