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Troubles alimentaires et TSA, vers une vision intégrative

Dernière mise à jour : 27 juil. 2022


Au sein du CHU de Rouen et de l’hôpital Croix-Rouge de Bois-Guillaume, le service de nutrition a développé une expertise en détection des troubles du spectre de l’autisme (TSA) sur les dernières années car cette patientèle est très représentée. Les prises en charge jusque-là proposées n’étaient pas pleinement satisfaisantes et impliquaient des hospitalisations répétées qui s’étalait dans le temps, sans trouver de solution pérenne. Depuis que le service traite ces cas atypiques par le biais d’une approche adaptée aux personnes TSA, la prise en charge est plus rapide et efficace.


Une mauvaise détection des TCA

Les intervenants rappellent ce que sont les troubles du comportement alimentaire, qui recouvrent un large panel de catégories différentes :

- l’anorexie mentale (comportements restrictifs) : dénutrition, peur de prendre du poids

- boulimie (oscillation comportements compulsifs/restrictifs) : boulimie typique, boulimie atypique, autres TCA mixes

- hyperphagie boulimique : aussi appelée frénésie alimentaire, boulimie sans compensation

En France, 13 à 14 % des personnes ont des TCA, selon une étude menée en 2021. Les TCA sont en hausse. On retrouve notamment beaucoup de TCA cachés et atypiques. Cependant, cette maladie est mal détectée dès le plus jeune âge par les intervenants en santé primaire et scolaire. Cette détection est pourtant facilitée grâce au questionnaire SCOFF-F.


TSA et TCA se renforcent mutuellement

Outre que 90 % de la population TSA a des problèmes avec l’alimentation, TCA et TSA partagent de nombreuses caractéristiques communes. C’est pour cela qu’on s’attarde systématiquement à rechercher la comorbidité, dans un sens comme dans l’autre.

- rigidité cognitive et comportementale, obsessions, défaut de cohérence centrale, trouble des fonctions exécutives (Oldershaw et al. 2011)

- déficit de la théorie de l'esprit (Leppanen, Sedgewick, Treasure & Tchanturia 2018)

- dysrégulation émotionnelle, alexithymie, feedback négatif, anxiété sociale, mode de vie ascétique (Schmidt & Treasure 2006, Oldershaw et al. 2011)


Une personne autiste se construire particulièrement, ce qui va influencer la manière de voir et percevoir le monde. La propre image de son corps peut être altérée en raison du trouble perceptuel et d'un schéma corporel spécifique : la proprioception étant différente, il peut être dur d’avoir une vision cohérente de soi (donc de son propre corps). L'anorexie mentale souvent est présente chez les jeunes femmes autistes. Chez ces personnes anorexiques, elles représenteraient jusqu'à 1 personne sur 5 de cette population. Les autres troubles alimentaires chez les personnes autistes sont hélas très peu documentés.

Un autiste a un sens spécifique à ressentir les choses dans son corps et dans environnement, c'est ce que le docteur Amandine Turcq appelle le sens autistique : le sens spécifique qu’on va donner en raison de ses propres spécificités. L'image du corps qu'à une personne autiste est plus un trouble de la perception qu'un trouble de l'internalisation de l'idéal de minceur. L'influence du poids et de l'aspect physique n'est pas une motivation principale. Le problème se situe plus dans les perceptions erronées de leur taille corporelle. Dans l'anorexie mentale chez la personne autiste, l'alimentation renforce les difficultés initiales liées au TSA :

Les causes des troubles alimentaires peuvent donc être diverses : troubles d'origine sensorielle (couleurs, odeurs, textures, bruit, goût), difficultés de mastication ou de déglutition, problèmes de satiété (alimentation insuffisante ou trop importante, …), des troubles du schéma corporel (proprioception, visuo-spacial). Le moment du repas peut être vécu comme une épreuve pour les autistes, mais aussi pour les parents. Les repas impliquent systématiquement un problème de socialisation et de communication.


Implication de l'axe microbiote-intestin-cerveau

Chez les personnes avec TSA, le métabolite peut être déficient, on perd donc la fonction de signalisation de la satiété. Le tube digestif détient un rôle majeur dans le comportement des signaux satiétogènes. Le nerf vague a un rôle de régulation : il signale la satiété. Celui-ci se dérègle dans les TCA . Les troubles du comportement alimentaire chez les personnes autistes sont plus courant à la puberté, ce qui augmente le risque de maltraitances. Ces troubles alimentaires ont un grand impact sur la famille et peuvent être source de stress et de frustration.

