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Nantes, une ville qui s'engage sur le handicap ?

Dernière mise à jour : 9 janv. 2023



Ci-après un premier travail en commun avec une future association nantaise, Union Handie, pour les « Assises des nouvelles solidarités » de l'agglomération nantaise. Nous souhaitons que le handicap, notamment l'autisme, deviennent une préoccupation centrale à ce débat.


L'antenne nantaise du Clé-autistes et l'association Union handie dénoncent l'absence d’approche globale et coordonnée des politiques du handicap car encore fondées sur une approche médicale et non sociale. Sachant aussi que l'espérance de vie d'une personne handicapée est dramatiquement plus courte que celle d'une personne valide, notre contribution à ces assises nous a semblé indispensable et incontournable pour faire entendre nos conditions de vie moins bonnes que le reste de la population.


Agissons ensemble pour rendre meilleures les conditions de vie des personnes en situation de handicap et pour bousculer les à-priori sur l'autisme !


Précarité, isolement, quelle est la situation actuelle ?

Plus de 24 000 Ligériens seraient concernés par l’autisme, dont 1/3 de jeunes âgés de moins de 25 ans, étant entendu que ces données doivent être prises avec précaution (source : HAS, 2013). La population autiste est généralement estimée à 1%, ce qui représenterait potentiellement 3.150 personnes (adultes et enfants) pour la seule ville de Nantes. Par ailleurs, beaucoup d'autistes sont polyhandicapés. En effet, les pathologies associées sont des comorbidités secondaires souvent liées à l’autisme, c’est-à-dire que les personnes autistes sont particulièrement affectées par une ou plusieurs d'entre-elles.


Les résultats à l'analyse d'un sondage pour l'ouverture d'un GEM Autisme sur Nantes, en juillet 2019, a montré qu'il y a beaucoup d'attente en Loire-Atlantique. Si les attentes sont différentes d'une personne à l'autre, l'isolement est souvent un point commun. L'autisme est déjà un handicap dans les relations sociales qui pousse à l’isolement. Ce handicap est avant tout social avant d'être médical. En effet, il suscite de la part de nombreuses personnes des remarques validistes, des préjugés sur les différences et de la discrimination dans tous les pans de la vie sociale (éducation, emploi, logement, loisirs, culture, accessibilité, accès aux soins adaptés, aux droits, à l'information). Trop d'adultes autistes se retrouvent placées en établissements médico-sociaux faute d'aide adaptée. Lorsque l'adulte autiste ne peut pas travailler (95 % sont sans emploi), il a besoin, comme tout citoyen, de ressources régulières et suffisantes (AAH, pension invalidité, RSA,...) et doit donc effectuer des démarches pour les obtenir. Mais aussi, l'obtention d’un logement ou d’un hébergement adapté nécessite des démarches parfois difficiles voire impossibles. Le maintien dans le logement familial non désiré peut en être d’ailleurs la conséquence et constituer une préoccupation pour les familles. Certaines personnes ont besoin de bénéficier d’une protection juridique pour les conseiller, les protéger pour tout ou partie de la vie civile, etc.


Les aides sociales et les compensations au handicap sont majoritairement à destination des enfants pour aider les familles. Le handicap est pourtant une condition à vie. Il s'aggrave même avec l'avancée en âge, à l'issue d'une maladie évolutive et d'une période de dégradation de l'état de santé. Par rapport à l'ensemble de la population de moins de 65 ans, les 2,4 millions de personnes reconnues handicapées ayant entre 16 et 64 ans sont plus âgées et plus souvent des femmes. Le plus souvent sans enfant, les personnes handicapées sont plus nombreuses à déclarer vivre seules (source DRESS, 2021). Ce qui fait que l'espérance de vie des personnes handicapées est en moyenne de 62 ans contre 90 ans dans la population générale. Concernant celles autistes, elle serait de 54 ans et n'atteint pas 40 ans chez celles avec une forme sévère (source Santé Log).


Le handicap représente 12 millions de Français au total, soit 20% de la population et cela peut aller jusqu'à 40% de la population en prenant en compte les situations de handicap temporaires. D’autant plus qu’avec le vieillissement de la population ces chiffres sont en hausse : 1 Français sur 3 aura plus de 60 ans en 2035. 61% des déficients visuels par exemple sont des personnes âgées de plus de 60 ans. La déficience auditive progresse de 65% après 65 ans. Ainsi l’INSEE estime que : 13,4% des Français ont une déficience motrice ; 11,4% sont atteints d’une déficience sensorielle (perte partielle ou totale d’un sens) ; 9,8% souffrent d’une déficience organique (liée aux organes vitaux) ; 6,6% sont atteints d’une déficience intellectuelle ou mentale ; 2 à 3% de la population utilise un fauteuil roulant.


