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Autisme : Sortir des relations toxiques


La décision de couper court à une relation (amicale, amoureuse ou professionnelle) s'apparente à la frappe préventive et beaucoup de personnes autistes sont très fortes en la matière : partir avant d'être licencié.e, rompre avant d'être quitté.e, s'en aller avant que les choses ne se corsent. Nous développons une vraie tendance à anticiper les problèmes. Je crois que la plupart des personnes Aspies sont très sensibles au début de leur vie. Mais à force d'être maltraitées et incomprises par les autres, elles deviennent experts en matière de déconnexion de l'empathie.


Car, à la base, les neuroatypiques sont des hypersensibles, très empathiques. Certains, comme moi, ont mis en place un mécanisme de protection des effets de cette hypersensibilité. Il n'est pas rare de voir des personnes très sensibles se montrer apathiques, froides. Pour se protéger des tempêtes émotionnelles, j'ai appris à m'en couper. Cela permet de me mettre en pilotage automatique et de me dissocier de mes émotions pour vivre ma vie sans la menace des conséquences de ces tempêtes. D'autres subissent de plein fouet les tempêtes émotionnelles et craignent ces épisodes. Ces pics émotionnels génèrent une perte d'estime et un sentiment d'impuissance. En effet, à la suite de cet épisode, la personne autiste se jugera et jugera sa réaction, se trouvera souvent honteuse d'avoir mal réagit.

Couper les ponts

Le fait de ne pas avoir été diagnostiquée porteuse de TSA et donc de ne pas savoir que j'étais Aspie y est pour beaucoup. Quand les choses ne marchaient pas que ce soit par rapport au travail, aux relations amicales, à une relation amoureuse..., je partais. J'ai toujours pensé qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans le monde et ce n'est pas moi, et en plus de me faciliter la tâche lorsqu'il s'agissait d'échapper aux situations inconfortables, ma fuite devenait impérative. Ce n'est pas toujours un mal car il est des endroits et des personnes qui ne nous conviennent pas. Certaines situations sont plus saines pour l'esprit et davantage propices au progrès. Mais quand on a atteint la cinquantaine et que l'on continue à couper les ponts, il est peut-être temps de se poser et de faire le point. Le fait de comprendre que j'étais autiste m'a donné envie de m'acharner et de faire face à toutes les situations, ce qui bien sûr n'est pas non plus la panacée. J'ai dû apprendre, et j'apprends encore d'ailleurs, à faire la part des choses entre ce que je devais garder pour moi et ce dont il fallait que je me débarrasse. Repartir à zéro est une caractéristique tellement importante dans ma vie.


Le fait de couper les ponts s'apparente à une sorte de sabotage psychologique. Très souvent, nous coupons les ponts suite à un effondrement émotionnel. Lorsque nous sommes aux prises avec un effondrement émotionnel, il nous est impossible de voir les choses autrement que de notre propre point de vue. Nous nous fâchons contre certaines personnes ou par rapport à quelque chose et nous voulons leur faire savoir que nous n'avons plus besoin d'elles voire que, tout compte fait, nous n'avons jamais vraiment eu besoin d'elles. Le problème, c'est que la plupart du temps nous le faisons dans le feu de l'action. Cela se produit très souvent suite à un accès de colère. Nous nous énervons contre un endroit, une personne ou autre chose et nous décidons de ne plus jamais nous y confronter. Parfois, après une crise de colère, il nous est impossible de revenir sur la situation tant notre embarras est fort et du fait que nous sommes catégoriquement proscrits. La décision de couper les ponts est provoquée par beaucoup d'éléments qui, au final, ont des caractéristiques communes. Nous en avons plus qu'assez des gens qui ne nous comprennent pas, qui ne manifestent ni l'affection, ni la gratitude que nous estimons mériter. Nous ne rions pas les leçons de nos erreurs aussi facilement que les autres en raison, entre autres, de nos problèmes de mémoire à court terme. Souvent, nous avons tendance à oublier pourquoi nous nous sommes emportées contre quelqu'un, jusqu'à ce que le même schéma se reproduise, encore et encore... au lieu de nous protéger dès le début. Cela peut aussi affecter notre emploi. Nous demeurons vulnérables et puis nous explosons une bonne fois pour toutes en mettant un terme à une relation. Cette attitude sur les autres peut avoir une incidence sur sa réputation et les gens réfléchiront à deux fois avant de faire de vous leurs amis. Il arrive que les autres coupent les ponts pour nous quand nos effondrements émotionnels sont particulièrement violents. J'ai lu quelque part que les femmes Aspies ont tendance à être davantage sujettes aux accès de colère que leurs homologues masculins. Les hommes ont des contraintes particulières à gérer mais les femmes ressentiront la pression à leur façon, sachant que la société attend d'elles qu'elles soient compétentes et capables de faire plusieurs choses à la fois, que l'étiquette et la répartie n'aient aucun secret pour elles.


