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Paire-aidance en santé mentale : de quoi parle-t-on ?


Dans le cadre de ses journées thématiques, le CReHpsy des Pays de la Loire a organisé le 28/03/2022 un webinaire consacré à la pair-aidance en santé mentale. Cette conférence en ligne a réuni plus de 70 participants et mis à l'honneur les témoignages d'Eric Pinet, Médiateur de Santé au GAIA 17 en Charente-Maritime et 2 membres de l'association « Pouvoir d'Agir 53 » : Amélie Simon et Delphine Lasne.



Différentes formes et participation des usagers en santé mentale

Dans un premier temps, le sociologue au CreHPsy : Julien Jupille, présente la place des usagers dans le système de santé du 19è siècle à aujourd’hui, puis expose les 6 différentes formes d'engagement/ participation des usagers en santé mentale. Cela représente une typologie théorique, car certains groupes appartiennent à plusieurs catégories, à des degrés divers.

1/ Les groupes d'auto-support

- Entre-aide et partage d’expériences des troubles et des soins pour mieux vivre avec la maladie,

- Population mixte (professionnels, familles, usagers) : GEM, par exemple

- Partenariat avec le monde médical et scientifique : amélioration des soins, des prises en charge et des façons de vivre avec la maladie,

- Avec une attente forte pour sortir de l’isolement et une réinsertion dans la société autour d'activités communes.


2/ Les groupes de contestation

- Contestation forte des soins et décisions prises au nom du patient, hospitalisations sous contrainte, isolement, etc.,

- Expertise juridique,

- Libération, défense des Droits de l'Homme en psychiatrie (vue comme une oppression, répression),

- Groupes animés par des concernés donnant la parole et le pouvoir à des personnes bien informées (comme le CLE-autistes, par exemple),

- Certains groupes excluent les « non-malades », notions centrales dans ces groupes : autodétermination, auto-définition.

3/ Les groupes de lobbying institutionnel

- dominé par l'UNAFAM créé en 1963 et le FNAPSY en 1992,

- Régime de la « démocratie sanitaire »,

- Modèle du porte-parole, du partenariat et de la négociation dans la lignée des lois de 2002 et 2005,

- Pas défendre les usagers mais faire entendre leur parole,

- Discussion d’enjeux au sein des institutions et instances politiques (conseils d’administration des hôpitaux, CLSM), médias, colloques, rapports ministériels…).

4/ Les groupes d'affirmation d'une différence

- Revendication d'une vie, d'un style cognitif différent, - Reconnaissance d'une identité en dehors de toute référence à maladie ou à un traumatisme,

- Pas de contestation politique directe mais revendication d’alternatives à la prise en charge psychiatrique et une reconnaissance de la différence,

- Visent la modification des représentations sociales. Questionnent la frontière nette autrefois établie entre le normal et le pathologique et ouvrent la voie à une autre vision,

- Visent aussi le déclin du modèle psychiatrique en France. Notamment le « Hearing voice network » venant des USA qui a fait des émules en France, mouvement de la « neurodiversité » avec l’autisme, le TDAH et les Dys.


5/ L'implication dans la production des savoirs

- Par la recherche participative : reconnaissance de l'expertise citoyenne, articulation de savoirs d'expérience et savoirs scientifiques avec une remise en cause des formes traditionnelles de production des savoirs,

- Remise en cause des politiques et orientations de la recherche scientifique pas qu'en santé mentale,

- Contribuer directement à la production scientifique. Viser la production de connaissances nouvelles et la résolution de problèmes identifiés par les acteurs, (ex. comme l'association PAARI)

- Créer de nouveaux lieux de production de savoir, pas seulement dans les laboratoires.


6/ La valorisation et mobilisation des « savoirs expérientiels »

- Avoir connu l’épreuve de la maladie serait constitutif de savoirs spécifiques,

- Développement de la pair-aidance : reconnaissance de l’expérience en santé mentale et implication directe dans l'accompagnement : diagnostics, élaboration des plans d’intervention, accompagner les personnes dans diverses démarches,

- Formation des professionnels : diplômes de Médiateur en Santé pair créés (universités de Paris 8 puis 13, Université de Lyon, etc.) et d'autres en création comme à Bordeaux. Ces diplômés peuvent intervenir au sein des structures hospitalières et d’accompagnement médico-sociaux,

- Légitimité académique : trouvent une place à côté des savoirs universitaires ou professionnels et participent à l’amélioration de la qualité des espaces de santé. Ce sont des personnes conviées à la discussion dans une logique d’échange, de partage d'expertise, de résolution de problèmes (ex. : l'UNAFAM a intégré des pair-aidants diplômés dans ses équipes soignantes et dans son conseil d'administration),.


Intervention d'Eric Pinet, Médiateur en Santé pair

L'intervention de ce professionnel comme médiateur en Santé pair depuis 4 années est axée autour de deux questions : « Qu’est-ce que la pair-aidance en santé mentale ? » et « Qui sont les pair-aidants ? ».

Tout d'abord, la pair-aidance est née aux USA dans les années 30 avec la création des « Alcooliques anonymes ». En France, les années 80-90 marquent le début de la collaboration "patients-soignants" avec l'apparition du SIDA. Puis, on commence à intégrer les pairs-aidants dans les années 2005 en France (voir l'article de ce blog : https://chrystelepotiniere.wixsite.com/web-cv/single-post/la-pair-aidance-porteuse-d-espoir).