En France, la situation a des dizaines d’années de retard sur ses voisins, mais également sur nombre de pays plus « défavorisés » économiquement. Pourquoi ? A cause de l’emprise du monde médical et socio-médical sur nos vies, de la naissance à la mort. Les institutions socio-médicales sont toujours présentées à l’État et aux collectivités territoriales comme la seule solution pour « s’occuper du problème des personnes handies ». En réalité, cet état de fait ne sert que les intérêts de ces institutions, qui doivent entretenir la dépendance des personnes qu’elles y accueillent afin de justifier leur propre existence. C’est pour cela que leur but n’est pas et ne sera jamais réellement l’autonomisation et l’inclusion des personnes handies, auquel cas elles n’auraient très vite plus de raison d’être, au vu de la puissance sociale, économique, politique et judiciaire qu’elles détiennent ensemble. Pour les personnes hors des institutions, aucun lieu de vie en communauté n’est pensé pour les accueillir, a fortiori sans les infantiliser, ce qui conduit à d’innombrables personnes isolées chez elles. Les lieux ne sont ni accueillants et respectueux, ni accessibles. L'aide individuelle à domicile et à la vie autonome doivent être pensées et suffisamment financées. En particulier, il est extrêmement compliqué voire impossible de trouver de l'aide humaine formée et compétente. Les financements de la PCH aide humaine sont insuffisants.



Citoyens, associations, entreprises, collectivités... Qui peut agir pour les solidarités ?

Un nouveau militantisme pour le handicap émerge, dénonçant le caractère inefficace et contre-productif de portes paroles sans légitimité. Nous avons au niveau local décidé de nous réunir en collectif indépendant d'associations issues du médico-social ou de parents pas directement concernés par le handicap. Ce modèle paternaliste et cloisonnant ne tient plus au regard du Droit international et européen (CIDPH). La France accuse toujours un grand retard quant au respect des droits des personnes handicapées que ce soit en termes de libertés individuelles, de droits politiques, d’accessibilité et plus globalement d'intégration dans la société. Notre collectif a déjà commencé à construire des partenariats avec des associations locales, nationales et internationales. C'est d'une importance cruciale si l'on souhaite aller de pair avec une revendication égalitaire de nos droits. Par exemple, il nous faut développer la pair-aidance dans le médico-sociale et la pair-émulation dans les pratiques sociales.


A l'antenne locale du CLE-Autistes, il est prévu de développer de véritables partenariats entre associations pour informer le plus de personnes possibles aux caractéristiques propres liées à l’autisme, mais aussi sensibiliser pour lutter contre les discriminations. Nous encourageons les lieux recevant du public à prendre en compte les besoins spécifiques des personnes autistes (expérience menée à la Cocotte solidaire) et aussi allons proposer dans les Maisons de quartier des permanences sur l'autisme et des espaces de rencontres avec les habitants. Les autistes, en rompant l’isolement, contribuent à restaurer l’estime et la confiance souvent perdues en eux (expériences de rejet, d’exclusion, de stigmatisation...), dans le but de les encourager à mener des projets, à s’ancrer dans l’autonomie et à nouer des relations avec l'extérieur pour mieux s'intégrer.


Si une association ou autre organisme (quel que soit son domaine) n’accueille pas ou trop peu de personnes handicapées, et qu’elle est pourtant accessible, c’est qu’il y a un défaut de communication. Il est d’abord impératif, dans toutes les organisations et événements, d’informer clairement et à l'avance les conditions d'accessibilité. Par exemple : une rampe amovible devrait être tout le temps être sortie, mais le cas échéant, son existence et le moyen de la faire venir doit être tout le temps et clairement indiquée, sur le lieu même ainsi que sur le site internet, etc., sans quoi elle ferait aussi bien de ne pas exister. Ensuite, il faut s’adapter aux pluralités des canaux de communication pouvant atteindre le public : en communiquant par Internet et les réseaux sociaux, par la rue, devant les institutions et autres lieux de vie... Passer par les organismes comme le Département, la Ville, les assos, etc. ne suffit pas. L’information ne circule pas et n’arrive pas aux oreilles des personnes concernées.


