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Les émotions et les troubles autistiques

Dernière mise à jour : 7 nov. 2021


Les personnes autistes seraient sans émotions et/ou ne les manifesteraient pas de manière « conventionnelles ». Personnellement, hypersensible, je suis submergée d’émotions. Néanmoins, longtemps, je me suis coupée de mes émotions afin de tenter l’adaptation d’un monde pas fait pour moi : le monde des neurotypiques ; avec pour conséquence une déconnexion totale de moi-même ! Caméléon et spectatrice de ma propre vie (à ne plus savoir qui j'étais, ce que j’aimais, ce que je voulais, où je voulais aller), je m'étais transformée en « robot sur pilote automatique ». De plus, mon corps s'était refermé et ma respiration s'était bloquée jusqu'à aller à de nombreuses crises d'angoisses qui me coupaient de mon énergie vitale, créant déséquilibres et douleurs physiques chroniques. Avec le repos suffisant et le recul nécessaire de ces dernières années, je me suis aperçue de l'absence de confiance en mon corps et du manque d'écoute de celui-ci.


L'émotion et la raison

Une émotion apparaît dès qu'un événement revêt une signification particulière à nos yeux. Ses origines principales proviennent de causes internes et/ou environnementales. Elles émanent à la fois de nos pensées, de nos sensations physiques, de nos comportements, mais aussi des expériences passées et des événements présents. Derrière l'émotion se cache l'expression d'un besoin. La peur exprime par exemple un besoin de sécurité, la colère un besoin de respect et de considération, la tristesse un besoin de réconfort et la joie un besoin de partage. Surtout ne les réprimons pas en essayant de les gérer, c’est-à-dire en les minimisant ou en les niant, mais prenons le temps de les accueillir et de les écouter. Ne nous forçons pas non plus à être dans l’instant présent pour oublier trop vite nos difficultés ou nos souffrances, au lieu de prendre le temps de vraiment les soigner.


Avec une enfance difficile (trop différente pour être comprise par mes proches), je m'étais construite dans de fausses croyances qui m'ont amenée à être dans le déni de mes émotions avec une opposition entre le corps et l'esprit. Mes émotions étaient vécues comme une menace qui appelait la colère et à être souvent en lutte contre les autres ou envers moi-même. En mode « pilote automatique », sans plus de sérénité ou de contrôle, j'avais perdu tout recul, toute lucidité. C'est l'impulsion et l'explosivité qui guident nos actes, au dépend de la raison. Depuis mon arrêt maladie, je me sens hypersensible et plus vulnérable avec moins de barrières. La carapace se fissure. Aujourd’hui, je prends possession de mes émotions grâce à un processus de développement, de motivation, de décision, de créativité. D'ennemies, les émotions deviendront petit à petit des ressources et des alliées. Ainsi, les ressentir, les éprouver, les exprimer autrement que négativement, les réguler est preuve du développement de la résilience émotionnelle.

Exploser, réprimer ou stocker nos émotions empêche d'avancer, d'initier les changements nécessaires à la satisfaction des besoins, des buts ou des valeurs bafoués. C'est au fond le message positif des émotions négatives, pointer l'insatisfaction et ouvrir la conscience sur ce qu'il y a lieu de changer, pour plus de cohérence, de sens, d'équilibre et d'épanouissement... Pour de meilleures relations aussi. A la rétention et à l'hyper-contrôle, il est donc préférable de privilégier l'accueil, l'ouverture, l'expression juste, équilibrée et partagée. Car être à l'écoute de soi, accueillir et décoder son état émotionnel, permet aussi une meilleure ouverture, écoute et compréhension de l'autre.


Aussi, je vous propose d'agir en trois temps :

- Acquérir une bonne culture émotionnelle (connaître les émotions, leurs rôles, les nommer)

- Etre connecté à ses émotions (connexion à ses émotions, les comprendre, dialoguer avec elles)

- Se construire une créativité émotionnelle (ne plus subir ses émotions, générer des émotions positives pour se mettre en action et adoucir sa vie).

Chacun de ces temps se construit l'un après l'autre. Même les neurotypiques le font, surtout lorsqu'ils sortent d'un trauma, d'un burnout ou d'une dépression. Peut-être suis-je sur le point de m’approcher d’une certaine forme de neurotypisme ?


Acquérir une culture émotionnelle

Les émotions sont omniprésentes dans notre vie quotidienne. Elles touchent nos sphères privée, amicale, sociale, professionnelle, sportive, spirituelle ou artistique. Connaître le rôle des émotions de base permet d'identifier ses besoins, comprendre l'intérêt de faire part de ses besoins pour améliorer la communication interpersonnelle ou comportementale. Nous avons vu le mois dernier les six émotions de base : Joie, Tristesse, Peur, Colère, Dégoût, Surprise. Que ces émotions sont des messagers, elles ont un déclencheur, une fonction (elles servent à quelque chose) et un comportement souvent associé. Chacune de nos émotions est une réponse à un besoin.


