Autisme : vie de couple et parentale
Est-il possible d’avoir une vie de couple avec une personne autiste ? Comment se conjugue-t-elle avec la vie parentale ? Chaque histoire est évidemment unique, mais il y a des points communs qui posent parfois problème. Voici quelques situations qui peuvent aider à comprendre le fonctionnement des adultes autistes, qui ont eux aussi droit à l’amour !
La vie de couple
Concilier vie de couple et autisme est tout à fait possible. Les autistes ont le droit à l'amour autant que quiconque et ils ont énormément d'amour à donner. Ce ne sont pas des êtres dépourvus de sentiments que la psychanalyse veut nous vendre.
Je suis une Aspie célibataire et heureuse de l'être. J'ai entretenu des relations amoureuses tout en continuant à vivre seule car j'ai toujours été plus heureuse seule qu'en couple. Après tout, je n'étais pas obligée de me marier puisque j'ai toujours été autonome financièrement. Personne pour venir me harceler pour que je m'arrange de façon à lui plaire davantage. Personne pour me prier d'arrêter de travailler afin de tenir le foyer. Personne pour me convaincre de lui faire un enfant. etc. Le BONHEUR ! Mes ruptures amoureuses ont souvent été libératrices : le choc d'avoir été rejetée ou peu valorisée laisse vite place à un intense soulagement et au bonheur d'être seule. D'autres Aspies sont mariés ou vivent en couple et sont très heureux.ses. Le mariage est une situation à propos de laquelle nous avons tous un point de vue et une expérience différents. Les avantages de la vie de couple : avoir quelqu'un avec qui partager les factures, quelqu'un avec qui rigoler, quelqu'un avec qui partir en vacances, quelqu'un d'autre que soi-même avec qui parler et quelqu'un avec qui sortir. Cela nous évite de nous perdre totalement dans nos habitudes et nos routines solitaires qui ne laissent de place à aucun écart quel qu'il soit.
La conscience de soi, c'est savoir qui l'on est vraiment, ce que l'on aime et ce que l'on n'aime pas. En ce qui me concerne, c'est aussi savoir dans quelle mesure mes troubles autistiques ont une incidence sur mes relations. Le fait de ne pas avoir un fort sentiment d'identité signifie qu'il nous faudra certainement plus de temps que les personnes neurotypiques pour être prêt pour le mariage. Même si certains.nes d'entre-nous connaissent leur partenaire depuis leur enfance/adolescence et sont très heureux.es, d'autres ont fait l'expérience d'un mariage médiocre avant de recevoir le diagnostic de TSA. Un mariage heureux dépend de cette conscience de soi et de l'envie du partenaire d'apprendre à vous connaître, à respecter vos particularités et de travailler avec elles, pas contre elles. Il est primordial qu'une personne autiste ne soit pas critiquée car cela la pousse à se replier sur elle-même. Elle a besoin de renforcement positif par rapport à ce qu'elle fait de bien, suite à quoi elle s'efforcera de faire encore mieux. Il faut un partenaire très spécial pour arriver à comprendre cela. Par exemple, mon rapport à l'apparence est délicat. Je ne saurais dire s'il en va de même pour tous les autres Aspies, mais depuis mon plus jeune âge, mon cerveau a pris le dessus sur mon corps. L'intellect est l'élément moteur chez moi, sans aucune hésitation. Les jeux de séduction observés par la société ne m'ont jamais intéressée. Comme si être une femme impliquait d'accepter ces règles absconses : être considérée comme un objet de jeu et de désir de certains hommes, tout définir par le prisme d'intentions ambiguës là où, de mon côté, elles sont inexistantes et très très loin de mes préoccupations.
Par ailleurs, il n'y a aucune garantie, simplement parce que votre partenaire est aussi autiste ou neuroatypique, que vous soyez automatiquement faits l'un pour l'autre. Si deux êtres dépourvus de théorie de l'esprit, pas vraiment amoureux, renfermés d'un point de vue social et sujets aux problèmes sensoriels et aux effondrements émotionnels vivent ensemble, les conséquences peuvent être néfastes pour chacun d'entre-eux. De plus, les hommes en général, et notamment les hommes autistes, ont tendance à se reposer sur leur compagne pour s'exonérer de faire les tâches liées au quotidien (courses, ménage, actes administratifs, etc.). Ils se déchargent en évoquant leur faible motricité fine, leurs troubles attentionnels et autres excuses faciles. Beaucoup de femmes autistes (ou non autistes) se plaignent de la faible aide reçue. Idéalement le terme « aide » devrait être banni car il suppose qu'un rôle est dévolu à l'un des deux sexes. Mieux répartir les tâches ménagères, c'est déjà entrer dans une spirale positive pour le couple, car bien des disputes débutent sur ce genre de futilité. L'isolement est parfois lourd à vivre, mais comme dit un dicton : "Mieux vaut être seul.e que mal accompagné.e".
Pour une Aspie, le foyer est quelque chose de sacré. Les hommes autistes ont peut-être leur caverne et c'est également le cas des femmes, mais elle est généralement plus propre et confortable. Notre maison est l'endroit où nous exerçons un contrôle total sur ce que nous voyons, entendons et sentons, ainsi que sur la température et les textures. Nous pouvons y être véritablement nous-mêmes. Si nous avons suffisamment d'argent pour vivre dans l'environnement de notre choix, notre chez-nous est un paradis sur terre ! Cela fera l'objet d'un autre article sur ce blog.
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La vie parentale
Certains Aspies ont envie de fonder une famille pour la compagnie et l'amour qu'elle procure alors que d'autres vivent dans cette crainte. Car s'il nous est déjà difficile de prendre soin de nous-mêmes, comment nous serait-il possible de subvenir aux besoins d'un autre être humain ?
