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Autisme : les relations sociales en milieu professionnel


Les neurotypiques ne présentent aucune altération au niveau du sens social, ce qui facilite leur insertion professionnelle. Alors que pour les personnes autistes, l'apprentissage est fondé sur l'expérience pour acquérir des compétences sociales. Tout est fonction de l'estime de soi et des motivations que l'on a pour les situations sociales et aussi des occasions qui se présentent pour permettre de poursuivre son apprentissage dans le monde du travail. Ces opportunités sont partout, elles représentent la vie et n'ont pas grand chose à voir avec un revenu confortable.


Ce n'est pas en restant assis, chez soi, devant son ordinateur à longueur de journée et en se coupant du monde que l'on parvient à acquérir une bonne capacité d'analyse de la réalité qui nous entoure et à apprendre les règles tacites des relations sociales. Pour les personnes autistes, l'élaboration des connaissances prend sa source dans l'expérience. C'est en s'immergeant dans leur environnement qu'elles vont avoir une véritable action formatrice, dans une perspective de transformation qui se manifeste par une production de connaissances.


Favoriser une bonne estime de soi

Il est souvent souligné qu'en raison de leur mode de pensée concret et littéral, il est difficile pour la plupart des enfants autistes de cerner avec précision leurs compétences et leurs ressources personnelles si les compliments ne sont pas associés à quelque chose qu'ils sont en mesure de voir, de toucher ou de sentir. Le fait d'encourager les enfants, surtout lorsqu'ils sont petits, à pratiquer des activités aboutissant à des résultats palpables et visibles, que ce soit par le biais du jeu ou dans le cadre de l'éducation formelle, les aide à assimiler la relation directe entre leurs actions et leurs capacités et leur donne le sentiment qu'ils maîtrisent et contrôlent leur univers.


Mais je reste persuadée que, si j'ai réussi à me construire en tant qu'adulte autiste et à trouver ma place dans ce monde, c'est essentiellement grâce à une bonne opinion de moi-même. Ce n'est pas grâce à ma famille dysfonctionnelle, mais dû à ma motivation et à force d'efforts pour quitter au plus tôt le foyer parental. Ma volonté et ma persévérance m'ont aidée à m'adapter le mieux possible à mon environnement. La personnalité d'un individu est étroitement liée à son estime de soi et les parents doivent absolument comprendre que certains enfants ont une attitude plus positive et une plus grande détermination que d'autres, et ce dès la naissance. Cela n'a rien à voir avec le fait d'être autiste. J'ai eu la chance d'être l'un de ces enfants et je dois dire que cela à beaucoup contribué à ma réussite et à mon indépendance. Mon besoin d'explorer le monde dans lequel j'évolue constitue un autre aspect de ma personnalité (dû aussi au TDA-H ?) qui a grandement contribué à cette réussite. Je suis animée par le désir inné de bien faire et de jouer un rôle déterminant sur cette terre.


Certains enfants ont du mal à intégrer l'idée qu'ils ont droit à l'erreur ou encore que certaines erreurs sont plus graves que d'autres et cela les gêne inévitablement dans leur fonctionnement, particulièrement en ce qui concerne les situations sociales. Nombreux sont les proches de la personnes autiste qui imaginent qu'elle est insolente, impolie, insoumise, que cette personne a donc un problème de comportement. Alors qu'elle ne le fait pas exprès, elle ne comprend tout simplement pas toutes ces conventions sociales qui lui apparaissent souvent inutiles, ridicules, illogiques et absconses. Si elle ne pratique pas bien le langage social, ce n'est pas par crainte de faire des erreurs, c'est tout simplement que cette langue lui est inconnue. Il est primordial de dispenser un enseignement concret des concepts sociaux (un peu flous) afin de les mettre à la portée du mode de pensée autistique et de favoriser les interactions sociales. Lorsque nous fabriquons des choses, nous acquérons inéluctablement les compétences qui nous permettront, plus tard, de prendre les décisions difficiles auxquelles nous serons confrontés une fois lâchés dans l'arène sociale.