En tant qu'autiste, je ressens de la compassion et de l'empathie envers beaucoup de personnes mais ça n'a rien à voir avec l'amitié. Il y a les gens que j'aime bien, ceux que j'admire, ceux dont j'apprécie la compagnie et le dialogue mais je n'aime pas faire toutes ces choses que les femmes sont censées aimer faire ensemble, comme faire les magasins, aller au cinéma, déjeuner, etc. Un ami qui vous invite à une soirée ne comprendra pas forcément votre réticence et vos inquiétudes s'il ne se donne pas la peine de lire quoi que ce soit ou de se livrer à des recherches sur l'autisme et le "syndrome d'Asperger". Je ne veux pas que les gens que je rencontre soient vexés quand je décline leur invitation ou ne leur offre jamais la mienne. Je souhaite que les gens puissent comprendre que je peux recevoir de mes amis tout ce dont j'ai besoin en quelques minutes à peine, puis m'en aller heureuse et contente, sachant que je viens tout simplement de passer du temps avec un ami. Je ne veux pas du tout être évasive ou inamicale ; je ne fais qu'arriver très vite à saturation.


La décision de couper les ponts peut aussi affecter notre vie de famille. On peut très bien quitter mari ou parents, frères et soeurs, amis qui nous ont laissé tomber, personnes qui ont vraisemblablement profité de nous. Tout cela nous pousse à appuyer sur le détonateur. L'injustice peut également nous pousser à couper les ponts. Nous refusons de protéger ou de soutenir toute idéologie, institution ou personne allant contre notre éthique et nos opinions.

Outils

- Autistes : adaptons-nous !, blog Youtube d'Anne Robin-Caro

- Comment s'entendre avec une personne autiste, Coécrit par Trudi Griffin

- L'autisme expliqué aux non-autistes, livre aux Editions Marabout, 2020



Eviter les situations inconfortables et les relations toxiques

En tant que personne autiste, je sais que nous sommes la cible de commérages et de harcèlement, que l'on profite de nous et qu'à force, tout s'accumule et le besoin d'évacuer devient, comme c'est le cas pour la vapeur, évident. C'est pourquoi il est vraiment important que vous appreniez à vous défendre avec tact et fermeté tout au long de votre vie. La plupart des gens que vous serez amené à rencontrer et des situations auxquelles vous serez confrontées dans votre vie auront des attributs divers et variés et, comme je l'ai mentionné auparavant, il s'agit de faire ressortir les meilleures qualités ainsi que de trouver un écho chez ces gens et ces situations. On nous attaque par surprise. Nous n'avons pas une bonne mémoire. Les autres peuvent nous tromper et nous faire du mal encore et encore jusqu'à ce que nous nous lassions.


Afin d'éviter toute déception et de ne pas être pris.e au dépourvu, essayez d'avoir une liste de traits en tête chaque fois que vous voyez une personne. Par exemple : pour une collègue, elle est gentille mais il lui arrive d'affirmer des choses qui sont fausses. Donc, je ne crois pas toujours ce qu'elle raconte. Ainsi, je reste sur mes gardes et je ne suis ni choquée, ni horrifiée quand elle me mentira pour la énième fois. Vous pouvez procéder de la même manière avec les lieux. Par exemple : un magasin grand et bruyant. Il faut que je mange avant d'y aller et je dois penser à prendre de l'eau, des boules Quiès, des lunettes de soleil ou bien un chapeau avec une visière. Certains vendeurs sont serviables, d'autres non. Je garderai mon calme et je m'adresserai uniquement à ceux qui semblent enclins à m'aider. Si vous fuyez une situation, il est important que vous essayiez de quitter les gens, les emplois, etc. dans les meilleurs termes possible afin d'avoir bonne conscience. Vous pourrez ainsi prendre un nouveau départ sans aucun remords et sans aucune contrainte vous ramenant à l'ancienne situation. Souvenez-vous des trois « R » : références, recommandations, réputation. A un moment donné, il est possible que vous en ayez besoin pour arriver à vos fins.

