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Autisme : diagnostic tardif de TSA


La problématique d'un diagnostic tardif de TSA concerne essentiellement les personnes chez lesquelles on ne note pas de déficience intellectuelle associée (Aspies). De façon constante, les femmes semblent être diagnostiquées à un âge plus avancé que les hommes.


Ce diagnostic plus tardif conduit à faire l'hypothèse d'une différence de phénotype non repérée par les outils de diagnostic et les critères cliniques actuels. Il faut aussi rappeler que la notion « d'autisme infantile », qui a prévalu jusque dans les années 90, avait longtemps laissé croire que le trouble du spectre autistique (TSA) était propre à l'enfance. Aujourd'hui encore, se sont les critères cliniques de diagnostic mis au point pour les garçons qui sont utilisés, chez qui il s'agit essentiellement de collecter des informations sur le développement précoce. Cependant, un TSA chez l'adulte se présente de façon très différente d'un TSA chez l'enfant, et les techniques mobilisées pour le diagnostic chez ce dernier montrent rapidement leurs limites. Par conséquent, le jugement clinique doit souvent se fonder sur l'auto-observation et/ou sur des données provenant d'autres sources.

Les biais du diagnostic tardif

La pose d'un diagnostic de TSA à l'âge adulte soulève un certain nombre de questions. Bien que par définition le TSA soit un trouble du neurodéveloppement, sa formulation clinique peut ne pas apparaître franchement dans l'enfance : elle peut ne pas être repérée par l'entourage ou être masquée par le sujet lui-même. Mais il n'en reste pas moins qu'une demande de diagnostic à l'âge adulte, qu'elle soit à l'initiative de la personne elle-même ou qu'elle découle des pressions du contexte social, interroge le clinicien sollicité. C'est encore plus vrai lorsque la demande de diagnostic émane du sujet ; elle peut être sous-tendue par certaines ambiguïtés.


La plupart du temps, les enfants qui fonctionnent dans la moyenne, ou à un niveau scolaire supérieur à la moyenne, sont assez facilement acceptés, et c'est après tout la règle du système académique. De nombreuses études ont cependant montré qu'une intelligence particulièrement élevée ne signifie pas nécessairement une bonne intégration sociale. II est aussi possible que les stratégies de compensation soient un obstacle au diagnostic, en particulier chez les femmes, qui doivent déployer une plus grande gamme de rôles sociaux de sorte que leurs symptômes sont alors moins visibles pour les membres de leur famille et parfois même pour les professionnels. Ces personnes autistes ont souvent mis en place des compensations (pas toujours fonctionnelles), mais ont l'impression d'être adaptées. Ensuite, parce que beaucoup d'adultes Aspies peinent à analyser leurs souffrances, ils pensent que leur comportement est tout à fait normé, qu'ils ont de bonnes habiletés sociales. Un tiers (famille, conjoint.e, psychologue) est nécessaire pour estimer au mieux leurs difficultés. Les personnes autistes s'évertuent tant à compenser, qu'il devient difficile de mettre en exergue les problématiques de leur vie. J'ai vécu des situations fatigantes et anxiogènes dues à un environnement hostile et pourtant je n'en avais pas toujours conscience. J'ai composé autant que je pouvais pour au final finir souvent broyée. C'est pour cela qu'il est nécessaire d'avoir un diagnostic de TSA et des adaptations faute de quoi les conséquences peuvent être très importantes allant jusqu'au suicide, à cause de la culpabilisation et de l'absence d'accompagnement. Dans de nombreux cas, comme le mien, cela conduit à un diagnostic tardif ou à un sous-diagnostic.


Enfin, parmi les traits individuels qui peuvent retarder le diagnostic, il faut encore signaler la présence éventuelle d'autres diagnostics associés en particulier ceux qui relèvent de la psychopathologie. Selon les études sur ce sujet, 70 % à 90 % des personnes, qui ont été diagnostiquées pour la première fois pour un TSA à l'âge adulte, présentent des troubles de santé mentale. Tous ces éléments peuvent masquer ou obscurcir les caractéristiques du TSA et ainsi entraver la démarche diagnostique. C'est pourquoi les personnes qui consultent à l'adolescence ou à l'âge adulte peuvent recevoir un diagnostic de comorbidité aiguë au lieu d'un TSA.

