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La communication sociale et les TSA


Chacun est comme il est, et cela ne fait que refléter la diversité de la nature humaine. Le fait d'être mal à l'aise avec les autres n'est pas une maladie en soi. Il n'y a pas de honte à préférer le calme et la solitude à la foule. Si certains sont en effet doués pour paraître en public et apprécient la scène sociale, d'autres préfèrent consacrer du temps à leurs centres d'intérêt. La question est de savoir si cette fuite des relations sociales génère des problèmes ou du stress dans la vie quotidienne. Est-ce que c'est un frein au développement harmonieux et à l'épanouissement de sa personnalité ? Parfois, la réponse est oui. Il est alors intéressant de s'y arrêter un instant et de consacrer quelques instants que nous prenons rarement pour réfléchir sur soi et prendre conscience de notre mode de fonctionnement : qui suis-je ? Quels sont mes objectifs, mes buts profonds dans l'existence ? Comment y parvenir ? Quelle est la personne que j'aimerais devenir ? Tous, autistes ou pas, nous raisonnons en termes d'estime de soi.

Une fois définie la personne que nous voudrions être et la vie que nous aimerions avoir, la question suivante est simple : que faudrait-il mettre en oeuvre ou changer pour y parvenir ? Et c'est précisément la partie la plus intéressante, celle qui force à se mettre à nu, à regarder ses propres mécanismes de fonctionnement pour réussir à identifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Il s'agit de gagner en confiance en soi, d'avoir des relations plus harmonieuses avec ses proches, de créer un meilleur environnement de vie, ... Alors comment aider les personnes avec TSA à s'épanouir, à développer leur intelligence sociale pour qu'elles puissent exprimer toutes leurs potentialités, être reconnues, et ainsi, améliorer leur estime d'elle-même ?

Les habiletés sociales, une arme à double tranchant

Pour vivre en société, un minimum d'habiletés sociales est nécessaire. Aujourd'hui, ce sont nos habiletés sociales qui sont les garantes de notre sécurité, de notre aptitude à trouver notre place, à obtenir la reconnaissance sociale, à gravir les échelons d'une carrière (dans le monde de l'entreprise ne pas avoir un minimum « la tchatche » sera un handicap en termes d'évolution de carrière et aurait un impact sur les revenus et la capacité à assurer le support financier de sa famille).

Toutes ces habiletés sociales s'apprennent. Oui, mais à force de temps et d'efforts, les personnes autistes deviennent des « caméléons sociaux ». Elles portent un masque qui leur permet de faire semblant, de jouer la comédie sociale, sans en percevoir l'intérêt réel, mais elles y sont obligées au quotidien. Leur grande intelligence les aide à compenser leur manque d'intuition sociale, mais quand ces personnes sont fatiguées ou stressées, les difficultés resurgissent : elles sont mal à l'aise, font des faux pas sociaux, sentent le regard intrigué ou moqueur des autres, se sentent finalement différentes. Comme des extraterrestres sur une autre planète : les autres sont une énigme, et elles sont une énigme pour les autres. En conséquence de quoi elles doivent se camoufler, adopter les mêmes comportements, les mêmes façons d'être, au point de ne plus savoir qui elles sont vraiment et ainsi de développer des problèmes de santé mentale.

Je pense qu'il faudrait tout d'abord commencer par faire participer les personnes autistes à des groupes d'affirmation de soi (Cf. Affirmation de soi, pour mieux vivre avec soi-même et avec les autres), pour qu'elles apprennent à identifier les émotions de leur interlocuteur et à ajuster leur discours à ce que l'autre exprime car ce que provoquent leurs paroles chez l'autre leur échappe. Or cette boucle de communication est indispensable pour maintenir une conversation et les liens avec les interlocuteurs. Ainsi, si l'interprétation est erronée, la réaction le sera également. Nombreux sont les proches du caméléon social qui imaginent qu'il est insolent, impoli, insoumis, que ce caméléon a donc un problème de comportement. Alors qu'il ne le fait pas exprès, il ne comprend tout simplement pas toutes ces conventions sociales qui lui apparaissent souvent inutiles, ridicules, illogiques et absconses. S'il ne pratique pas bien le langage social, ce n'est pas par crainte de faire des erreurs, c'est tout simplement que cette langue lui est inconnue. Il a beau être intelligent et sensible, il ne comprend tout simplement pas pourquoi les autres se comportent comme ils le font. Le langage social est d'une complexité inouïe : il varie en fonction des personnes et des contextes, il doit tenir compte d'une grammaire flexible et changeante dans laquelle les règles sont à géométrie variable. Ces règles sont même fréquemment transgressées avec le mensonge, la manipulation, la tromperie et la duplicité. Et le caméléon social ne sait pas faire ça : toujours honnête et droit, il se refuse à toute concession, au risque de blesser. Pour lui, les règles sont les règles, on doit les respecter en toutes circonstances. Ne pas dire les choses telles qu'elles sont dans son esprit lui semble être une marque de duplicité et il dit donc les choses telles quelles, de façon brutale parfois, sans même se rendre compte qu'il peut faire des gaffes.