Comme si être autiste n'était pas suffisant, les risques encourus sont que nous souffrions toute notre vie durant d'un complexe de culpabilité et de honte, que nous ne nous donnions même plus la peine d'essayer de nous faire des amis ou d'avoir des relations et qu'il soit facile pour les autres de nous pousser à faire tout un tas de choses. Enfants et même adultes, nous mettons souvent un point d'honneur à faire plaisir aux autres et à ne pas faire de vagues mais d'une certaine façon, nous finissons toujours par engendrer des complications. Nous essayons, autant que faire se peut, de bien nous comporter car nous sommes convaincues que si nous sommes très sages, les gens nous apprécieront et tout ira bien. Mais bien évidemment, ça ne se passe jamais. Toute ma vie, j'ai eu ce sentiment récurrent que je devrais être capable de mieux faire, de gérer un emploi, une relation, ma vie ou tout autre chose bien mieux que je ne le faisais. Je me savais obstinée et je savais que je n'étais pas folle ou tout du moins, je nourrissais cet espoir. Durant mes 20 années de thérapies diverses et variées, des médecins et des psychiatres ont dressé une liste de divers problèmes comportementaux : difficultés socio-adaptatives, peur du changement, immaturité émotionnelle, comportement obsessionnel, besoin de contrôle, manque de souplesse, dépression, égocentrisme... Mais ces mots ressemblaient plus à des jugements qu'à des symptômes, comme si le fait de savoir quel était le problème devait me permettre de changer, parce que je suis intelligente c'est évident. J'en suis arrivée à la conclusion que ce n'était pas moi qui avais un problème mais tous les autres. Je me sentais complètement seule. C'est alors que j'ai découvert le syndrome d'Asperger en 2015. Il va sans dire que depuis, je ne m'attarde plus auprès de ces psychiatres peu formés à l'autisme de haut niveau. Depuis quelques temps, je me bats pour que ces diagnostics différentiels soient révisés au regard de l'inefficacité des thérapies qui m'ont été jusqu'alors proposées. S'il n'y a pas de bon diagnostic alors il y a un vide, un trou dans lequel il est possible de déverser toutes sortes d'hypothèses et autres étiquettes.


Et pourtant, le diagnostic en soi n'empêche pas les gens qui gravitent autour de la femme Aspie de penser que quelque part, elle réagit à certaines choses intentionnellement. Il arrive souvent que des familles et des gens, par ignorance voire jalousie, l'accusent de feindre une réaction, d'attirer l'attention des autres ou encore de décider de se laisser aller à un effondrement émotionnel. Il se peut que les parents qui apportent le soutien nécessaire à leur enfant reçoivent eux-mêmes des reproches et soient critiqués par d'autres membres de la famille qui ne se sont pas donné la peine de lire quoi que ce soit sur le "syndrome d'Asperger" afin de mieux comprendre.