Concernant la deuxième question, pour faire simple, les « pairs » sont ceux qui occupent le même rang, égaux en dignité et situation sociale (pas de hiérarchie entre celui qui sait ou ne sait pas), en opposition entre hiérarchie patient/soignant. Certains pairs sont encore patients tout en accompagnant d'autres personnes qui ont le même handicap ou pathologie. Etre pair-aidant, c'est susciter chez son prochain l'espérance d'une vie meilleure et faire en sorte que la confiance soit retrouvée. Que la personne accompagnée parvienne à se convaincre que sa vie a toutes les chances d'évoluer positivement (voir l'article de ce blog : https://chrystelepotiniere.wixsite.com/web-cv/single-post/2020/02/18/la-pair-aidance-lenjeu-des-gem).

Enfin, l'intervenant a écrit un chapitre dans le livre « Pair-aidance en santé mentale : une entraide professionnalisée » dans lequel il a fait une liste de conseils pour les pair-aidants et pour les structures. Pêle-mêle, quelques suggestions :


1/ Pour les aspirants pair-aidants

- Motivations : pourquoi voulez-vous être pair-aidants ? Si parce qu’attend d’être remercié, attention parce que ça ne réussi pas toujours et les personnes ne sont pas forcément en capacité.

- Arrivez-vous à prendre de la distance par rapport à ce qui vous est arrivé dans votre vie, notamment sur les éléments désagréables (ce qui vous a blessé, marqué). Comment allez-vous vous présenter ? (question du dévoilement).

- Capacité à défendre et argumenter les idées. Etre capable d’écouter, d’échanger. Possibilité d’échanger avec les professionnels : les comprendre et se faire comprendre.

- Un métier difficile et peu rémunérateur. Pas encore de référentiel au métier de Médiateur de Santé pair. Le métier est épuisant et demande beaucoup d’énergie à déployer. Etes-vous en capacité ?

- Comment vous projetez-vous dans un futur proche/moyen/long ? Comment vous situez-vous ? Vous projetez-vous dans ce secteur du médico-social ? L'accueil dans les EMS sont difficiles car pas toujours bien étudiés.

2/ Pour les structures faisant appel aux pair-aidants

- Un pair-aidant, chez nous, pour quoi faire ? Qu’attendez-vous de lui ?

- Quelle connaissance et adhésion des équipes au rétablissement et au développement du pouvoir d’agir ?

- Quelle est la marge de manœuvre (y compris financière) de la structure qui va accueillir le pair-aidant ? Il va bouleverser beaucoup de choses : psychiatrie traditionnelle, conception du travail, aménagements…


Retour d’expérience de pair-aidantes à l'association Pouvoir d’Agir 53

Cette association, de loi 1901 et reconnue d’intérêt général, est située à Laval dans les Pays de la Loire. Elle pilote un service d’accompagnement nommé « ESPER » (Espoir, Soutien, Plaidoyer, Empowerment, Responsabilité). Cette association est unique en France de part la composition de son administration faite uniquement des personnes ayant des troubles psychiques. Son objectif est multiple : déstigmatiser, porter le slogan « Rien sur nous sans nous », co-former des personnes côtoyant des personnes ayant des troubles psychiques, accueillir pour diriger vers le service ESPER ou des associations, des institutions.


1/ Parcours Amélie : après plusieurs tentatives de parcours professionnel normal, elle a connu une accentuation de ses troubles qu’elle niait. Placée 5 ans en invalidité professionnelle et diagnostiquée borderline (avec dépression et troubles alimentaires associés). Puis, elle est orientée vers des professionnels du soin où elle rencontre les personnes de l'association, dont le fondateur de l’association qui l'aide car elle s’autostigmatise. Rassurée, elle est invitée à s’exprimer devant des professionnels du soin. Elle a participé à la création du service ESPER comme secrétaire et est actuellement pair-aidante bénévole (20h/semaine). Elle est aussi présidente de l’association Pouvoir d'Agir 53.

2/ Parcours Delphine : elle a été auparavant aide-soignante, mais elle n’avait rien à elle, pas de liberté, n’avait pas l’impression d’avoir réussi quelque chose de sa vie. Quand elle est "tombée" (dépression ?), on s'est mis à décider à sa place en tant que majeure protégée. Puis elle a été encouragée par les bonnes personnes aux bons moments pour rebondir et gagner en liberté. Aujourd'hui, elle peut exercer (20h/semaine) comme pair-aidante à partir de son vécu, de son expérience dans un lieu bienveillant qui lui permet de se rétablir. On lui a demandé ce que voulait pour son poste, ce qui était bon pour elle (elle ne s’était jamais posé la question des conditions d'être bien dans son travail). Elle sait maintenant qu'elle peut ne pas aller travailler quand elle ne va pas bien et elle peut se l’autoriser. Le rétablissement, c'est aussi admettre qu’on a autant de défauts que de qualités, et, se laisser du temps pour les trouver ! Elle reconnaît la chance qu'elle a de faire partie de l'association Pouvoir d'Agir 53.


Cette structure est aussi unique dans les valeurs qu'elle porte. En effet, elle s'adapte non seulement aux personnes qu'elle accueille en son sein, mais aussi aux membres de son équipe. Quelle belle mentalité !


Appuyer la réflexion sur la mise en place des adaptations et des accompagnements (comme le lieu de rencontre, le poste de travail, …) qui doivent être du sur-mesure. Si c'est fondamentale pour les personnes accompagnées et celles pair-aidantes, elle l'est moins pour les structures et les recruteurs qui ont pourtant leur rôle à jouer. Ceci sera ma conclusion.

Pour voir ou revoir ce webinaire : https://youtu.be/G0FiN7eTvwM

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