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Un accompagnement atypique (2)

Dernière mise à jour : 21 sept. 2023


Au CHU de Nantes, le Centre de Référence en Soins d'Education thérapeutique et de Remédiation Cognitive (CRESERC) est un lieu qui dispense et coordonne des soins de réhabilitation psychosociale orientés rétablissement. Pour l'Education Thérapeutique du Patient (ETP), les objectifs pour la personne autiste sont d'améliorer son fonctionnement dans la vie quotidienne, ses compétences relationnelles et de réduire son niveau d'anxiété.


Néanmoins, il ne faudrait pas oublier que l'autisme est une neurodiversité et non une pathologie. Ce sont la sur-adaptation et la stigmatisation qui poussent les autistes à développer des maladies psychiques telles que l'anxiété durable, la dépression, etc. C'est pourquoi, l'équipe soignante (1 neuropsychologue, 1 psychiatre spécialisée TSA et 1 infirmière) a souhaité organiser la réhabilitation en ETP avec des séances uniquement collectives sur le partage d'expérience pour renforcer l'estime et la confiance en soi, un préalable au rétablissement. Chaque participant est une ressource pour tout le monde : pour les autres patients et pour l’équipe soignante. Il s’agit de mettre en valeur l’expérience de chacun et de co-construire avec les professionnels de santé.


Les circonstances de l'accompagnement

Le CRESERC n’a pas pour mission d’assurer une évaluation diagnostique, même si celle-ci est un prérequis à l’accès à un dispositif d'ETP. Puisque je n'ai pas obtenu le diagnostic d'autisme, normalement je devais être exclue d'un tel dispositif. Et oui, le diagnostic de TSA reste un privilège. On estime que seul 10 à 20 % de la population française a été diagnostiquée (surtout chez les enfants) et que l'erreur de diagnostic reste fréquente chez les adultes. C'est ce que la neuropsychologue et la psychiatre ont estimé lorsqu'elles m'ont accordé un entretien dans le cadre de mon projet pour devenir pair-aidante et/ou personne ressource en ETP dans le TSA.


Ceci est une autre histoire, qui fera (peut-être) l'objet d'un prochain article de blog. Retournons au sujet principal : ce premier ETP dans le TSA organisé en Loire-Atlantique. Vous trouverez ci-après une synthèse des rendez-vous hebdomadaires qui se sont déroulés entre la mi-mai et la mi-juillet 2021, soient 10 séances de deux heures environ, pendant 2 mois.

L'accompagnement par un service du CHU de Nantes

Lors de la 1ère séance, une brève présentation croisée des 6 participants (nom, âges, activité pro ou loisirs, ce que l'on aime ou pas) permet une prise de contact, moins stressante, entre les participants. Puis nous définissons une charte de bonne conduite intitulée « Accord de groupe » dont la mise en place d'une échelle de fatigue en début et fin de chaque séance et un "gardien du cœur" qui s'assure du bien-être de chaque participant. Le programme des séances de l'ETP est déjà défini par les 3 praticiennes qui souhaitent commencer par nous parler de l'autisme avec le DSM 5 et la triade autistique -anomalies des interactions sociales, anomalies de la communication sociale, centres d'intérêts spécifiques et comportements stéréotypés (cf. schéma ci-dessus). Un des participants se sent mal car cela remue en lui des mauvais souvenirs de groupes de parole institutionnalisés et préfère quitter cet ETP. Etait-il nécessaire de présenter l'autisme, à ceux qui le vivent de l'intérieur, avec des définitions fondées sur une approche médicale ? Je ne le pense pas. Personnellement, j'aurai préféré que l'autisme soit abordé en fonction de la défense de nos droits en matière de santé (droit au diagnostic, droit à la protection de la santé, droit au respect de la dignité, à la non discrimination dans l'accès à la prévention et aux soins, droit de participer aux décisions concernant sa santé…). Mais avec le recul, est-ce bien opportun d'aborder d'entrée ce sujet sensible et est-ce que cela rentre bien dans le champ d'un ETP ? Un ETP n'est pas un groupe de parole militant.



La 2ème séance est axée sur la vie quotidienne et la fatigabilité. Après le positionnement de chacun sur l'échelle de fatigue, les intervenantes nous demandent d'identifier, à l'aide de pictogrammes, les causes qui provoquent une fatigue récurrente et les circonstances dans lesquelles elle s'exprime. L'environnement sensoriel est un des éléments déclencheur de la fatigue. Nous poursuivons donc sur nos sensorialités (vue, ouïe, odorat, goût, toucher et proprioception) en hyper (++) ou hypo (- -) sensorialité. Personnellement, je ne connais pas le terme et la définition de la proprioception : n’a pas conscience de ses propres sensations corporelles. Une révélation concernant mes difficultés face à la douleur physique, mes problèmes de motricité et mon faible rapport au corps. La « théorie des cuillères » expliquée dans une vidéo de Julie Dachez, illustre la gestion de l'énergie mentale par rapport aux activités sur une journée. Les praticiennes nous suggèrent d'identifier via un planning, durant la semaine, les sources de fatigue en fonction des activités quotidiennes. L'infirmière nous propose de tester leur salle multi-sensorielle en dehors des séances d'ETP. Je suis la seule à accepter. Un RDV est pris en amont de la prochaine séance. Ce test est reporté à la date de la 5ème séance.