Une fois que le diagnostic est posé ou auto-diagnostiqué, que ce soit grâce aux efforts d'un médecin perspicace ou à la suite de notre propre travail d'investigation, le soulagement est sans nul doute immense. Nous pouvons déposer notre fardeau. Mais ce fardeau ne nous quitte pas et ne manque pas de refaire surface à chaque fois que quelqu'un nous demande : « Mais pourquoi est-ce que tu n'y arrives pas ? » ou à chaque fois que nous n'y arrivons pas. Nous devons constamment faire face à de nouvelles situations qui ne manquent pas d'appuyer sur nos boutons autistiques. Crises de panique et effondrements sont alors notre lot. Le fait de savoir que nous sommes autistes n'arrange rien en soi et ne fait pas de nous, comme par enchantement, des adeptes de la socialisation. En outre, certaines personnes que nous rencontrons ne se rendent pas compte que nous sommes autistes, si bien qu'elles évaluent nos comportements à l'aide de leurs références de neurotypiques. Nous ne cessons pas non plus pour autant d'intérioriser les reproches qui nous sont faits. Nous devons pour beaucoup, que nous l'admettions ou pas, affronter une quantité considérable de gêne et de honte à chaque fois que nous ne parvenons pas à gérer les petites expériences du quotidien qui ne semblent poser absolument aucun problème aux autres. Qu'il s'agisse de garder un emploi ou de tenir une conversation, d'entretenir une amitié ou de gérer son compte épargne, nous pouvons tous affirmer avec certitude que ces choses représentent un combat permanent pour nous. Nous culpabilisons également parce que notre handicap n'est en rien une affection qui se voit et qui met notre vie en danger comme c'est le cas pour le cancer ou toute autre maladie et ça, nous le savons. Nous avons « l'air normal ». Souvent même, nous sommes extrêmement intelligent.e. Certaines d'entre nous n'ont aucune difficulté d'apprentissage, contrairement à d'autres, même si les problèmes rencontrés ne sont pas forcément flagrants, comme la dyslexie par exemple. Quand les autres nous suggèrent « de faire face », nous souhaiterions en être capables et une partie de nous pense que nous le devrions. Mais dire à une personne Aspie « d'aller de l'avant », c'est comme dire à une personne en fauteuil roulant de prendre l'escalier pour se rendre au deuxième étage.

Outils

- Pour en finir avec les relations toxiques, blog Spectredelautisme.com

- Prévenir la manipulation mentale, Guide de l'AFFA, plus spécialement dédié aux femmes autistes (2018)


Pour conclure

Certains membres de votre famille se documenteront autant qu'ils le peuvent sur le "syndrome d'Asperger" et vous soutiendront à 100 % alors que d'autres ne feront rien pour essayer de vous comprendre. Ces derniers sont probablement convaincus qu'ils vous ont cerné.e et n'ont aucune intention d'entendre quoi que ce soit qui puisse ébranler l'image qu'ils ont de vous ou qui les force à s'interroger sur leur comportement à votre égard. Mais la grande majorité se situera à mi-chemin.


Si vous n'êtes plus tout.e jeune et que vos parents sont déjà âgés, il est possible qu'ils ne soient pas prêts, d'un point de vue psychologique, à croire que vous soyez autiste et qu'ils ne l'aient jamais remarqué. Si vous n'avez pas eu la vie facile jusque-là et que vous n'avez pas été soutenu.e, voici ce que j'ai envie de vous dire par expérience : ne laissez pas tout cela ternir votre moral et n'en veuillez pas à la terre entière car il y a de belles personnes autour de vous et vous finirez par les trouver.


Mais pour être honnête, chacune des personnes que vous rencontrerez au cours de votre vie aura de bons et de mauvais côtés, des qualités et des défauts. Certaines seront plus gentilles que d'autres. Certaines verront en vous des traits qu'elles admireront et qui résonneront en elles pendant que d'autres prendront votre soi-disant faiblesse pour une invitation à vous critiquer, vous harceler, etc. Il y en a qui voudront être vos amies, vous encourager et même vous protéger alors que d'autres vous exploiteront et vous maltraiteront. Il y a même des personnes qui pourront avoir ces deux visages en fonction du moment.


A mesure que vous prendrez de l'âge, j'espère que vous prendrez confiance en vous plus que vous n'en perdrez et que vous ne vous enfermerez pas dans votre chambre chaque soir, comme nous sommes tant à le faire, pour regarder des films ou lire des livres du fait que nous savons de quoi le monde est fait et que cela ne nous plait pas.

Et vous ?

Qui sont vos amis ? Pourquoi sont-ils vos amis ?

Quelles sont les choses que quelqu’un fait pour être amical ?

Qu’est-ce qui fait de vous un.e bon.ne ami.e ?

Qu'est-ce-qui vous pose parfois des problèmes relationnels ?

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