Autisme : les relations amicales et sociales

Les personnes autistes apprécient les moments de solitude. En effet, nous détestons que notre tranquillité soit gâchée par une conversation absurde et une activité sans importance. Mais en même temps, la plupart d'entre nous ont envie d'avoir de la compagnie et de s'amuser. C'est compliqué. Les personnes Aspies ont une réaction de lutte ou de fuite face à tout contact social.

Nous souhaitons être acceptés pour ce que nous sommes mais il est difficile d'être soi-même avec les autres quand on n'arrive pas à se détendre. En raison de notre myriade de problèmes sensoriels et sociaux, beaucoup d'entre nous se contentent des relations qu'elles ont avec leur partenaire et leurs enfants, simplement parce qu'ils les comprennent.

Les relations amicales

A cause des effondrements émotionnels, de la multitude de problèmes de communication et de troubles sensoriels que nous devons affronter chaque jour, il s'avère très difficile pour nous de cultiver des relations amicales et nous choisissons donc d'avancer en solo. Si l'on établit une comparaison entre les femmes Aspies et nos homologues masculins, les choses sont un peu différentes. Quand avez-vous entendu pour la dernière fois l'expression « loup solitaire » pour une femme ? Les femmes qui n'ont pas d'amis éveillent la suspicion et sont perçues comme bizarres (un peu comme ces vieilles femmes qui ont toute une ribambelle de chats pour seule compagnie). Alors qu'il est tout à fait plausible et acceptable pour un homme d'être un solitaire, les attentes envers les femmes sont toutes autres : elles se doivent d'être des individus sociaux capables d'organiser des soirées margarita avec leurs copines et d'avoir un téléphone portable greffé à l'oreille. En réalité, qu'elles le veuillent ou non, la plupart des femmes Aspies ont peu voire pas d'amis. Nos problèmes commencent généralement à l'école. Souvent les autres filles se moquent de nous en raison de notre style démodé et de nos manies à part ou inhabituelles. Une fois que vous avez été harcelée, cela vous donne un aperçu de la face la plus obscure de la nature humaine que les autres sont rarement amenés à voir, si ce n'est jamais. C'est quelque chose qui ne s'oublie pas, même si vous finissez par apprendre à vous entendre avec les autres et à voir leurs bons côtés. Ca peut vous empêcher de vous rapprocher vraiment des gens car vous en arrivez à croire que ce qui constitue la popularité n'est en rien une valeur profonde et durable. Si nous parvenons à trouver ceux qui vont prendre le temps d'apprendre à nous connaître, il est alors possible de cultiver une ou deux relations de qualité.

L'école et le lieu de travail représentent un vivier dans lequel se trouve peut-être, avec un peu de chance, quelqu'un avec qui le courant passe. Mais une fois sorties de l'école et surtout si nous ne travaillons pas, nous pouvons nous retrouver assez isolées. Il s'agit pour nous d'être inventives et de rechercher nos âmes soeurs si nous voulons des amis. Les intérêts électifs ainsi que les activités de groupe constituent une bonne piste à condition que nous ayons les moyens de sortir (beaucoup d'entre nous sont confrontées à une situation financière difficile tout au long de la vie). Mais nous sommes Aspies et il peut être difficile pour nous de nous lancer dans une conversation. Facebook, Twitter et d'autres outils d'internet peuvent nous être d'un grand secours pour cultiver ne serait-ce qu'un semblant de vie sociale. Ca ne coûte rien et vu qu'une grande majorité d'entre nous s'expriment mieux à l'écrit qu'au cours d'une conversation, il est possible d'avoir des relations plutôt sérieuses en ligne. Cela fait vraiment du bien de parler avec des gens qui nous comprennent et auxquels nous ne sommes pas constamment obligées d'expliquer nos comportements. Le revers de la médaille est le risque pour nous d'acquérir une mentalité de type « nous et eux ». Au lieu d'entretenir des relations humaines, beaucoup d'entre nous n'ouvrent notre coeur qu'à des animaux domestiques. Il est bien plus facile de s'entendre et de devenir ami avec des animaux qu'avec des humains. Ils sont honnêtes et tolérants. Leurs besoins et leurs exigences sont simples, compréhensibles et faciles à contenter. Avec eux, pas de jeux d'esprit, tout est authentique.