Dans les assos, déjà les locaux ne sont pas accessibles, ce qui est contraire à la loi et inadmissible : comment peut-on se revendiquer solidaires, non-discriminants tant que l'accessibilité n’est pas au cœur de nos préoccupations ? Pas besoin de connaître « le handicap » pour ne pas être discriminant, il suffit de traiter les personnes sans jugement, en respectant leur autonomie et leur intégrité physique : on ne touche personne sans son consentement, on « n’aide personne » sans son consentement ! Etre toujours a l'écoute des besoins des personnes, plutôt que d’imposer sa vision des choses, ou une façon de faire/protocole prévue par et pour des valides.

Réagir immédiatement et potentiellement sanctionner les propos et les actes insultants et discriminatoires.


Les personnes concernées sont les expertes de leur vie, personne n’est légitime de parler et de décider à leur place. Elles doivent obligatoirement être placées au centre de toute question les impliquant, comme le stipule la Convention des Droits des Personnes Handicapées de l’ONU. Il est de la responsabilité de tous de respecter la loi. Chacun peut agir à l'échelle de sa rue, son quartier, son établissement ou association, et c’est aux collectivités locales de leur rappeler et de vérifier réellement l’application de la loi. Mais cela ne peut pas se faire sans l’apport des personnes handicapées elles-mêmes. Appliquer la loi sans consulter les personnes pour qui elle est conçue avant de faire quoi que ce soit est contre-productif et donne des situations absurdes et intolérables.



Agir contre l’isolement et la précarité : quelles idées pour demain ?

En ratifiant (en 1999) la Charte sociale européenne révisée et, plus récemment, la CIDPH, la France s’est engagée à prendre toutes les mesures appropriées en vue d’assurer l’effectivité des droits reconnus par ces textes, et notamment le droit de toute personne handicapée à l’autonomie et à l’inclusion pleine et effective dans la société sur la base de l’égalité avec les autres. Si certains progrès ont été réalisés ces dernières années, d’importantes lacunes subsistent. A cet égard, le Défenseur des droits déplore le manque de mobilisation de l’État. Il considère que la France n’a pas pris pleinement en considération le changement de modèle induit par la CIDPH, fondé sur une approche sociale du handicap par les droits, dans l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques. Notamment concernant l'autisme, la France accuse un retard important dans ce domaine par rapport aux autres pays occidentaux. En dépit de la reconnaissance depuis 1996 de l'autisme comme handicap, les choses bougent lentement. La France est régulièrement accusée d'être à la traîne malgré les 4 plans Autisme. Car les mesures concernent surtout les autistes sévères ou avec déficience intellectuelle et les enfants plutôt que les adultes. Il reste très compliqué en France d'obtenir un diagnostic d'autisme à l'âge adulte.


Actuellement des GEMs, Groupe d’Entraide Mutuelle, dédiés aux adultes autistes se créent en France. Sauf que l'entraide a du mal à émerger dans les GEMs quel qu'ils soient aux vues des réactions sur la représentation -souvent porteuses de préjugés- qu’on peut avoir sur une personne handicapée et apte à aider d’autres personnes handicapées. Quand on parle de tels groupes en Belgique ou en Suisse, il est principalement fait référence à des groupes de parole et des groupes d'auto-support. Or dans les GEMs les groupes de parole se pratiquent très peu, parce que trop liés à l’univers du soin. Le fait d’accueillir dans une équipe un ou deux pairs-aidants peut bousculer les à priori sur le handicap. Sur le fait que tel trouble est jugé incurable ou qu’il est impossible de vivre une vie "normale" et donc, de travailler avec ce genre de handicap. De nombreux témoignages de personnes autistes, regroupées en association, voulant elles-mêmes porter leur projet de GEM confirment une pratique abusive soit en amont de la création d'un GEM, soit une fois l'agrément ARS obtenu avec l'existence "d'une difficulté d’autonomiser réellement le GEM dans un contexte qui reste encore très médico-social et avec une vision paternaliste des associations marraines". Si bien que les personnes autistes restent minoritaires dans l'administration de ces GEMs, où elles finissent par être limogées par les prises de pouvoir validistes.