Il est impossible de fabriquer des objets, de faire de la peinture ou de créer quelque chose de concret sans avoir au préalable fait des choix, acquis des compétences organisationnelles, compris que des éléments distincts constituent un ensemble et saisi les notions de concepts et de catégories. Cela permet de préparer le terrain pour l'acquisition de compétences plus approfondies propres au monde abstrait des interactions sociales. Chaque nouvelle habileté constitue une fondation sur laquelle vient se poser la suivante. Le tout est de commencer par enseigner à l'enfant des concepts simples qui deviendront progressivement plus complexes. Aussi, il est important que les neurotypiques comprennent à quel point que la création (sous toutes ses formes) n'est pas seulement une occupation amusante mais répond surtout aux besoins innés des personnes autistes. La création a un effet de renforcement considérable pour la pensée autistique à la fois logique et visuelle. En effet, le seul fait de créer est motivant en soi par l'aspect visuel et concret de l'activité. On est témoin de chacune des étapes qui contribuent à l'avancée du projet et il devient très vite clair que le travail donne lieu à une récompense. Cela nous permet d'étancher notre soif de contrôle sur l'environnement et nous donne non seulement l'occasion de faire nos propres choix, mais également de constater comment ces choix se concrétisent. Dans bien des cas, nous sommes en mesure de détecter par nous-mêmes les erreurs et de les corriger.


Mais les talents peuvent être fragiles et je connais des histoires bien tristes où un enfant finit par perdre son goût pour l'art ou les maths à force d'être trop souvent privé de ses passions. Privez-le plutôt de quelque chose qui n'a rien à voir avec ses talents ou son travail, comme par exemple un jeu vidéo ou bien la télévision. C'est au cours de l'enfance que commencent à se développer des qualités telles que la motivation ou le sentiment d'estime de soi, qualités indispensables à la réussite professionnelle et qui continueront à évoluer avec l'âge.


Tester les relations sociales sur le lieu de travail 

Même s'il n'est pas simple pour les personnes autistes d'exploiter une habileté naturelle afin d'en faire leur métier, l'effort à fournir s'avère indispensable. Exploitez vos talents afin de pouvoir les mettre à profit dans un métier reconnu et utile puis devenez un expert dans votre domaine de compétences, de surpasser les autres afin de compenser les difficultés difficilement dissimulables qui peuvent apparaître à leur contact. Si l'on fournit un meilleur travail que les autres membres de l'équipe, il y a de fortes chances que nos petites maladresses sociales passent inaperçues aux yeux de notre patron.


Cependant, il y a un juste équilibre à trouver car vous pouvez susciter de la jalousie de la part de vos proches collègues si vous vous montrez plus intelligent ou motivé qu'eux. Tout au long de mon parcours professionnel, j'ai découvert que les gens pouvaient avoir des intentions secrètes. J'ai compris que ces dernières prenaient leurs racines dans la jalousie et je suis désormais plus à même de déceler les individus qui en regorgent. Par exemple, quand des collègues et moi-même nous sommes réunis pour discuter d'un projet, une personne d'habitude très sociable est restée silencieuse sans que cela éveille mes soupçons. La jalousie est un sentiment très difficile à gérer et cela dépend beaucoup du type de personne qui se montre jalouse. Tout cela bien trop complexe pour moi d'un point de vue émotionnel, je n'y comprends pas grand-chose, mais je tente toujours d'analyser la situation.


Les émotions occupent une place de choix chez la plupart des neurotypiques, y compris au travail. La jalousie et le besoin de tout contrôler jouent souvent un grand rôle dans les choix qu'opèrent les adultes, ainsi que dans les choses qu'ils disent, font ou ne font pas. La jalousie est un construit social difficile à appréhender et il m'a fallu attendre d'avoir quarante ans pour commencer à comprendre ce qui se passait et comment y faire face. Les adultes autistes qui font leur entrée sur le marché du travail devraient se contenter d'accomplir les missions qui leur sont confiées et éviter de critiquer leur patron ou leurs collègues tant qu'ils ne sont pas à même de cerner quelles sont leurs motivations et de se faire une idée plus précise de la personnalité de chacun. Cela prend du temps. Dans l'exemple cité plus haut, mes remarques à propos du projet étaient fondées d'un point de vue purement technique, mais d'un point de vue social, j'ai eu tort d'agir comme je l'ai fait. L'honnêteté n'était vraiment pas le choix le plus judicieux dans cette situation particulière et cela m'a coûté mon poste.