Si vous vous affirmez, vous aurez l'impression d'être vous-même, sans mépriser les autres. Vous serez content de vous parce que vous aurez eu le courage de dire aux autres ce que vous pensez, parce que vous aurez exprimé vos besoins. Cela vous rendra plus calme, plus confiant. Cela vous permettra également de prendre une certaine distance par rapport aux événements, d'être moins sous pression, laissant s'en aller tout le cortège des troubles anxieux associés.


Outils :

- Entretien avec un Aspie : la stratégie du "caméléon social" : https://youtu.be/FwPNqz8fUIQ

- Comment interagir avec un autiste, la communication et les interactions sociales : https://comprendrelautisme.com/le-fonctionnement/la-communication-et-les-interactions-sociales/

- Thérapie d'affirmation de soi (TAS) en TCC (concept et tutos sur YouTube) :

- « Autistes asperger : affirmez-vous ! Imposez vos limites » https://youtu.be/Sh7_6164mtE

Les spécificités féminines, mal prises en compte

On observe fréquemment cette tendance « caméléon social » chez les femmes ayant des traits du spectre autistique, qui, plus souvent que leurs alter ego masculins, se donnent beaucoup de mal pour tenter de compenser leurs difficultés via un apprentissage intensif, notamment durant l'adolescence, qui passe par l'observation et l'imitation des comportements sociaux, qu'elles recopient même lorsque ces dernières leur paraissent désespérément superficielles. Ces autodidactes de la communication sociale passent souvent au travers des mailles du filet du diagnostic car elles ont développé de telles aptitudes que même les spécialistes de l'autisme ne les reconnaissent pas : souriantes, parfaitement apprêtées et maquillées, le regard franc qui n'évite pas celui de leur interlocuteur, elles sont tout à fait capables de donner le change... durant un certain temps. Car cela se fait au prix d'une grande lassitude et avec le sentiment désagréable d'usurper un rôle.

Dans son ouvrage "Comprendre les personnes autistes de haut niveau" (Dunod, 2019), Peter Vermeulen écrit à ce sujet : « La richesse de leur vocabulaire, leurs excellentes performances dans des domaines bien spécifiques, leur promptitude à engager la conversation, leur fantaisie trompent. Car derrière la façade d'une connaissance quasi encyclopédique et une éloquence charmante se trouve un individu en souffrance pour qui le monde est un spectacle désordonné et incompréhensible. » De surcroît, le fait de passer inaperçues, y compris aux yeux du corps médical, est une arme qui se retourne contre elles puisque, leur handicap étant de fait quasi invisible, on ne leur reconnaît pas les droits qu'ont les personnes autistes (en particulier en termes d'aménagement de la scolarité ou du poste de travail) et quand, au bord du point de rupture, épuisées par un travail trop sollicitant socialement, par des études inappropriées ou bien par l'incompréhension de leur entourage qui interprète leurs difficultés comme des caprices bizarres, elles consultent, les diagnostics émis sont fréquemment erronés (Cf. Autisme au féminin).

Elles peuvent alors pendant très longtemps donner l'illusion d'être bien intégrées socialement, mais ces sur-adaptations ont un coût énergétique particulièrement important pour elles. Il n'est pas rare que ces personnes souffrent de dépression ou même d'anorexie. Elles sont souvent diagnostiquées très tardivement au moment où d'autres troubles apparaissent. Elles sont souvent victimes de personnes malveillantes qui usent et abusent de leur vulnérabilité (tels les pervers narcissiques), que ce soit dans leurs relations amicales, professionnelles ou amoureuses.


Outils :

- Comprendre l'autisme : les spécificités des femmes autistes https://youtu.be/QmSWP73MgDk

- Pistes d'accompagnement qui concernent directement les femmes autistes : https://chrystelepotiniere.wixsite.com/web-cv/single-post/l-autisme-au-feminin-un-phenotype-feminin

Les Meltdown et Shutdown, provoqués par les relations sociales

Ces stratégies de caméléon social sont extrêmement coûteuses en énergie et, si elles permettent la plupart du temps de se sociabiliser, elles ont pour conséquence un prix à payer considérable en termes de fatigue et de stress. Cet épuisement génère des shutdown et des meltdown.

Le shutdown est une sorte d'implosion sensorielle et émotionnelle interne qui conduit à une déconnexion du monde extérieur avec mutisme (équivalant à une sorte de plantage du système en informatique). La cause en est souvent un stress social combiné à une surcharge sensorielle. Les autistes, nous l'avons vu, ont une hypersensorialité (amplification majeure et parfois synesthésie, c'est-à-dire fusion des informations auditives, visuelles, du toucher mais aussi du goût et de l'odorat). Dans un environnement trop riche sensoriellement (par exemple une gare, une classe ou une cour d'école, ou une rue trop bruyante), toute sollicitation extérieure, toute contrainte sociale supplémentaire devient insupportable, et si l'entourage pousse à la communication, cela peut mener au meltdown (littéralement « fonte »). Le meltdown intervient après une situation de shutdown qui n'a pas été suivie d'un temps d'isolement et de ressourcement au calme. C'est un état de débordement émotionnel en situation de stress qui peut se manifester par des crises de colère, des larmes, de la violence parfois envers soi-même ou envers les autres.