La 3ème séance se poursuit avec le thème de la fatigabilité dans la vie quotidienne. Un tour de table s'opère pour recueillir, auprès de chacun, le jour de la semaine passée où la fatigue était la plus forte et celle où elle était la moins dans l'espoir que l'on repère mieux les causes de cette fatigue. Cette fatigue serait principalement due à un problème d'organisation et de charge mentale. Sauf que nous avons tous mis en place des astuces pour nous organiser (cf. photo). Je pense que chez les personnes autistes, elle est plus neurologique et cognitive qu'organisationnelle. Toutefois, les intervenantes nous présentent d'autres outils d'organisation dont la Matrice d'Eisenhower qui permet de mieux prioriser ses tâches. Elles nous demandent de travailler en binôme pour appliquer celle-ci à une activité personnelle commune. Après la pause, nous enchaînons sur le sommeil et comment mieux l'adapter pour organiser nos vies. Les besoins de sommeil diffèrent d'une personne à l'autre et d'un âge à l’autre. Notre appartenance à une « catégorie » de dormeur et les particularités de notre sommeil (nombre d'heures nécessaires, durée des cycles, etc.) sont déterminées génétiquement. Quoi qu'il en soit, la durée idéale d’une nuit de sommeil est celle qui donne le sentiment d’être en forme et efficace dès le lendemain. Pour la prochaine séance, sur le thème des émotions, les intervenantes nous convient à apporter un objet ou une photo de quelque chose qui nous procure une émotion positive.


Cette 4ème séance commence par aborder les thèmes des émotions, des besoins et de la communication empathique. Comme lors des séances précédentes, l'atelier démarre avec l'échelle de la fatigue à laquelle s'ajoute une météo (guidée) de l'humeur (joyeux.se, serein.e, fatigué.e, frustré.e, énervé.e ou triste). L'objet/photo (ou personne) qui nous procure une émotion positive est le point d'entrée sur nos propres ressentis émotionnels, donc un sentiment. En effet, la différence entre les émotions et les sentiments demande une clarification. Le sentiment est une construction socialement induite et se constitue sur des mélanges d'émotions (ex : haine, jalousie, frustration, honte, culpabilité, etc.). Alors que l'émotion est une réaction physiologique à une stimulation qui se traduit dans un mouvement corporel et ne dure que quelques minutes. Les sentiments teintent de manière plus durable les pensées et nourrissent un besoin. Puis nous poursuivons avec l'identification des 6 émotions de base : Colère, Surprise, Peur, Joie, Tristesse, Dégoût, exprimées de la même manière par tous les humains quels que soient leur culture et leur âge. Deux quizz nous sont projetés afin de reconnaître et nommer les 6 émotions de base à travers le visage de différentes personnes. L'atelier se termine avec l'outil STOP basé sur la pleine conscience et l'accueil des sensations et de la respiration afin de retrouver le calme presque instantanément. La météo de fin de séance n'en est que meilleure !

Je commence donc cette 5ème séance par l'essai de la salle multi-sensorielle, en individuel pendant 30 minutes. Cet espace « Snoezelen » comprend un éclairage tamisé, avec variations lumineuses pour stimuler la vue. Outre la stimulation des sens, la combinaison de ces différents éléments favoriserait la naissance d'un sentiment d'apaisement et de sérénité. Je confirme cette belle mise en route pour me préparer à la séance d'ETP.

Puis à la séance, nous sommes que 2 participantes sur les 5 restants. Nous commençons la séance par l'exercice STOP expérimenté lors de la séance précédente. Connaître le rôle des émotions de base permet d'identifier ses besoins, comprendre l'intérêt de faire part de ses besoins pour améliorer la communication. Le choix des intervenantes se porte sur la Pyramide de Maslow pour nous aider à identifier nos besoins. Puis, elles nous demandent de compléter un document « boussole intérieure » afin d'exprimer nos besoins les plus importants. J'avoue que cet exercice est assez difficile tant j'ai été dans l'ingérence émotionnelle et le camouflage. Afin de faciliter l'expression de nos besoins, la communication non violente (CNV) permet de se connecter à l'autre pour ensuite chercher ensemble un moyen de satisfaire les besoins de chacun. Enfin, nous abordons l'empathie qui est une dimension centrale de l'approche CNV. Conçue en 4 étapes connues sous l'acronyme OSBD (pour observation, sentiment, besoin, demande), elle favorise l'affirmation de soi. L'affirmation de soi est la capacité à exprimer ce que l'on veut, ce que l'on pense, ce que l'on ressent, sans anxiété excessive, tout en respectant les autres et sans redouter la confrontation.


