top of page

Autisme : la compréhension sociale

Dernière mise à jour : 15 janv.


A partir de la compréhension sociale que nous acquérons au cours de notre vie, nous sommes en mesure de dire que la compréhension du point de vue des autres, à savoir le fait de regarder au-delà de soi-même et d'entrer dans l'univers intérieur d'autrui, est l'aspect le plus important du fonctionnement qui détermine le degré de réussite sociale qu'un enfant ou un adulte autiste doit atteindre. Ce faisant, nous apprenons que ce que nous faisons affecte les autres, de manière positive ou négative.


Cela nous permet d'envisager nos pensées par rapport aux informations que nous traitons au sujet d'une situation sociale donnée et ainsi de mettre au point une réaction qui puisse contribuer à l'expérience sociale et non lui nuire. Cette bonne compréhension va permettre à l'enfant ou à l'adulte d'accepter différents points de vue et d'y réagir, d'être capable de faire le lien et de s'attacher aux autres et de réaliser à quel point l'apprentissage des habiletés sociales est crucial.


Appréhender autrui

La compréhension du point de vue des autres est étroitement liée à la pensée flexible. Elle permet d'avoir des interactions sociales fructueuses qui, à leur tour, favorisent une bonne estime de soi. Elle peut également constituer une source de motivation, surtout chez les enfants qui sont des adultes en devenir et pour lesquels la nature et la qualité de l'interaction sociale sont amenées à évoluer. Il me semble que les caractéristiques pour mieux appréhender les autres sont  :

  • Reconnaître la présence attentionnée d'une autre personne

  • Reconnaître l'individualité d'une autre personne

  • Reconnaître qu'une autre personne a ses propres émotions

  • Reconnaître qu'une autre personne a des désirs et des motivations qui lui sont propres et réagir en conséquence

  • Reconnaître qu'une autre personne a sa propre personnalité

  • Avoir le désir profond d'en savoir davantage sur les intérêts et l'histoire personnelle d'autrui

  • Se souvenir d'une personne et utiliser ce que l'on sait d'elle pour faciliter et entretenir des relations interpersonnelles et pour se constituer une base solide permettant de mieux comprendre ses actions éventuelles

  • Savoir trouver les mots qui permettent de se renseigner sur les intérêts d'autrui

  • Comprendre les conventions sociales propres à des environnements bien spécifiques

  • Comprendre les conventions sociales qui concernent des contextes sociaux particuliers

  • Rester attentif aux états internes changeants de la personne avec laquelle on communique en la regardant dans les yeux.


Néanmoins, pour qu'un individu autiste parvienne à appréhender les autres et à assimiler les règles plus ou moins précises des relations sociales, il lui faut comprendre la nature catégorielle des émotions. Il existe une palette d'émotions qui peuvent être exprimées à des degrés divers. Cela fait appel à un processus mental qui requiert, en plus de la pensée flexible, une certaine faculté à adopter le point de vue d'autrui, à admettre que toutes les personnes ne partagent pas les mêmes valeurs en fonction des normes personnelles, familiales, culturelles et sociales qui sont les leurs. Le manque de perspectives et d'expériences sociales prive la personne autiste d'un cadre de référence sans lequel elle ne peut comprendre les émotions.


Pour les neurotypiques, le domaine des émotions est un joli tableau riche en détails et en couleurs qu'ils portent en eux. Pour un enfant autiste, la toile sera brute, sans la moindre trace de peinture. Ces enfants ont du mal à reconnaître, à exprimer et à contrôler leurs propres émotions. Leurs émotions peuvent être très fortes ou inexistantes. Certains individus manifestent peu d'émotions. Les réponses émotionnelles de ces enfants peuvent paraître complexes et variées aux yeux d'un observateur non averti. Compte tenu de l'aspect instable de leurs émotions, certains enfants hésitent à prendre part à des situations dans lesquelles elles pourraient jaillir sans crier gare ou au cours desquelles des évènements imprévisibles pourraient survenir et ainsi leur faire perdre le contrôle. Si l'on ajoute à cela les débordements émotionnels disproportionnés, autant dire que les émotions font figure de monstre effroyable aux yeux de tous ces enfants qui sont incapables de les contrôler.


Pour comprendre les règles non écrites des relations sociales, il faut être en mesure de mélanger le blanc et le noir afin d'obtenir des nuances de gris et s'intéresser un tant soit peu aux autres couleurs vives dont notre monde est fait. Pas étonnant qu'une palette aussi réduite d'émotions, qui peuvent se manifester quand bon leur semble selon le principe du tout ou rien et inhiber plus que favoriser les relations personnelles, ne soit pas très stimulante pour un individu autiste. Quel intérêt y a-t-il à fournir tant d'efforts pour acquérir des compétences sociales et apprendre à établir des liens affectifs si, suite à cela, on se sent plus mal encore ?


Malgré une sensibilisation croissante aux caractéristiques des troubles du spectre autistique (TSA), les spécialistes en savent vraiment peu sur la complexité du cerveau autiste. Comme moi, d'autres adultes autistes Aspies s'expriment de plus en plus dans le but de révéler leur expérience personnelle. La question est de savoir si les parents et les professionnels sont prêts à écouter (mais à écouter vraiment) sans jugement ni idées préconçues.