Nous avons des problèmes de mémoire à court terme, ce qui fait que nous pouvons fort bien être très en colère contre quelqu'un pendant un certain temps et presque littéralement oublier ce pour quoi nous étions si en colère quelque temps plus tard. Cela peut nous pousser à retourner encore et toujours vers la même amitié ou relation malsaine, avec les mêmes schémas comportementaux et les mêmes attentes, jusqu'à ce que quelque chose d'assez spectaculaire arrive et nous prive complètement de notre empathie, nous conduisant à fermer la porte pour toujours. Les médecins et les manuels de diagnostics nous disent que nous ne cultivons pas de « relations appropriées avec les autres » mais à la lumière de tout cela, c'est plutôt logique. Nous nous sentons et paraissons plus jeunes que nous ne le sommes en réalité et nous pouvons sembler moins mûres mais il n'est pas approprié que nous traînions avec des adolescents ou des enfants. Nous nous ennuyons et n'avons rien en commun avec les gens de notre âge. Nous avons donc tendance à rester à la maison. Une fois sorties du système éducatif, pour peu que nous soyons au chômage ou que nous n'occupions pas un emploi adapté, nos possibilités sont réduites et limitées et il nous est par conséquent difficile de nous faire des amis en quantité acceptable.

Comme moi, il y a des personnes Aspies en quête d'amitiés et qui n'en trouveront jamais aucune, quoi qu'elles fassent, et cela à cause seulement de leur différence. Je connais cette réalité qui blesse lorsque l'on avance en trébuchant, solitaire et séparée des autres. J'espère que, alors que la société continue de supprimer les frontières de la normalité, les frontières que tant de gens ne peuvent voir et tant de gens ne peuvent trouver, cette chose néfaste qui dérobe à l'épanouissement et la joie. Et alors, alors peut-être, le monde nous accueillera vraiment tous.

Outils

- Groupe Facebook "Au Café du Progrès", pour les personnes autistes : https://www.facebook.com/groups/564022690917301/learning_content

- Blog de Petite Loutre : https://leblogdepetiteloutre.com/about/

- Compensation autisme, la PCH pour la participation à la vie sociale : https://blogs.mediapart.fr/jean-vincot/blog/200422/prestation-de-compensation-du-handicap-nouveaux-droits-au-1012023

Les relations sociales

Il existe un débat, au sein de la communauté Asperger, si oui ou non les gens autistes sans déficience intellectuelle (TSA-SDI) doivent dire publiquement leurs difficultés et particularités. Ceux qui choisissent de faire de leur autisme une affaire privée, réussissent souvent à trouver des manières créatives de se frayer un chemin entre les normes sociales et les systèmes éducatifs qui encadrent leur vie. Pourtant, c'est en faisant savoir aux autres et en échangeant avec d'autres à propos des questions liées au TSA-SDI, qu'il y a des chances que vous finissiez par vraiment profiter et apprécier qui vous êtes, quelle que soit votre différence.

Je me sens plus équilibrée lorsque mes deux pieds sont en terre Aspie et qu'un bras touche la vie neurotypique (NT). C'est mon équation personnelle équilibrée. J'ai essayé de jouer au jeu d'équilibriste « sois comme tout le monde », pendant lequel, j'ai trébuché et je suis tombée beaucoup trop souvent. Je ne peux pas parler au nom des autres personnes sur le spectre, mais je peux suggérer à chacun de prendre en considération son intuition, ses faiblesses et ses points forts pour prendre la meilleure décision personnelle à propos de la portion de système neurologique et du nombre de comportements que l'on souhaite et peut altérer. Tout est une question d'équilibre. Je suis heureuse de pouvoir me mouvoir dans les deux mondes. Je suis triste de m'être excusée de mon comportement étrange auprès de personnes qui, franchement, n'ont rien fait pour mériter mes excuses, des personnes qui auraient dû s'excuser envers moi pour la façon dont elles m'ont traitée. Peut-être que mon âge permet à mon corps de se recroqueviller et à mon esprit de partir davantage à la dérive. Car cela est épuisant de devoir se camoufler pour être accepté socialement. Si je devais recommencer avec un diagnostic de TSA, je mettrais plus de cran à me dire fière d'être Aspie, mais j'aurais également cherché de l'aide pour mon anxiété, ma façon obsessionnelle et compulsive de penser et mes dysfonctionnements sensoriels tout au long de mon parcours, et non pas seulement aujourd'hui.

Les autres nous qualifient souvent de personnes pointilleuses, difficiles à satisfaire, extrêmement sensibles et il se peut qu'ils hésitent à nous inviter où que ce soit de peur que nous y trouvions à redire. C'est juste qu'ils ne comprennent pas l'intensité et les répercussions de stimuli qu'ils estiment normaux. Il est difficile pour nous de sortir et de nous amuser en sachant que si nous nous contentons d'être nous-mêmes, les gens peuvent nous trouver bizarres. La peur du ridicule constitue un facteur supplémentaire qui nous pousse à nous isoler. La perception erronée que les autres peuvent avoir de nous est que nous sommes immatures, que nous souffrons d'une déficience mentale ou que nous faisons exprès d'avoir des comportements bizarres pour attirer l'attention. Vu que nous sommes souvent stoïques, notre joie et notre exubérance peuvent être interprétées à tort comme une attitude de séduction. Toutes les Aspergirls que j'ai interrogées m'ont dit qu'il leur arrivait souvent d'être mal comprises. Nos mots et/ou nos intentions tout comme nos comportements autistiques sont mal interprétés. L'autisme modéré est presque toujours mal compris et les préjugés qui s'en suit peuvent très sérieusement entacher notre réputation, nous faire perdre notre emploi, nos amis, notre maison et bien plus encore.