Cette 6ème séance se poursuit sur le thème de l'anxiété. Trop épuisée par les grosses chaleurs qui perdurent depuis plusieurs jours, plusieurs participants ont aussi signalé leur absence. Les intervenantes sont réactives car elles nous proposent une séance mixte en visio. Nous sommes 3 participants. Les intervenantes me demandent de résumer la séance précédente auprès des 2 autres personnes qui étaient absentes. Puis, elles nous présentent 3 définitions : la peur, l'angoisse, l'anxiété afin d'aborder le sujet du jour. "L'anxiété est un trouble émotionnel qui se manifeste par un profond sentiment d'insécurité. Contrairement à l'angoisse, l'anxiété est un état de tension physique ou psychique permanent." L'anxiété est un cercle vicieux. Alors, comment se manifeste-t-elle physiquement et sur les pensées, son intensité graduelle, quelles sont chez les participants les 2 principales situations quotidiennes où l'anxiété est repérée ?

Si elle peut varier dans ses manifestions, d'une personne à une autre et d'une situation à l'autre, on retrouve chez nous des similitudes et un forte intensité liées au TSA. Nous échangeons alors sur nos propres outils de gestion mis en place (endroit calme, sport, alimentation, médicaments et psychothérapie, loisirs). Les intervenantes nous en indiquent d'autres notamment les outils de bien-être (méditation, cohérence cardiaque, exercice STOP, pauses sensori-motrices, stimulations sensorielles, intérêts spécifiques, verbalisation de ses angoisses à un proche).


La 7ème séance est l'occasion de réaliser la synthèse des séances précédentes que nous devons transcrire dans un tableau papier (voir annexe : « Mon Fonctionnement ») selon notre propre mode de fonctionnement (sensorialité, fatigue et sommeil, anxiété, intérêts spécifiques, organisation et changements, émotions, communication, et enfin nos qualités et points forts). Durant le débriefing individuel, j'ai demandé à l'équipe soignante qu'elle me donne son avis sur ce tableau que je vais compléter au fur et à mesure. Les intervenantes transmettent aussi le livret « Mon plan personnel de bien-être » du CreHPsy. Nous avions commencé cette séance par une météo des émotions et nous terminons sur celle-ci. Devant le peu de retour des questionnaires pour organiser la séance avec les proches, les intervenantes proposent que nous sensibilisons leurs collègues du CRESERC. Les 4 participants déclinent cette proposition qui ne voient pas l'intérêt d'une telle séance dans leur processus de rétablissement. Elles nous proposent alors de leur adresser nos idées pour composer les 2 prochaines séances, idées qui seront en fait retenues que pour la 9ème séance.


Nous retrouvons à cette 8ème séance les 4 participants de la précédente séance. Au programme, les 2 soignantes nous demandent : « En quoi cela peut-être utile de parler de son TSA/fonctionnement à quelqu'un, aux autres ? Quelles sont les craintes, les limites ? », « Quelles sont les chances que les autres doivent savoir/comprendre de moi pour que je me sente à l'aise ? », « En quoi est-ce important pour les autres de comprendre mon fonctionnement ? ». Cet atelier a pour but de comprendre avec empathie la situation de l'autre par le biais de l'expérience commune du TSA et à communiquer cette compréhension aux 2 soignantes. Mais aussi, cela consiste à développer la capacité de dévoiler son expérience vécue du handicap de manière à faire comprendre nos apprentissages en tant que trajectoire de vie, qui ne se résument pas à une simple carte d'identité de personne handicapée. Le manque de reconnaissance, le sentiment d'illégitimité, sans parler de la fatigue par les efforts fournis à devoir se justifier sans cesse font partie des principaux problèmes rencontrés par l'ensemble des participants. Pourtant, une des intervenantes insiste pour que nous participions, au-delà de la sphère privée, à faire mieux connaître l'autisme surtout celui sans déficience.