Acquérir de l'expérience sociale (mon témoignage)

L'un des éléments clés permettant de vivre au sein de la société est de privilégier les contacts avec le monde extérieur pour acquérir de l'expérience. Cela signifie qu'il ne faut pas avoir peur de prendre des risques et de se tromper. C'est quelque chose qu'il convient d'accepter. Il faut absolument se faire violence, même si cela peut provoquer une certaine angoisse. J'ai accompagné un jeune homme autiste qui passait le plus clair de son temps sur Internet, enfermé dans sa chambre. Il était persuadé qu'il pourrait y puiser suffisamment d'informations pour que ses activités cognitives soient les mêmes que si elles étaient motivées et conditionnées par une insertion sociale particulière. Il ne comprenait pas à quel point il était important qu'il sorte de son isolement qu'il parte à la découverte du monde extérieur et qu'en aucun cas Internet ne pouvait remplacer l'interaction en face à face.


J'ai commencé à travailler à 18 ans et je dois dire que mon environnement professionnel m'a permis d'apprendre davantage sur les relations sociales. J'ai eu l'occasion, à maintes reprises, de prendre part à des réunions et de côtoyer toutes sortes de personnes, ce qui m'a permis d'assimiler de bonnes compétences sociales. La plupart des adultes confrontés à des difficultés semblables aux miennes n'ont pas la chance de pouvoir acquérir ce type d'expérience. Ceci peut s'expliquer par le peu d'intérêt qu'ils portent aux habiletés sociales ou encore par la peur qu'ils ressentent à l'idée de se confronter à de telles situations, ce qui les conduit à se couper du monde. Or, pour être à l'aise au sein de la société, il convient d'avoir suffisamment d'informations de sorte que, lorsqu'on surfe sur « l'Internet de notre cerveau », il soit possible de résoudre un problème et d'apporter une solution adaptée. Il faut accumuler un nombre considérable de données pour espérer pouvoir mieux comprendre les relations sociales. Evidemment, j'ai fait des erreurs quand j'occupais divers emplois, mais je n'ai pas été renvoyée pour autant tant elles étaient mineures. Même si j'avais parfois du mal à contrôler mes émotions, j'avais un schéma de pensée suffisamment flexible pour pouvoir faire la différence entre les erreurs sans gravité et celles qui étaient plus importantes. Mais j'ai surtout réussi à conserver mon emploi grâce aux compétences sociales essentielles que j'avais acquises et sans lesquelles je ne m'en serais pas sortie. Je savais être polie et faire la conversation. J'avais de bonnes manières et j'étais capable de suivre des directives tout en accomplissant un travail soigné (même pour des travaux insignifiants). Tout cela représentait un atout majeur. Ainsi, on tolérait mes erreurs parce que mes compétences sociales et professionnelles étaient convenables. De plus, ils voyaient bien que j'étais assez intelligente pour apprendre très vite et que je refaisais rarement la même erreur.


Je me suis habituée aux changements dans ma vie de tous les jours et j'ai pu constater que je m'en sortais très bien lorsque mes habitudes étaient bouleversées. Sans cela, mon mode de pensée rigide l'aurait emporté. C'est une règle non écrite des relations sociales et de la vie en général : le changement est inéluctable ! De plus, je me suis familiarisée progressivement avec le langage du corps et les indices fournis par les expressions faciales des autres, leur timbre de la voix et leurs gestes. Il était essentiel, pour que je les comprenne, que toutes ces données s'intègrent à mon mode de pensée logique.


Il existe plusieurs dizaines de règles tacites non écrites se rapportant à l'apparence physique, aux manies, au langage, au sujet de conversation, aux actions, etc., en fonction du contexte (privé ou public) qu'il convient d'apprendre aux enfants et aux adultes autistes. Certains livres, ainsi que d'autres ressources, tentent d'énumérer ces règles et peuvent vous aider à les leur enseigner de manière à ce que la flexibilité mentale et la pensée catégorique deviennent pour eux une seconde nature.


Pour terminer

Si l'acquisition de compétences et l'estime de soi ne constituent pas une priorité, il n'y a aucune chance que les personnes autistes se sentent à l'aise lors de l'apprentissage des codes sociaux. Très vite, les enfants se laissent envahir par la peur et l'angoisse à l'idée de s'aventurer hors de leur univers et finissent par s'opposer à la moindre interaction sociale. Souvenez-vous que pour beaucoup d'enfants autistes, la moindre erreur prend vite des proportions démesurées. Ainsi, ils se sentiront très mal suite à une erreur, même minime. Commencez par favoriser une bonne estime de soi dans un environnement positif et salutaire. Ces fondations vont leur permettre par la suite de traverser les moments difficiles où les règles des relations sociales deviennent bien plus compliquées à déchiffrer et à comprendre.


Le talent à lui seul ne suffit pas. Même s'il est préférable de ne jamais essayer de forcer un Aspie à avoir une vie sociale trépidante, la maîtrise des habiletés élémentaires telles que les bonnes manières et la politesse est essentielle. Cela fera l'objet d'un autre article, le mois prochain.


NB : par manque de disponibilité pour rechercher des outils pratiques, je ne suis pas en mesure de vous en proposer. Si vous en avez relatif à ce sujet, n'hésitez pas à nous les faire partager via l'espace "commentaires" situé en bas de page.

Posts à l'affiche
Posts Récents
Archives
Rechercher par Tags
Retrouvez-nous
  • Facebook Basic Square
  • Twitter Basic Square
  • Google+ Basic Square
bottom of page