En attendant la déconjugalisation de l’AAH, instaurer des aides financières et matérielles sans condition de ressources du partenaire pour permettre de retrouver une certaine autonomie financière, de sortir un peu de la grande précarité et de protéger des violences familiales et conjugales. Faire des dons de matériel médical ou paramédical, qui coûte extrêmement cher et n’est jamais remboursé sur la base des besoins.


Mettre enfin aux normes d’accessibilité TOUS les locaux appartenant ou gérés par les collectivités locales, ainsi que les espaces communs extérieurs. Prendre en compte l’accessibilité au public mais aussi aux employés et bénévoles. Les personnes handicapées ne sont pas que dans le public accueilli. Nous sommes accueillants, nous-même acteurs. Cesser les dérogations absurdes de mise en accessibilité des ERP. Inspecter et sanctionner tous les ERP ne respectant pas les normes, c’est-à-dire tous ceux qui préexistent aux récentes lois d’accessibilité. Prévoir un vrai fonds d’aide financière à la mise aux normes pour les ERP limités par l’aspect financier. C’est à la condition de multiplier les lieux accessibles, bien indiqués, accueillants pour toutes et tous, en particulier pour les femmes, les personnes d’origine étrangère, les personnes aux revenus modestes, que chacun et chacune peut avoir une chance de participer activement à la vie collective. Tout un chacun devrait pouvoir s’approprier ces espaces de rencontre et d’échange.


Cesser la collaboration avec les instances qui exploitent, enferment et privent de leurs droits les personnes qu’elles prétendent "aider". Si un projet ne vient pas avant tout des personnes concernées elles-même, alors il ne peut prétendre subvenir à nos besoins et volontés. Si une majorité de personnes concernées ne sont pas aux postes clefs d’une organisation, elle ne peut prétendre œuvrer pour notre bien. Les statistiques biaisées n’expriment aucunement nos besoins et volontés sociétales.


Ce n'est pas aux instances médicales de s'emparer des questions sociales que soulèvent nos vies. Les pouvoirs publics doivent absolument cesser de s'appuyer sur elles, ainsi que sur les associations, pour faire leur travail. Elles devraient engager chez elles des personnes handicapées à la place.


Dans chaque maison de quartier, des groupes d’échanges et de travail d’implication dans la vie commune des habitants pourraient se former, ainsi mettre en place une réelle mise en accessibilité de tous les espaces du quartier, sur les instructions des personnes elles-mêmes. Prendre en compte la pluralité des besoins et les versants de l’accessibilité qui ne sont jamais mentionnés : la proximité avec les transports en commun, le bruit, la présence de toilettes, de salles de repos, la place entre chaque personne (pour qu’on ne se sente pas oppressé), la présence systématique de chaises, le respect effectif et sans justificatif de la priorité, etc.


Logement social : les bailleurs sociaux ont un rôle à jouer et pourraient donner l’exemple en matière de prise en compte des besoins des locataires handicapés. Non seulement les logements doivent être accessibles, mais aussi leurs abords. L’information et la communication doivent être claires et adaptées (version numérique, FALC, etc.), en particulier lors des opérations de rénovation qui causent de nombreuses nuisances. Le handicap devrait être une préoccupation majeure de ce secteur.


Transports : le service Proxitan doit être renforcé avec des horaires identiques à ceux du réseau Tan classique, avec plus de véhicules notamment le soir et le week-end. Des véhicules de meilleure qualité, utilisables par les personnes en surpoids (taille des sièges et des ceintures de sécurité). Ce service doit bénéficier de la même qualité que le réseau classique. Les informations doivent être disponibles en FALC. Se déplacer de façon adaptée permet de rompre l’isolement et favorise une vie sociale épanouissante. Restreindre les possibilités de déplacement, c’est restreindre les opportunités de rencontre, de socialisation, de projets divers. Sur ce plan, les personnes handicapées sont particulièrement désavantagées.



Ces propositions n’ont rien d’exhaustif et mériteraient d’être détaillées. Nous sommes disponibles et ouverts aux échanges pour que les choses avancent concrètement pour les personnes handicapées dans l'agglomération nantaise. Agissons ensemble pour rendre meilleures les conditions de vie des personnes en situation de handicap !


Rien sur nous sans nous.


Lien vers la contribution :


Cette première contribution a retenu l'attention de la chargée à la Lutte discrimination et accessibilité de Nantes métropole. Si bien que, nos deux associations vont à nouveau collaborer sur le thème de la « Lutte contre les violences sexistes et sexuelles », dont sont souvent victimes les femmes handicapées.


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