Les particularités émotionnelles liées aux interactions sociales sont mentionnées dans les descriptions cliniques de l'autisme. Nous sommes souvent coupés de nos propres émotions, trop préoccupés à contrôler nos hyper et/ou hypo-sensorialités aux stimuli de l'environnement. Nos manques d'émotion cachent des particularités de manifestation et de régulation émotionnelle comme les stimmings. Et nos excès d'émotion déclenchent des mécanismes de contrôle compensatoires comme des crises d'angoisse ou des accès de colère. Nous avons aussi du mal à reconnaître les intentions chez les autres, ce qui amène à développer de l'anxiété sociale, une comorbidité importante de l'autisme. La peur qui caractérise l'anxiété sociale est dirigée vers les situations qui impliquent la présence ou le regard d'autrui et a donc des chances d'impliquer des émotions négatives telles que l'embarras, la honte ou la culpabilité.


Les différentes vignettes diffusées le mois dernier sur Twitter, vous ont permis (je l'espère) de mieux nommer l'émotion qui se manifeste dans votre corps (réactions physiologiques) et dans vos pensées (réactions psychologiques), d'identifier les situations qui impactent vos réactions et votre anxiété sociale. En prendre conscience permet d'avoir davantage de prise sur elles pour trouver des stratégies de régulation. Pour apprendre à identifier et à comprendre les émotions d'une manière simple et efficace, je me sers de la « Méthode RULER » mise au point par l'équipe du professeur Brackett, chercheur à l'Université de Yale. En d'autres termes : reconnaître, comprendre, étiqueter, exprimer et réguler les émotions. Vous trouverez une présentation de cette méthode en annexe.

Etre connecté à ses émotions

Bien que courantes et usuelles, les émotions ont longtemps pâti d'une conception dualiste et cartésienne qui opposait le corps et l'esprit, l'émotion et la raison. Cette croyance, en une influence néfaste des émotions, persiste encore aujourd'hui. Il n'y a qu'à observer le vocabulaire qui leur est associé : parce qu'elles submergent, menacent et envahissent, il faut « prendre sur soi », « être fort.e », « ne pas se montrer trop sensible, trop faible ou trop fragile » ; il faut « se dominer », « combattre » ses émotions, les « dompter », les « contrôler », les « maîtriser », … Dit comme tel, les émotions évoquent l'idée d'une menace qui appelle à la lutte, au combat, au comportement guerrier. Fort heureusement, les connaissances ont évolué. Les recherches en psychologie, en sciences cognitives et en neurosciences apportent désormais la preuve de la place des émotions dans le processus d'apprentissage, de raisonnement, de motivation de mémorisation, de décisions, de créativité, de performance individuelle ou collective.

Se reconnecter à soi-même, s'éprouver, ressentir, exprimer, partager... C'est le nouveau voyage que j'ai entrepris depuis quelques mois avec l'aide d'un coach afin de remobiliser mes ressources intérieures, suite à plusieurs burnout professionnels qui ont conduit à une dépression majeure et persistante. Que s'est-il passé pour que ma vie professionnelle bascule en arrêts maladie ? Pour répondre à cette question, sous-pression constante, je me suis petit à petit fermée à mes ressentis émotionnels et physiques. De plus, j'ai subi une réorientation professionnelle sans possibilité d'obtenir une formation ou un accompagnement adéquat. L'environnement professionnel, peu sensibilisé à la neurodiversité, est resté dans ses préjugés négatifs sur l'autisme, ne voyant que des difficultés comportementales au détriment des réussites professionnelles.


En entreprise, s'il est de bon ton d'exprimer de la joie, la colère, la tristesse ou l'anxiété sont vues comme des faiblesses. A force de faire profil bas et d'encaisser, je me suis coupée des émotions les plus élémentaires. Or, l'émotion c'est l'énergie. Lorsque la cuirasse devient trop épaisse, on finit par ressentir que son mécontentement, que sa colère... jusqu'au jour où elle explose. Pour moi, les problèmes de santé mentale tels que la dépression, les burnout, l'anxiété grandissante dans la population, sont indirectement liés aux injustices sociales, à la précarité, et à notre modèle économique de plus en plus compétitif.

C'est pour ça que pour moi, l'approche aidante doit aussi passer par des discours type : « Tu as le droit de prendre du temps pour toi, de te reposer, de penser à toi, d'apprendre à connaître tes propres limites souvent imposées par les autres ». Prendre du temps pour soi devient presque un acte militant dans une époque qui promeut la performance et le dépassement de soi. Le rétablissement passe par un renversement de ces valeurs : c'est apprendre et accepter de vivre avec ses vulnérabilités personnelles, sans chercher à les effacer, trouver ce dont on a besoin au quotidien, et surtout prendre le temps d'avancer, de se tromper, mais apprendre de ces erreurs, se réjouir des choses qui nous font du bien, gagner des savoirs petit à petit.