La 9ème séance, porte sur les troubles associés au TSA - ce que les soignants appellent les comorbidités -, sur les traitements médicamenteux et les psychothérapies pour les soigner. Après un tour de table sur nos connaissances sur les troubles qui peuvent être associés au TSA (troubles anxieux, de l'humeur, du comportement alimentaire, du sommeil, psychotiques, addictifs, somatoformes), les intervenantes nous présentent les familles de médicaments qui les soignent. Puis, elles nous parlent aussi des TND (troubles neuro-développementaux) dont le TSA fait partie : Dys, TDA/H, déficience intellectuelle ; et vers quel type de praticiens on peut se tourner pour se faire accompagner. Nous finissons par mettre l'accent sur les psychothérapies spécifiques au TSA : les thérapies de régulation émotionnelle (expérimentation dédiée au TSA à Strasbourg) et les entraînements aux habilitées sociales. Elles profitent pour nous annoncer la création prochaine d'un d'atelier à ces entraînements au sein du CRESERC.


Pour cette dernière séance, les intervenantes ont fait appel à une assistante sociale pour co-animer le thème du jour : les droits et les réseaux associatifs. Oups, un problème de transport en commun vient perturber le trajet pour m'y rendre. J'arrive avec 15 minutes de retard pour prendre en cours la présentation de la MDPH (voir annexe : « MDPH »). La Maison départementale des personnes handicapées est un service du Département qui accueille, informe, accompagne et conseille les personnes handicapées et leurs proches, leur attribue des droits dont ceux pour obtenir des prestations de compensation : AAH, PCH, CMI et RQTH. Un rapide focus sur les dispositifs locaux d'aide à l'insertion professionnelle incite à m'exprimer sur les limites de ces dispositifs. Puis les intervenantes nous interrogent sur les obstacles que peut rencontrer une personne avec TSA afin de se présenter à un RDV pour faire une demande d'aides sociales. De leur côté, elles indiquent les leurs lorsqu'une personne TSA se présente à elles ; d'où parfois la nécessité de se faire accompagner pour compenser les difficultés de formulation de la demande. La séance se termine en nous questionnant sur nos connaissances d'associations nationales et locales pour les personnes autistes. Je profite pour parler du Collectif d'entraide autisme 44, association en devenir avec des projets construits par et pour les personnes autistes sans déficience intellectuelle. Un débriefing individuel des 4 participants, restants à cet ETP, a été mené fin août.


Le débriefing individuel se déroule 1 mois et demi après la fin de l'ETP, en présence de la psychiatre spécialisée TSA, ayant co-animée les séances. Oralement, elle demande mon avis sur cet ETP dont la pertinence des thèmes abordés, sur le contenu pédagogique des séances, sur les rythmes et l'organisation de celles-ci. A son questionnement sur les bénéfices de cet ETP et les effets produits sur mon quotidien, je n'ai pas pu lui répondre car ma vie sociale est pauvre en ce moment et certaines routines sont difficiles à changer. C'est uniquement sur la régulation de mes états émotionnels que je fais plus attention, notamment aux stimuli de l'environnement pour me préserver du stress et de la fatigue cognitive. Lorsqu'elle me demande si je conseillerai cet ETP (identique à ce modèle) à une personne avec TSA, ma réponse a été positive mais uniquement si elle est destinée à un adulte plutôt jeune qui vient d'obtenir son diagnostic et qui n'est pas encore suivi par une équipe spécialisée. Pour des personnes avec un certain vécu du handicap et déjà autonomes dans la gestion de leur quotidien, c'est la notion d’empowerment ou la capacité à renforcer sa propre action qui devrait être mieux traitée (d'où l'importance de la présence d'un patient-ressource). J'en profite pour donner un avis sur les axes d'amélioration qui peuvent être apportés. Pour finir l'entretien, nous faisons un point sur les besoins/attentes personnelles complémentaires pour mettre en place des actions dans le cadre d'un parcours de soins.


L'année prochaine, je vous propose d'aller plus en détail sur les thématiques abordées lors de cet ETP par une série d'outils pratiques dans lesquels vous pourrez piocher selon vos besoins. Après les avoir testés, je vous en ferai profiter pour vous aider à réduire l’impact de l’autisme sur votre qualité de vie.

Vous aussi, vous pouvez participer à transmettre votre expérience et vos connaissances pour aider la communauté autistique à prendre en main son bien-être. Et qui sait, encourager à se faire entendre et prendre la parole avec moins de honte ou de culpabilité, ainsi éviter l'auto-stigmatisation qui bloque l'autodétermination. De plus, échanger avec ses pairs autistes apporte une certaine protection contre les jugements négatifs et stigmatisants que nous renvoient les valides. Pourvoir s'abriter derrière la chaleur d'un groupe, plutôt que d'être isolé dans sa propre intériorité, permet de sortir de l'épineux dilemme de la dissimulation ou non de son handicap.


Et vous ?

Connaissez-vous d'autres dispositifs qu'accompagnement de la personne autiste ou des outils pratiques qui vous servent au quotidien ?


Les annexes

- Mon Fonctionnement


- La MDPH


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