La décision d'avoir des enfants ne devrait jamais être prise à la légère, que l'on soit autiste ou pas. Mais quand on l'est, tous les problèmes inhérents à nos troubles sont exacerbés. Avoir des enfants, c'est dire adieu à la paix, au calme et à la solitude, autrement dit à ce que nous chérissons le plus. Il est des activités auxquelles nous devrons prendre part, comme par exemple les spectacles de l'école, les copains qui viennent jouer à la maison ou les réunions parents-professeurs. Nous ne ressemblons pas à la plupart des autres parents, ne nous comportons pas comme eux et ne nous sentons pas intimement la fibre maternelle ou paternelle. Personnellement, j'ai toujours eu une personnalité évitante en ce qui concerne le mariage et la maternité. Je n'ai pas d'enfant et jamais eu aucune intention d'en avoir. Je ne voulais pas avoir la responsabilité d'élever un enfant, ayant déjà des problèmes face à la fatigabilité et à prendre ma vie en main. Je comprends tout à fait le refus de parentalité des personnes autistes, car cela représente beaucoup de difficultés, mais cela peut aussi générer une évolution positive pour soi si on est bien accompagné.e dans le couple.
Même si, chez les femmes comme chez les hommes autistes, la parentalité est tout à fait envisageable, être autiste et parent n'est certainement pas une mince affaire. Votre enfant, qu'il soit neurotypique ou dans le spectre, nécessitera beaucoup d'énergie, d'attention et les attendus sociaux sont nombreux. Je reprendrai ici divers résultats d'études notamment sur la maternité. Il est difficile de trouver des études sur la paternité, car déjà les attentes sociétales sont moindres et ces études sont moins fréquentes dans le champ de l'autisme.
Les sensorialités liées aux odeurs des couches, aux bruits (pleurs, cris) peuvent être très dommageables notamment face à une population de parents autistes particulièrement sensibles. L'insensibilité supposée envers ses enfants : elle est d'autant moins acceptée socialement si la personne autiste est une femme. En effet, il existe des attendus liés au genre, une femme doit se montrer plus affectueuse et devra faire preuve d'un amour visible et mesurable pour son enfant. Les difficultés dans les jeux imaginatifs avec son enfant consiste à pratiquer l'imagination, à simuler, théâtraliser. Ceci n'est guère simple quand l'imagination fait défaut. L'enseignement de la sociabilité (communication, interactions sociales...) peut constituer une difficulté de plus, car l'enfant sera tenté d'imiter le (ou les) parent autiste qui souffre lui-même de déficits dans les interactions sociales. Car les enfants apprennent beaucoup par mimétisme en regardant faire et en écoutant, par extension, en analysant les comportements de leurs parents.
Ces difficultés éprouvées avec les enfants ne s'arrêtent pas quand ils deviennent adultes. Ils peuvent encore appuyer sur nos boutons autistiques et faire partie des gens les plus exigeants de notre vie. Même s'ils savent que nous sommes autistes, ils veulent toujours que nous soyons parents et que nous satisfassions leurs besoins. Nous avons la chance de vivre dans une société où il n'est plus inhabituel ou indésirable d'être célibataire ou un couple sans enfants. Ne vous imaginez pas qu'il faille justifier vos choix auprès de qui que ce soit : il s'agit de votre vie. Pour les personnes autistes qui désirent vraiment fonder une famille : les enfants sont amenés à grandir et à poursuivre leur route, surtout s'ils ne sont pas autistes. Si vous vous êtes trop fortement reposé.e sur eux pour leur compagnie et le sens qu'ils donnaient à votre vie, vous n'aurez plus aucun cercle social. Si vous pensez que vous voulez vraiment avoir des enfants et que vous n'en avez pas encore, réfléchissez bien à l'impact financier, social, sensoriel et émotionnel d'une telle décision.
Restez vigilant : en tant que parent autiste, votre comportement peut cependant être parfois difficile à comprendre pour un travailleur social. De même, si votre enfant est autiste, la méconnaissance de ces troubles peut conduire à une suspicion de maltraitance, avec ouverture d’une information préoccupante ou d’un signalement abusif. Pour en savoir plus sur le sujet et trouver des conseils sur comment se comporter et communiquer avec des travailleurs sociaux, consultez le guide publié par l’Association francophone de femmes autistes.
Pour conclure
Je suis incapable de vous dire comment construire un mariage heureux ou une vie de famille satisfaisante, mais s'il y a une chose dont je suis sûre, c'est qu'une fois que nous apprenons à nous connaître et que nous cessons d'être ce que nous ne sommes pas, nous pouvons avoir des valeurs différentes. Alors, que certains d'entre-nous sont simples et traditionnels, d'autres optent pour un mode de vie alternatif qui répond à leurs besoins. Mais qui que nous soyons, nous sommes maîtres de nos choix. Il s'agit d'une décision qui vient de l'intérieur et surtout pas en raison de normes ou de critiques sociales.
Le compromis va très certainement être la base pour concilier vie de famille et autisme. Il est presque sûr que vous ne rentrerez dans aucune norme, et c’est tant mieux, parce qu’il n’y a pas plus de norme en amour qu'en autisme !
Et vous ?
Pensez-vous qu'il est possible d’avoir une vie de couple avec une personne autiste ?
Comment cette vie de couple se conjugue-t-elle avec la vie parentale ?
Qu'est-ce-qui vous pose parfois des problèmes dans la relation de couple ou dans celle de parent ?
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