Se construire une créativité émotionnelle

Aujourd'hui, j'apprends à mieux écouter ce que je ressens et à décrypter ce que cachent mes émotions. Ce premier pas consiste à se donner la permission de tout ressentir, sans jugement, sans honte. Car les émotions ne sont ni bonnes ni mauvaises, elles sont, simplement. Les techniques méditatives liées à la respiration sont une bonne aide. Lorsque vous vous sentez submergé.e, respirez plus lentement, et concentrez-vous sur vos expirations. Cette technique a deux aspects positifs. Sur le plan psychologique, elle vous aide à focaliser sur autre chose que le ressenti du moment. Sur le plan physiologique, elle régule l'accélération cardiaque qui accompagne une trop vive émotion, et envoie à votre corps un stimulus positif.

Mais aussi, en vous appuyant sur votre sensibilité, votre compréhension du fonctionnement émotionnel des autres vous permettra de communiquer et d'établir des relations de façon plus complète et solide qu'avec votre seule raison. Il s'agit d'écouter l'autre en essayant de comprendre ce qu'il ressent. Tout le monde ne dispose pas de cette aptitude à capter les émotions qui émanent de l'autre mais l'écoute active peut néanmoins se travailler. Il faut écouter l'autre en se dégageant de ses propres idées, sentiments et perceptions. Utilisez la communication non verbale pour être en phase avec votre interlocuteur. Le regard et la gestuelle peuvent en dire long sur votre degré d'écoute. Calez-vous sur le mode d'expression utilisé par la personne afin de créer une harmonie. Ce peut être des gestes, des positions, une façon de parler, des expressions du visage... En arborant les mêmes, vous lui montrez que vous êtes synchrone.

La communication non violente (CNV) est une technique qui permet de se connecter à l'autre pour ensuite chercher ensemble un moyen de satisfaire les besoins de chacun. Imaginons que vous arriviez à saturation parce que vous avez beaucoup trop de choses à gérer. Le premier réflexe est souvent de crier votre impuissance : « c'est toujours moi qui doit tout faire ici ! ». Vous n'obtiendrez généralement qu'un démenti de la part de l'autre. En CNV, vous pouvez dire : « je remarque que j'ai une semaine extrêmement chargée (observation), je suis irrité.e (sentiment) parce que j'aimerai plus de collaboration (besoin). Qu'en penses-tu ? » (question) ou « puis-je te confier une tâche ? » (demande). Cette formulation ne garantit pas une réaction immédiate, mais cela créer davantage de connexion qu'un cri d'exaspération, et l'autre se sentira nettement moins agressé, puisque vous parlez de vous et non de lui. Cet art consiste donc à ne pas réagir en pilote automatique, mais à prendre conscience de ce pilote à le désactiver, tout en identifiant le besoin que dissimule votre reproche. La CNV fonctionne également lorsque quelqu'un vous adresse une critique. Au lieu de passer sur le mode défensif, vous pouvez essayer de chercher le lien. Prenez également garde à ne pas vous laisser déstabiliser émotionnellement par ceux qui vous entourent. Le risque de trop d'empathie : devenir perméable aux émotions des autres et absorber, comme un buvard, leurs maux.


Inégaux dans la manifestation des émotions

Nous sommes tous inégaux devant des réactions à forte charge émotionnelle. Certains restent très calmes, d’autres sont constamment submergés par les émotions, ou d’autres encore restent coincés dans un état de colère constant. Cette différence vient de notre conditionnement en tant qu’individus depuis notre plus tendre enfance. Nos expériences, notre rapport aux autres, l’éducation reçue de nos parents et d’autres variables encore comme le fait d'être autiste.

Pour arriver à réguler ses émotions, il faut donc déjà déceler ce qui nous rend ainsi. Quel type de situation nous rend si esclave de nos émotions : les hypersensorialités ? les rapports aux autres ? les problèmes somatiques ? Cherchez là où vous vous sentez le plus envahi et mettez en place une stratégie. Plusieurs techniques sont possibles.



Durant ce mois d'octobre, je vous ai proposé sur Twitter https://twitter.com/Potiniere_Krys des outils concrets et des astuces faciles à mettre en œuvre dont la méthode RULER ci-après. Retrouvez ces astuces, sous forme de vignettes, parce que les émotions ont un tel impacts sur notre vie qu'il est crucial de les connaître et de les comprendre. Nous pourrons ainsi les utiliser à notre profit au lieu de les subir à nos dépends.


Mieux comprendre l'autisme : Les troubles de la permanence émotionnelle, par Alistair : https://youtu.be/PhYsBMz25e4

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