Je pense que les problèmes d'emploi ainsi que le contexte économique expliquent en grande partie pourquoi nous sommes de plus en plus nombreux à recevoir le diagnostic. Le coût élevé de la vie, le fait de devoir travailler plus longtemps et plus dur, la compétition pour décrocher un emploi, des obstacles tels que les tests de personnalité (soft skills) sont autant de facteurs qui font que nous nous prenons une grande claque dans la figure au moment où nous réalisons que nous ne nous en sortons pas aussi bien que nous le devrions et nous voulons comprendre pourquoi.


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- Un autre regard sur l'autisme à l'âge adulte, point 2/ Diagnostic tardif : vécus et conséquences


Par qui est initié ce diagnostic ?

Quatre adultes sur cinq déclarent rencontrer des difficultés pour accéder à une évaluation diagnostic officiel. Ils sont également nombreux à faire l'objet d'erreurs de diagnostic. Par ailleurs, on constate un nombre plus élevé de diagnostics de TSA dans les zones géographiques où les services de soins sont plus accessibles et où le niveau socio-économique moyen de la population est élevé.


Une autre question est de savoir qui va être à l'initiative de la démarche diagnostique, et cette question n'est pas simple. De manière générale, l'expérience montre que les personnes qui viennent de leur propre initiative pour un diagnostic ne sont plus une minorité. Ces personnes se trouvent généralement à l'extrémité la plus performante du spectre de l'autisme, avec un faible niveau de déficience fonctionnelle. Elles peuvent vouloir mieux se comprendre, identifier les causes de leurs difficultés, de leurs échecs répétés, et souhaitent apprendre comment initier des conduites qui ne conduisent pas à l'échec. Cette catégorie comprend des personnes, hommes et femmes, qui se rendent compte qu'elles ont développé des différences qualitatives dans leurs relations aux autres ou à leurs partenaires. Ce peut être les parents de jeunes enfants qui ont reçu un diagnostic de TSA, ou encore des personnes qui ne parviennent pas, malgré leurs tentatives répétées, à établir des relations sociales. Au sein de cette petite population, les femmes constituent une minorité. En d'autres termes, peu de femmes sont diagnostiquées à l'âge adulte à la suite de leur propre initiative. Ce facteur peut contribuer au taux relativement faible de femmes adultes diagnostiquées avec un TSA.


La démarche est également souvent initiée en raison de la pression parentale, notamment à cause du niveau élevé de dépendance de ces adultes par rapport à leurs parents, même si on peut penser que cette démarche au diagnostic pourrait être également motivée par un souci pratique d'utiliser ses droits et d'obtenir les aides de divers types d'institutions publiques et médico-sociales. Par ailleurs, le taux de handicap est calculé sur la sévérité du trouble, à partir de critères précis. De fait, il n'y a aucune raison de s'attendre à ce qu'un adulte qui n'est à l'initiative de presque rien dans sa vie quotidienne soit le moteur d'une démarche diagnostique. Et, lorsque la demande de diagnostic n'est pas à l'initiative de la personne concernée, on ne peut s'attendre au mieux qu'à une coopération partielle de sa part. Ces personnes perçoivent en effet les démarches préparatoires au diagnostic comme menaçantes et déstabilisantes.


Les aides sociales et financières

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Le diagnostic différentiel

Le diagnostic des adultes présentant un TSA est une pratique relativement nouvelle. Le protocole général sur lequel elle peut s'appuyer n'est pas encore bien établi. Dans les confusions diagnostiques qui se posent à cet âge, il est notamment impératif d'évoquer ici la question du diagnostic différentiel. Quand on fait une évaluation d'autisme chez un adulte, on évalue par ailleurs tous les autres troubles mentaux pour vérifier qu'il n'y a pas de TOC, de phobie sociale, de l'anxiété, etc. La plupart du temps, les signes vont mieux s'expliquer par un autre trouble (c'est ce qu'on appelle un diagnostic différentiel).


On estime à environ 5 à 10 % la prévalence des troubles de la personnalité dans la population générale. Dans plusieurs études menées auprès d'adultes avec TSA, le taux de troubles de la personnalité observé oscille autour de 50 %. Des chercheurs ont trouvé des différences entre hommes et femmes avec TSA en termes de prévalence pour les troubles de la personnalité, notamment des troubles de la personnalité schizoïde ou trouble schizophrénique plus présents chez les hommes.