Pourtant, si on éliminait tous les gènes et autres facteurs impliqués dans l'autisme, le monde ne serait peuplé que d'individus extrêmement sociables qui peineraient à réaliser de grandes choses. Les personnes vraiment sociables ne sont pas suffisamment motivées par l'envie d'élaborer des projets qui exigent que l'on accorde une attention particulière aux détails. Ils n'ont pas cet état d'esprit alors que les individus avec autisme excellent très souvent dans ces domaines. En fait, plus les individus sont sociables, moins ils abordent une situation donnée de façon logique.


Les éducateurs, ainsi que les job-coachs qui les accompagnent sur leur lieu de travail, devraient les aider à gérer les difficultés propres à l'aspect social qui constituent un frein majeur au développement de leur activité professionnelle. Néanmoins, à partir du moment où ils parviennent à trouver leur place, ils doivent être vigilants afin d'éviter toute situation qui les ferait perdre leur emploi.


Certains de mes pairs attribuent ma réussite à des facteurs extérieurs. Ils oublient que j'ai travaillé très dur pour en arriver là. Les choses n'ont pas été faciles, mais malgré tout, j'ai tenu bon. Cela m'a demandé un effort constant quand j'étais plus jeune et aujourd'hui encore, il n'y a pas un jour sans que je doive faire un travail sur moi-même afin de garder ma place dans la société. En même temps que je m'évertuais à renforcer mes compétences professionnelles, je devais travailler sur mes problèmes sensoriels et intégrer les règles non écrites inhérentes à toute relation, qu'elle soit privée ou professionnelle. Le travail, ce n'est pas seulement un mode de vie ou un salaire. C'est l'élément clé d'une vie satisfaisante et accomplie. Pour moi tout comme pour bon nombre de mes pairs autistes, le travail fait, en quelque sorte, office de ciment qui nous permet de tenir bon dans un monde déjà bien déroutant. Avoir un travail représente tout pour moi, et c'est quand j'élabore des choses ou des idées que je suis la plus heureuse. Aujourd'hui, en être privée représente un gachi, mais aussi une source de bien-être car mes besoins sensoriels ont rarement été respectés.


Pour conclure

Il est certes essentiel d'apprendre aux jeunes les compétences indispensables au bon fonctionnement social, mais je suis d'avis qu'une fois au collège, il faudrait se concentrer davantage sur les habiletés sociales dont ils auront besoin pour réussir dans la vie : jouer un rôle efficace au sein d'un groupe d'étude, gérer le temps, bien réagir face à la jalousie des collègues, savoir se vendre lors d'un entretien d'embauche, les règles tacites sur le lieu de travail, etc.


Une fois au collège, il est déjà trop tard pour apprendre à respecter l'espace personnel d'autrui, à prendre part à une conversation ou à soigner son apparence. Ces habiletés devraient être enseignées à un âge moins avancé de sorte qu'au collège, il soit possible d'acquérir des compétences sociales plus complexes. Ce n'est que grâce à une bonne connaissance de plusieurs de ces règles non écrites et pourtant cruciales que l'enfant sera à même de mieux comprendre les règles plus complexes et souvent moins flagrantes que l'on retrouve sur le lieu de travail ou dans le cadre des relations personnelles.


Dans l'ensemble, les personnes Aspies qui sont heureuses sont celles qui exercent une profession satisfaisante à leurs yeux, en lien avec un domaine qui les passionne véritablement. Je m'aperçois à quel point il est difficile pour un grand nombre de parents de comprendre que c'est en s'adonnant à son travail ou à ses passions que leur enfant sera le plus heureux. En revanche, les liens affectifs, le mariage ou les enfants ne feront pas forcément partie de ses priorités. Et alors ? L'important n'est-il pas qu'il soit heureux ?

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