La répétition d'épisodes de meltdown et de shutdown peuvent épuiser la personne. Chaque personne a une quantité d'énergie disponible qui lui est propre. Savoir repérer ses limites, c'est apprendre à se préserver. Les neurotypiques doivent apprendre à préserver ces limites pour soutenir leur proche ayant un TSA. La personne autiste, quant à elle, risque l'épuisement, et celui-ci conduit inévitablement à des états dépressifs. Tony Attwood, l'un des grands spécialistes internationaux du syndrome d'Asperger, explique que le fardeau des interactions sociales pour les Aspies est tel qu'il faut absolument permettre de compenser les heures de sociabilisation (à l'école, au travail, dans la famille, etc.) par autant d'heures au calme et de solitude. (Cf. Théorie des cuillères).


Les efforts de sociabilisation déployés quotidiennement ne sont pas sans effet sur la fatigabilité. Au-delà des codes sociaux en entreprise, la personne autiste doit également utiliser des codes sociaux qui dépassent le seul rapport de hiérarchie avec ses collègues. Par exemple, si elle accepte de venir (ne serait-ce une fois par jour) dans la salle de la machine à café (environnement sensoriel non adapté), ou se prêter au rituel d'écouter ses collègues raconter leurs vies personnelles. Lorsqu'elle rentre chez elle, son conjoint l'attend avec ses enfants. Celui-ci pense légitimement pouvoir échanger avec elle sur sa journée et a tendance à lui poser de multiples questions sur ce qui s'est passé, lui rapportant également sa propre journée. Néanmoins, il est impossible pour la personne autiste de répondre à l'attente de son conjoint. Celle-ci doit rapidement s'enfermer dans sa chambre pour se retrouver au calme et ne peut revenir à sa vie de famille qu'après une bonne heure et demie d'isolement. Cette contrainte induit une gêne importante au quotidien puisqu'elle ne parvient pas à s'occuper de sa famille le soir. Mais respecter ce temps de repos quotidien lui permet d'être plus disponible le week-end sans avoir à rattraper l'épuisement accumulé. C'est ce que nous essayons de faire comprendre lorsque notre collectif nantais donne des conseils aux parents ou aux conjoint(e)s de personnes ayant un TSA : le calme et l'isolement sont les meilleures thérapies des états de stress, et il faut absolument savoir respecter ces temps-là, quelle que soit l'envie ou la nécessité que l'on peut avoir de les solliciter, en particulier après une longue journée de travail ! (Cf. Fatigabilités et TSA).

Outils :

- Mieux comprendre l'autisme, les crises autistiques https://youtu.be/xVQuN3Oi634

- Bibliographie de Tony Attwood : https://www.babelio.com/auteur/Tony-Attwood/139407

- Guide de survie pour personne non autiste vivant avec une personne autiste (et vice-versa) par l'AFFA :


L'autisme, une belle idée humaniste

Il n'y a pas une bonne ou une mauvaise façon d'être, il n'y a pas de personnes utiles ou inutiles, supérieures ou inférieures à d'autres. Notre diversité mérite le respect et la compréhension. Les personnes autistes ont un énorme besoin de contrôler leur environnement, d'avoir un rythme de vie qui leur est propre. Leur imposer des relations sociales pour être dans la norme est un non sens. Certains comportements, qui peuvent paraître étranges aux yeux d'une personnes non autiste, servent en fait à réguler leurs états émotionnel et physique. Ces comportements atypiques s'expliquent parfaitement lorsque l'on envisage ces particularités dues à un mode de fonctionnement différent d'un neurotypique.


Si le spectre de l'autisme est bien une neurodiversité et non une maladie, cela implique que c'est à l'ensemble de la société de s'adapter à cette différence (et non l'inverse), au même titre que l'on ne cherche plus comme cela se faisait jusque dans les années 1990 à « guérir » l'homosexualité. Il me semble que le principal est de parler de l'autisme autrement que de manière négative, de contribuer à la déstigmatisation et d'ouvrir plus largement le débat auprès du grand public afin de rattraper le grand retard pris en France sur ce sujet.


Au fond, nous aspirons tous, neurotypiques et neuroatypiques, à la même chose : au bonheur, et nos aspirations individuelles (tendresse, attention, compréhension, amour, sécurité, connaissance, culture, tranquillité, besoin de reconnaissance, etc.) sont universelles et transcendent nos divergences neurocognitives et neurosensorielles.


Et vous ?

Comment vivez-vous vos relations et communications sociales ?

Prenez-vous quelques instants pour réfléchir sur vous-même et votre mode de fonctionnement ?


Tableau à compléter avec vos mode de fonctionnement

Au format WORD :




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