* TFD : troubles fonctionnels digestifs


Pour les adolescents avec un TSA, la situation peut être encore plus difficile, en raison de la quantité de stimuli lors des repas et du contexte familial :

- terrain familial : anxiété-dépression, addictions, TCA

- période/facteur de vulnérabilité : femme, adolescence, grossesse et post-partum

- facteurs génétiques / métagénétiques

- facteurs déclenchant le stress : séparation parentale, conflit familial, violences, maladies, accidents, deuil, stress affectif, environnement scolaire, régime restrictif inapproprié, …

Comment faire face à cette dérégulation :

- favoriser la diversité et l’équilibre alimentaire : recherches actuelles portent sur la pertinence des régimes cétogènes (riche en lipides) et de l’oméga 3. Les données restent partielles sur les probiotiques

(microorganismes vivants) - agir sur la protéine bactérienne ClpB à l’origine d’une dérégulation de la prise alimentaire (cette protéine s’avère être le sosie de l’hormone de la satiété (mélanotropine) - mettre en place un régime cétogène : augmente la production de GABA, cependant les résultats cliniques sont encore préliminaires - faire une supplémentation (oméga-3, vitamines B6, B9, B12, C, Zinc, glutathion, sulforaphane, probiotics adaptés)

- rééduquer le microbiote en favorisant la diversité des aliments et l'équilibre alimentaire (eubiose)


Prise en charge intégrative

Suit une présentation de la prise en charge proposée au CHU de Rouen dans le cadre d’une vision intégrative dans le cadre d'un TSA avec un trouble du comportement alimentaire. Le service de nutrition du CHU a développé une expertise en détection de troubles du spectre de l’autisme (TSA) sur les deux dernières années car cette patientèle est très représentée : on parle d’une moyenne de 2 à 4 patients sur les 22 lits que compte le service, ce qui est largement plus important que les chiffres de prévalence connus actuellement dans la population générale. La grande majorité des patients identifiés comme TSA au sein du service sont des femmes. Ceci s’explique en partie par l’absence de connaissance de l’autisme au féminin. Aborder ces patients par le prisme de l'autisme leur permet de se sentir davantage respectés dans leur singularité et dans leur individualité :

- adaptation sensorielle : diète sensorielle avant le repas, adaptation alimentaire aux spécificités sensorielles, adaptation de l'ergonomie, environnement peu bruyant et pas de repas collectif obligatoire, salle Snoezelen

- adaptation du discours : prendre le temps d’expliquer, pas de décisions hâtives à prendre, adopter des comportements prévisibles, soignant référent pour transmettre l'information aux différents intervenants

- prise en compte de la subjectivité autistique, des valeurs, des identités, respect des stéréotypies, groupes de parole TSA+TCA - recherche systématique de la présence d'un TSA chez les patients non-diagnostiqués, quelque soit le TCA


L'objectif de la prise en charge est multiple :

- reprise de poids (anorexie) dans le respect des spécificités autistiques

- rechercher les traumas et les comorbidités (la dépression par exemple est souvent mal comprise parce que le TSA est mal connu) pour ne pas que le patient s’adapte dans la douleur


Les objectifs globaux :

- sensibiliser ou former aux diagnostic du TSA : centres TCA, soignants, médecins nutritionnistes (dépistage ambulatoire)

- faire évoluer leur HDJ TSA/TCA et notamment l'accès au groupe de parole (depuis 2020) - renforcer le partenariat avec le CRA de Haute-Normandie (formation auprès de l'équipe mobile des psy)

- développer un réseau TCA/TSA régional, puis l'étendre à un réseau national

- favoriser les démarches intégratives sur les comorbidités psychologiques et somatiques


Pour contacter les deux intervenants, Dr. Pierre Dechelotte et Dr. Amandine Turcq – CHU de Rouen, de cette conférence en ligne qui s'est déroulée le 6 mai 2022 : https://centre-imind.fr/webinaire-imind-3/


Vous pouvez retrouver l'intégralité de la conférence via le lien internet ci-dessous, ainsi que les échanges qui ont suivi. Cette conférence est non seulement assez dense, mais aussi avec l'utilisation de termes médicalisés, merci pour votre compréhension à d'éventuels manques et erreurs de prises de notes.

Voir le replay : https://youtu.be/uNavMOe

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