Si l'on est interrompu.e en plein rituel ou routine, notre réaction peut aller du simple agacement à l'état de panique en passant par l'effondrement émotionnel total. Notre manque de spontanéité peut avoir un impact négatif sur nos relations. Nous pouvons être littéralement vieux-jeu. Notre adhésion à des rituels peut nous empêcher d'avoir un emploi, de faire des voyages, de nous rendre à des invitations et d'avoir des relations quelles qu'elles soient. L'avantage est que nos routines font de nous des êtres dignes de confiance. Elles sont également bénéfiques au travail, à l'école et à la maison où nous avons besoin de contribuer à assurer la stabilité de notre famille ou de notre groupe social. Notre rigidité se retrouve également dans notre pensée et en effet, la compréhension littérale est une caractéristique supplémentaire de notre syndrome. Il faut que nous habituions les gens avec lesquels nous sommes en interaction à s'exprimer avec exactitude.

Le fait que nous ayons du mal à soutenir les regards peut laisser supposer que nous sommes en train de mentir. Etant donné que nous passons notre temps à essayer de comprendre et de préparer les choses à l'avance, il n'est pas impossible que l'on nous prenne pour des manipulateurs.trices. Notre niveau élevé d'anxiété contribue à nous faire passer pour des personnes névrosées et autoritaires, voire hargneuses. Notre discours, honnête et direct, est un autre point qui peut nous causer des problèmes. Nous essayons de nous expliquer clairement mais cela semble se retourner contre nous. Les Aspies ne comprennent pas que le monde a certes besoin d'honnêteté mais qu'elle doit être servie avec tact. Or nos compétences en la matière ne sont pas très développées. J'ai été mal comprise un nombre incalculable de fois en raison de ma franchise et de mon honnêteté. J'ai appris à garder mon opinion pour moi ces dernières années. Mais admettre que vous manquez de tact peut être réellement libérateur. Accordez-vous le droit à l'erreur. Ainsi, vous ne serez pas aussi abattu au moment où cela se produira. Il arrive encore que l'on ne me comprenne pas mais du fait que j'ai exposé ma condition, je me sers de mes révélations et de mon expérience pour informer les gens de ce que sont mes intentions et mes actions réelles. J'affronte désormais le monde tout en sachant pertinemment que je serai encore mal comprise mais au moins, je ne me mets plus en colère contre les autres à cause de cela. C'est tout un art d'avoir du tact.

Outils

- La conscience de soi dans les TSA : https://chrystelepotiniere.wixsite.com/web-cv/single-post/la-conscience-de-soi-dans-les-tsa

- La problématique relationnelle, extrait du livre « Repérer et coacher les profils atypiques » de P. Cloarec Cyprien, Editions Eyrolles

- Une carte ressource « Relations : gérer les feedbacks » pour apaiser les pensées douloureuses lors d'un feedback ou d'une critique

Pour conclure

Le fait que nous soyons incompris semble être à la base de la plupart de nos difficultés. A moins que vous ne révéliez votre condition, le fait de laisser entrer quelqu'un signifie qu'il faut rechercher un compromis : il est nécessaire que la relation vous tienne suffisamment à coeur pour essayer d'interagir et vous devez vous accorder, ainsi qu'à l'autre d'ailleurs, une marge de manoeuvre suffisante qui vous permette de faire des erreurs de sorte que, si l'on vous comprend mal, vous ne soyez ni surpris, ni abattu. Trouvez un ami, même si vous n'en avez qu'un, qui vous comprenne vraiment.

Au besoin, recherchez des groupes de soutien soit en ligne sur les réseaux sociaux, soit dans votre quartier afin de vous aider à faire face aux difficultés de la vie. Notre collectif nantais d'adultes autistes propose, depuis janvier 2022, des cafés-rencontres une fois par mois, ouverts même aux personnes non diagnostiquées. Retrouvez les dates de ces rencontres, dans l'agglomération nantaise, sur le Facebook du Collectif d'entraide autisme 44. La prochaine rencontre aura lieu le samedi 24 juin à Nantes.

Je crois que la plupart des personnes Aspies sont très sensibles au début de leur vie. Mais à force d'être maltraitées et incomprises par les autres, elles deviennent experts en matière de déconnexion de l'empathie. De nombreux mécanismes mènent une personne autiste à évoluer au sein de relations toxiques. Existe-il un avantage à rester dans ce type de relation ? Nous en parlerons dans le prochain article.

Autre article sur le sujet avec des outils : https://chrystelepotiniere.wixsite.com/web-cv/single-post/la-communication-sociale-et-les-tsa