Chez les femmes, le diagnostic différentiel ou le diagnostic associé le plus fréquemment proposé, avec d'importantes implications thérapeutiques, est celui de « personnalité limite » (ou borderline) qui se traduit par des carences en mentalisation et des difficultés dans les relations interpersonnelles. Dans un premier temps, il parait difficile de concilier ce diagnostic avec celui d'un TSA, même si on peut noter quelques similitudes. Les femmes avec un trouble de la personnalité limite se caractérisent par l'instabilité chronique de leur vie émotionnelle et comportementale. Elles n'ont pas une image de soi claire et cohérente, ressentent un sentiment de vide chronique, ont peur du rejet et de l'abandon, et manifestent un tempérament colérique, avec des crises de colère intenses. Une variable qui pourrait peut-être distinguer les femmes avec TSA de celles qui ont une personnalité borderline serait l'impulsivité, beaucoup plus présente chez les personnes qui ont un trouble de la personnalité limite. Des résultats à des études cliniques montrent aussi que le fonctionnement global est plus faible chez les femmes autistes, et qu'elles sont moins susceptibles de consommer des drogues que par celles qui sont borderline.

Une autre conclusion porte sur le taux de préférence homosexuelle plus élevé chez les femmes avec TSA que dans la population générale (ce qui n'est pas le cas chez les hommes), tout comme celui de la dysphorie de genre (femmes qui estiment qu'elles sont de sexe masculin). C'est probablement une des raisons pour lesquelles ces femmes, surexposées aux stéréotypes sociaux, doivent ainsi cacher leurs caractéristiques de TSA et simuler des caractéristiques normatives. Mais qu'arrive-t-il alors si ces femmes doivent imiter une femme ayant elle-même un trouble de la personnalité limite ? Poser un diagnostic de TSA à l'âge adulte, comme celui de trouble de la personnalité, est par conséquent une entreprise délicate et complexe.


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Le rôle de l'environnement

Le premier qui vient à l'esprit est l'absence de prise de conscience par l'entourage des particularités cliniques de la personne concernée, absence de prise de conscience elle-même liée non seulement à un manque d'information et/ou de sensibilisation sur ce qu'est l'autisme, mais également sur ce qu'est un développement « normal ». Quand l'intelligence est élevée, le fonctionnement, et en particulier celui qui concerne les résultats sociaux, est souvent de moindre qualité. Il semble donc qu'il serait peut-être plus pertinent dans la démarche diagnostique classique de prendre aussi en compte le niveau du fonctionnement social, plutôt que les seuls indices de l'intelligence générale. D'autre part, le diagnostic de TSA reste non seulement difficile d'accès mais aussi difficile à poser. La symptomatologie du TSA s'est en effet modifiée avec l'avancée en âge et l'on ne dispose pas à ce jour d'outils spécifiques. De plus, au trouble lui-même sont souvent associés d'autres troubles psychopathologiques comme des troubles de la personnalité. Enfin, l'importance des répercussions qu'un diagnostic tardif peut avoir sur l'écosystème du sujet et sur son évolution nécessite aussi qu'on s'efforce de les anticiper et de les apprécier soigneusement. Car, ces diagnostics tardifs ont des coûts sociaux très lourds. Des études menées aux Etats-Unis et au Royaume-Uni estiment que les coûts financiers pour un adulte avec TSA (sans prise en compte de la perte de productivité) sont environ quatre fois ceux pour un enfant. Ces adultes sont en effet considérés comme nécessitant le plus grand investissement financier, parmi toutes les populations ayant des besoins particuliers.

Le diagnostic permet de mieux se connaître, de prendre conscience de certaines limites qui conduisent à un épuisement physique et moral. Beaucoup d'enfants Aspies, avant les années 2000, étaient en situation de sous-handicap et souffraient en silence. Aujourd'hui, le sur-handicap pourrait défavoriser l'inclusion sociale des enfants autistes les plus légers. Cette réflexion reste un sujet à traiter à part entière.

Et vous ?

- A quel âge avez-vous reçu votre diagnostic de TSA ? Qu'avez-vous attendu de cette révélation (bienveillance, connaissance, soutien) ? - Quels ont été les effets de cette révélation (effets positifs et négatifs) ?

- Comment fonctionniez-vous avant le diagnostic ?

- Qu'est-ce qui finalement vous faisait défaut, qu'est-ce qui vous en coûtait ?



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